Condamnation pour “homosexualité” en Tunisie : La commission des droits et des libertés interpelée

L’affaire du jeune tunisien de 22 ans condamné à un an de prison ferme pour “pratiques homosexuelles” continue de prendre de l’ampleur, notamment parce que les médias étrangers en parlent. D’où l’importance de rester mobiliser. Depuis l’annonce du jugement, la société civile ne cesse de fustiger une inertie des institutions et des partis politiques. L’association Damj, oeuvrant pour la consécration des droits des minorités sexuelles, a d’ailleurs accusé les “progressistes” de “manquer de courage” face à ce traitement “inhumain et illégal”, qui “s’apparente à de l’inquisition”, confie Badr Baabou, militant.

“Le parquet a ordonné de soumettre le jeune homme à un test anal, faisant fi de l’article 23 de la constitution qui garantit le respect de la dignité de la personne, son intégrité physique et interdit la torture physique et morale, ainsi que l’article 24 sur la protection de la vie privée. C’est une pratique humiliante et dégradante qui s’apparente à de la torture tant elle cause des dégâts physiques et moraux”.

Il est à noter que le jeune n’a pas donné son consentement pour subir le test. Il a été forcé, harcelé pour le faire. Une autre transgression flagrante de la loi qui prévoit le consentement du suspect pour ce genre de test.

“Le pire c’est que les policiers arrêtent les gens dans la rue, non pas en flagrant délit mais juste pour un délit de faciès. Quand ils constatent qu’une personne est “un peu maniérée”, ils procèdent à l’arrestation. De quelle constitution, de quelles libertés individuelles parlons-nous si elles restent lettre morte? C’est inhumain et illégal”.

Vendredi, le parti progressiste de gauche Al Massar a publié un communiqué dans lequel il a défendu le jeune homme contre “ce jugement contraire à la Constitution” et a appelé la Commission des droits et des libertés de l’Assemblée, à “prendre toutes ses responsabilités devant une telles situation, vu ce que cela représente comme danger sur le processus démocratique de la deuxième république”.

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Ci-dessous une traduction en langue française de notre communiqué publié en langue arabe sur cette page le 24 septembre 2015.

Posted by ‎شباب حزب المسار | Jeunes du Parti El Massar‎ on vendredi 25 septembre 2015

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L’Association tunisienne de soutien aux minorités, de son côté, s’est indignée des déclarations du vice-président de la commission, Naoufel Jammali, rapportées par le journal électronique Echaraâ Al Magharibi: “Nous n’examinons pas les affaires et les cas sociaux”.

“L’affaire n’est ni un cas social ni un fait divers”, a rétorqué l’association dans une lettre ouverte adressée aux députés, “mais un révélateur de la situation des libertés et des droits dont vous êtes d’une façon ou d’une autre les garants”.

Le jeune étudiant avait été arrêté le 6 septembre à Hammam-Sousse. Il devait être interrogé dans le cadre d’une affaire d’homicide, les enquêteurs ayant trouvé son numéro sur le téléphone de la victime. La police l’a forcé ensuite à subir un test anal.
Le mardi 22 septembre suivant, un an de prison ferme était requis contre lui, en vertu de l’article 230 du code pénal qui criminalise les rapports homosexuels.

“…Nous ne vous demandons pas une intervention directe sur l’article (230) du code pénal. Mais nous réclamons ne serait-ce qu’un mot, une déclaration, pour honorer cette commission”, a ajouté l’association tunisienne de soutien aux minorités.

Contactée dimanche par le HuffPost Tunisie, la présidente de cette commission, Bochra Belhaj Hmida, a affirmé que son organisme n’a jamais statué sur cette affaire.

“Nous n’intervenons pas non plus pour résoudre les affaires au cas par cas”, a-t-elle affirmé. “Sinon la commission ne pourra jamais travailler”.

“La commission représente les partis politiques. Tant que ceux-ci ne réagissent pas, elle ne peut rien faire. Et pour l’instant ils ne réagissent pas”, a-t-elle ajouté.

La députée Nida Tounes rappelle que l’atteinte à l’intégrité physique et aux données personnelles est contraire à la constitution et déplore le fait qu’un “procureur qui traitait initialement une affaire de meurtre, condamne une personne sur une affaire dont les éléments matériels sont absents”.

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avec le HuffPost