Ruée chez les kiosquiers : Nous sommes Charlie, pour la liberté tout simplement !

Ce Mercredi vers 10h00, l’édition avec Mahomet en Une, signée par les rescapés de l’attentat contre Charlie Hebdo, pourtant tirée à trois millions d’exemplaires, était déjà épuisée dans les 27.000 points de vente de presse en France.

Une édition «prête à rentrer dans l’histoire», distribuée dans 25 pays, sauf au Maroc et en Algérie. Afin de faire face à la demande, le journal satirique va d’ailleurs porter son tirage à 5 millions :

«j’ai jamais vu ça, j’ai ouvert le rideau à 6h20, il y avait déjà la queue, une cinquantaine de personnes. Tout est parti en 10 minutes ! J’avais commandé 1 000 exemplaires mais je n’ai pu en avoir que 125. Ma femme est venue en renfort mais là je vais devoir dire toute la journée aux gens que je n’ai plus de Charlie Hebdo,» Patrick, kiosquier depuis 26 ans place Gambetta. Mais, pas d’inquiétude : “L’éditeur a décidé ce matin de porter le tirage à 5 millions”, soit deux millions de plus que prévu, a déclaré Véronique Faujour, présidente des MLP. Ils seront distribués à raison d’environ 500 000 exemplaires par jour, ce qui permettra à tous les kiosques qui le demandent d’être réapprovisionnés, a-t-elle souligné.

Rageant de se faire buter par des minables

Dans son apéro-édito, Gérard Biard, le rédacteur en chef, ne manque pas d’égratigner ceux qui les ont traités de « laïcards intégristes » :

« Ces dernières années nous nous sommes sentis un peu seuls, à tenter de repousser à coups de crayon les saloperies franches et les finasseries pseudo intellectuelles qu’on nous jetait au visage […] : islamophobes, christianophobes, provocateurs, irresponsables, jeteurs d’huile sur le feu, racistes, vous-l’avez-bien-cherché. »

Et donc, logiquement, on retrouve, au fil des seize pages, les mêmes têtes de turc : le pape et son air réjoui, les djihadistes et leur morve au nez, les chefs d’Etats présents dimanche (« une famille de clowns décimée, dix de retrouvés »). Et puis bien sûr, des culs sous les burqas et la petite bande des terroristes :

« Les guignols ne connaissaient même pas notre adresse, ils ont commencé par entrer chez le voisin. Et pourquoi mettre une cagoule si on laisse sa carte d’identité dans la voiture ? C’est rageant de se faire buter par des minables. »


L’équipe de «Charlie Hebdo» raconte sa première… par liberation

Il y a aussi des moments plus sérieux. Lorsque le chercheur Jean-Yves Camus évoque les « charognards du complot » (« j’te jure, c’est le Mossad ou la CIA ») ou que Laurent Léger, qui était dans la pièce au moment des coups de feu, se demande comment les services de renseignement ont pu laisser les frères Kouachi et Coulibaly vaquer tranquillement à leurs préparatifs :

« Manuel Valls promet donc de prendre de nouvelles mesures afin de renforcer un arsenal déjà ultra-répressif […].

Oubliant, dans un bel exercice de communication que l’organisation du renseignement d’aujourd’hui n’est autre que son grand œuvre. »

Et puis, évidemment, il y a des passages émouvants, une ancienne chronique de « l’oncle Bernard », une page bourrée de dessins des morts, des détails comme l’histoire du cocker Lila qui fait tictictictic (le bruit de ses pattes) après les « pop pop pop pop » des Kalachnikov ou l’histoire de Tignous qui dessinait parfois dans sa poche pour ne pas se faire repérer (Cabu aussi, selon le Canard enchaîné). Et ce récit de la manif :

« On avait envie que Mustapha [correcteur du journal, décédé dans la tuerie, ndlr] soit parmi nous pour corriger toute cette absurdité au crayon rouge, et que Elsa nous convainque qu’on était juste dans un mauvais rêve lacanien…

On a quand même marché, marché, marché, tant qu’on pouvait… Et puis on a vus les anonymes, les lecteurs, les fidèles, les infidèles, ceux d’un jour ou de toujours, les abonnés, les kiosquiers, les déçus, les énervés. On vous a vus par dizaines, puis centaines, milliers et millions et, d’un coup, chantonnait dans nos têtes un Trénet dessiné par Cabu… »

Charlie-Hebdo-pour-la-liberté-tout-simplementEn avant-dernière page, un clin d’œil solidaire et amusé pour l’égalité des droits… un hommage sans mièvrerie à l’infinie vérité des femmes, pour terminer sur la rubrique des «couvertures auxquelles nous aurons échappé».

Et puis on regarde le petit ours à la fin du journal – là où sont détaillés les blazes des collaborateurs – et on se rend compte que, accolé à la rubrique « Economie/politique », il y a toujours le nom de Bernard Maris.

«Charlie Hebdo, c’est 25 ans de boulot» ! Terroriste, c’est 25 secondes de barbarie : «un métier de feignant et de branleur.»

@stop_homophobie
avec extraits par Rémi Noyon