Venus trouver “refuge” en France, des migrants homosexuels témoignent de leur calvaire dans cette quête à la survivance

Ils ne viennent pas du même pays, ne parlent pas la même langue mais leurs histoires se recoupent en un point sombre : ils ont dû fuir leurs régions d’origines, persécutés en raison de leur orientation sexuelle, pour demander l’asile en France.

Amadou, Malien de 27 ans, Ismael, 35 ans, du Burkina Fasso et enfin la plus jeune, Marie*, Nigérienne de 19 ans, rencontrés par Marianne, les trois jeunes gens racontent leur parcours.

Il est difficile de donner un âge à Amadou. Physique élancé, sourire large et regard pétillant, rien ne laisse présager l’horreur qu’il a vécue. Ismael et Marie sont plus réservés. Mais, quand elle raconte son histoire, terrible, quelque chose dans le regard de Marie semble à jamais éteint.

Orphelin à 2 ans, Amadou n’a pas connu l’abandon parental de ses compagnons d’infortune mais une vie d’errance et de souffrances, se souvient le jeune homme, évoquant les viols qu’il a subis, puis sa vie de prostitué, pour survivre, dans les boîtes de nuit fréquentées par des touristes occidentaux.

Ismael n’a que 15 ans lorsqu’il est expulsé du foyer familial, surpris par l’un de ses cousines, au lit avec un autre garçon. Originaire de Ouagadoudou, capitale du Burkina Faso, le jeune homme est issu d’une famille musulmane très pieuse, où vivre son homosexualité était inimaginable.

Marie, pour sa part, est l’ainée d’une famille aisée et respectée au Nigéria. “La préférée de ses parents” jusqu’au jour où ils découvrent sa liaison avec une fille de l’école. L’amour parental va laisser place à la haine. Elle sera également renvoyée du domicile familial.
Mais, même loin du regard accusateur de ses parents, la jeune femme qui croyait pourtant pouvoir vivre sa sexualité librement, va encore subir l’entourage de sa famille, qui continue à l’épier, rapportant ses faits et gestes à son père. Furieux, celui-ci prendra la décision d’engager deux hommes pour tuer sa propre fille. Le jour J, elle supplie ses assassins de l’épargner. Ils le feront, non sans laissé sur son corps des séquelles graves. À l’article de la mort, Marie est secourue par un homme, qui l’amènera dans un hôpital où elle passera un mois dans le coma.

En 2015 Amadou, qui se prostitue comme Ismael pour survivre, se réunit régulièrement chez lui avec des copains, “pour s’amuser”, explique-t-il avec pudeur. Mais dans le quartier, des rumeurs courent quant à ces réunions nocturnes. Ses voisins lui jettent de “mauvais regards”, le traitent de “sale PD”, et leurs menaces se font chaque jour plus sérieuses. Un jour, raconte-t-il, après s’être fait agresser, il se rend au commissariat afin de porter plainte. Les policiers refusent d’enregistrer sa plainte, et l’apostrophent : “Pourquoi tu ne te comportes pas comme les autres hommes ?” Au Mali, l’homosexualité est passible de prison.

La prison, Ismael l’a connue deux mois. Installé depuis quelque temps avec un Français, la police vient l’arrêter chez eux, la loi burkinabaise interdisant à deux hommes de vivre sous le même toit. Son compagnon, lui, est renvoyé en France. A sa remise en liberté, direction la rue et le trottoir… Si elle n’a pas connu la prison, Marie aura également une mauvaise expérience avec la police : à peine sortie du coma, elle veut porter plainte. Mais les policiers ne la prennent pas au sérieux, la sachant lesbienne. C’est alors que Marie se résout à quitter le pays.

Amadou se souvient également du jour où il s’est décidé à partir pour la France. Le même où il faillit mourir lynché :

“Ce soir-là, j’étais allé à un concert avec un ami. Une autre amie, qui est aussi ma voisine, m’a appelé pour me dire que des gens s’étaient rassemblés autour de chez moi, avec des machettes et des chaines de vélo… Ils lui ont demandé : ‘Où est Doudou ?!’ (le surnom d’Amadou, ndlr) puis lui ont dit qu’ils allaient me tuer, car je n’étais à leurs yeux qu’un ‘sale PD qui ne mérite pas de vivre’. Ils ont forcé ma porte, sont entrés dans ma chambre, m’y ont attendu un moment, puis sont partis en criant qu’ils reviendraient me faire la peau. Je n’ai plus jamais revu ma maison.” 

Le calvaire de la fuite

Avec toutes ses économies, dès le lendemain, Amadou part en bus pour le nord du pays, où il trouve un passeur pour l’Algérie, puis jusqu’en Italie par la mer, sur une embarcation de fortune. Et enfin, autostop jusqu’à Paris, où il dépose une demande d’asile à la préfecture. Enfin, une connaissance emmène à l’ARDHIS, association qui aide les demandeurs d’asile ayant subi des persécutions dans leur pays du fait de leur orientation sexuelle. L’association “Réfugiés Bienvenue” s’occupe de lui trouver des logeurs. Un couple l’accueille, avec qui il entretient d’excellents rapports. Il vit désormais dans d’attente du verdict de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), chargé d’examiner sa demande.

Il subit des agressions allant jusqu’à des mutilations au niveau du sexe

C’est en 2014 qu’Ismael connaît le pire. Il subit des agressions allant jusqu’à des mutilations au niveau du sexe. “Autant d’agressions revendiquées comme homophobes”, raconte-t-il. C’est là qu’il s’envole pour la France. Une connaissance, le dirige vers la préfecture, afin de faire une demande d’asile en tant que persécuté dans son pays d’origine. Là bas, on le dirige vers l’OFPRA. En attendant que son dossier soit examiné, le jeune homme vivra trois mois entre les abris bus et les centres d’hébergement pour sans abri.

Les pas de Marie la mèneront jusqu’à une station de métro où elle dormira quelque temps, avant d’être dirigée vers une petite association où elle rencontre Ariane, qui deviendra son assistante sociale. Enfin Marie découvre à son tour l’ARDHIS. Des bénévoles l’aident dans ses démarches de demande d’asile, toujours en attente.

Dans les centres d’hébergement pour sans abris, Ismael se sent discriminé : sur son passage, raconte-t-il, les gens s’écartent, le regardent mal. Il décide d’appeler le 115 et de leur expliquer qu’il se sent de moins en sécurité, ayant entendu parler d’agressions homophobes dans ces centres. Ce que lui répond la voix au téléphone le laisse abasourdi : “Vous pouvez vous travestir, pour aller dans un centre de femmes et vous mettre à l’abri des agressions.”

Un ami burkinabais, retrouvé en France, finira là encore par l’orienter vers l’ARDHIS. Des bénévoles, outre l’assistance aux taches administratives, lui proposent des sorties, des rencontres avec d’autres gays réfugiés ayant connu des histoires similaires, et avec qui il va pouvoir se lier d’amitié. Comme Marie et Amadou, il espère convaincre le pays des droits de l’Homme de lui accorder sa protection.

*Le prénom a été changé.

avec source : Simon Bentolila Abdallah Soidri