Un LGBT sur deux a déjà fait l’objet d’insultes, de moqueries ou d’agressions physiques en France métropolitaine

C’est le constat d’une enquête Ifop pour l’Observatoire LGBT+, nouvel organe thématique de la fondation Jean-Jaurès, soutenu par la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) : 53 % des LGBT ont déjà été confrontés à au moins une forme d’agression homophobe. Les homosexuels sont d’ailleurs plus exposés au cours de leur vie (65 %) que les bisexuels (45 %).

Pour nombre de personnes interrogées, ces agressions ne se résument pas à une expérience lointaine ou de jeunesse qui remontrait à des années : 16 % des LGBT y ont été confrontés au cours des douze derniers mois. Or, si l’on extrapole ces résultats sur la base d’une population d’environ 4 millions de LGBT, cela donne une estimation d’environ 565 000 victimes par an d’au moins une forme d’agression à caractère homophobe.

Les « moqueries désobligeantes » ou propos vexants Afrique australe sont la forme d’agression la plus courante (33% des personnes LGBT en ayant été la cible), suivies par les « insultes ou injures » (28%), les « vols, dégradations ou destructions de vos biens personnels » (21%), les « menaces d’agression » (20%), les « menaces de révéler votre orientation ou votre identité sexuelle » (18%) et les « actes de violences physiques » (17%). Pour 16% des victimes, l’agression s’est déroulée au cours des douze derniers mois.

« Faire gay » : un facteur aggravant en matière d’agressions homophobes

L’apparence physique constitue un des principaux facteurs venant accroître les risques d’exposition à des agressions. Ainsi, les personnes transgressant les normes corporelles assignées à leur genre semblent plus exposées que celles adoptant un style plus hétéronormé. Par exemple, les LGBT décrivant leur apparence physique comme « androgyne » sont deux fois plus nombreux que la moyenne à avoir déjà fait l’objet de moqueries (17 %, contre 8 %), de menaces d’agression (12 %, contre 6 %), de violences physiques (8 %, contre 3 %) en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. De même, les femmes LGBT ayant les cheveux courts/rasés sont beaucoup plus nombreuses à avoir été victimes d’agressions physiques (7 %, contre 1 % des femmes ayant les cheveux longs) ou sexuelles (8 %, contre 4 % de celles ayant les cheveux longs), comme si leur transgression des normes esthétiques en vigueur les exposait plus à des risques de « rappel à l’ordre » dans leur vie quotidienne.

Des victimes toujours aussi nombreuses qu’il y a sept ans

Malgré toutes les actions entreprises par les pouvoirs publics ces dernières années en matière de lutte contre l’homophobie, la tendance semble plus à la stabilité qu’à la progression si l’on en juge par les seuls chiffres pour lesquels on dispose de bases de comparaison historiques : les agressions physiques ou verbales au cours des dix dernières années.

Ainsi en 2011, si 31 % des homosexuel·le·s et bisexuel·le·s assumé·e·s se déclaraient exposé·e·s au cours des dix dernières années à une agression verbale de type homophobe, ils ou elles sont à peu près aussi nombreux·ses aujourd’hui en 2018 (29 %).
De même, le taux d’exposition aux agressions physiques s’élève lui à 14 %, un chiffre identique en 2011 comme en 2018. On notera même une légère diminution de ces agressions parmi les personnes homosexuelles assumées, l’expérience d’agressions physiques diminuant de 6 points en sept ans (18 % en 2018).

Une volonté de condamner les actes homophobes aussi fermement que les actes racistes

Si l’on compare ces résultats aux rares données disponibles pour les minorités visibles, les agressions verbales à caractère homophobe (au cours des dix dernières années) semblent un peu plus fréquentes (31 %) que les agressions liées à la couleur de peau chez les personnes déclarant appartenir à une minorité visible (25 % d’après une enquête de 2009[2]), tout comme les agressions physiques qui, sur la même période, seraient deux fois plus fréquentes en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre (14 %) que de la couleur de peau (7 %).

Quelle que soit l’ampleur des deux phénomènes, l’étude met en lumière la problématique de l’intersectionnalité : les LGBT appartenant aux minorités religieuses, ethniques ou culturelles tendent à souffrir d’une double discrimination portant à la fois sur leur identité sexuelle ou de genre et leur appartenance à une communauté ethnique ou culturelle. C’est particulièrement net en ce qui concerne l’exposition à au moins une forme de discrimination au cours des douze derniers mois (28 % chez les racisés, contre 11 % chez les non-racisés) mais aussi l’exposition à des agressions physiques.

Dans tous les cas, on note chez les LGBT un souhait quasi-unanime (87 %) de voir les propos homophobes punis au même titre que les propos racistes ou antisémites, les personnes racisées exprimant même plus fermement ce souhait (82 % de réponses « Tout à fait ») que les non-racisées (65 % de réponses « Tout à fait »).

Pour le reste, les LGBT les plus favorables à ce que les condamnations de l’homophobie soient élevées au rang du racisme et de l’antisémitisme sont les premiers concernés par ces atteintes, à savoir les personnes assumant leur homosexualité (92 %, contre 84 % des bisexuel·le·s) et celles ayant été injuriées (94 %) ou agressées physiquement (94 %) ces douze derniers mois.
Sur le plan des convictions politiques, près de trois quarts des personnes se sentant appartenir à la communauté LGBT (76 %) ou ayant une proximité partisane avec LREM (72 %) s’y déclarent « tout à fait favorables » contre 49 % des sympathisants Les Républicains.

Milieu scolaire et espace public : les principaux lieux de la violence homophobe

Pour plus d’un LGBT sur quatre, l’homophobie au travers d’insultes ou de menaces verbales s’expérimente très jeune, dans l’enceinte des établissements scolaires (26 %), ou plus généralement dans l’espace public (23 %). La violence physique homophobe concerne quant à elle 13 % des personnes LGBT dans le milieu scolaire et dans l’espace public.

Cette homophobie du quotidien touche particulièrement les homosexuels assumés : 37 % ont déjà fait l’objet d’injures ou menaces verbales dans un établissement scolaire (soit 11 points de plus que la moyenne) et 33 % dans la rue ou les transports (+10 points). À la fin de son cycle éducatif, près d’un jeune homosexuel âgé de 25 à 34 ans sur deux (48 %) a déjà subi une agression verbale homophobe dans le milieu scolaire.
Par une multiplication des lieux d’exposition, les jeunes se montrent particulièrement touchés par l’homophobie. Ainsi, 35 % des jeunes LGBT de moins 35 ans ont déjà subi l’homophobie dans l’enceinte d’un établissement d’éducation (contre 26 % dans l’ensemble), 23 % au sein même de leur famille (19 %) et 25 % sur Internet (18 %).

Les discriminations homophobes : une expérience vécue par un LGBT sur trois

33 % des personnes LGBT affirment avoir déjà été discriminées en raison leur orientation sexuelle au cours de leur vie.

Ces discriminations ont été exercées pour 25 % des personnes interrogées par des supérieurs hiérarchiques ou des collègues sur le lieu de travail et pour 21 % des personnes interrogées par des enseignants dans le milieu éducatif. Au cours des douze derniers mois, ce sont 9 % et 6 % des personnes LGBT qui déclarent avoir été discriminées de la sorte par ces personnes respectivement.
La neutralité théorique des agents publics n’empêche pas 19 % des personnes ayant eu à faire face à des représentants des forces de l’ordre, 17 % à des professionnels de santé et 17 % à des agents publics d’avoir été déjà été discriminées au cours de leur vie.
La population homosexuelle au sens strict présente plusieurs caractéristiques notables en ce qui concerne les discriminations qu’elle peut subir. Assumer son homosexualité expose de manière générale les individus à une plus forte probabilité de subir des discriminations, quatre homosexuel·le·s assumé·e·s sur dix déclarant avoir déjà été discriminé(e)s (+11 points que la moyenne) dont notamment par des supérieurs hiérarchiques (33 % contre 25 % en moyenne).
À noter également une plus forte proportion d’entre eux déclarant avoir déjà subi une discrimination de la part des forces de l’ordre (22 % contre 19 %) et de la part des professionnels de santé (20 % contre 17 %), ces derniers pouvant différencier les actes médicaux selon l’orientation sexuelle connue du patient (dans le cas d’un donneur de sang par exemple).

L’impact de l’homophobie : une forte tendance à adopter une stratégie d’évitement face au risque d’agression homophobe

En réaction à ces risques réels ou anticipés, près de six personnes LGBT sur dix (59 %) déclarent adopter des comportements visant à éviter des injures ou des agressions homophobes. Un taux qui atteint même 75 % parmi les homosexuels assumés.

C’est d’abord dans l’espace public que les stratégies d’évitement se développent, à savoir : éviter d’embrasser son partenaire (43 %) ou de lui tenir la main (41 %), plus d’un quart le faisant systématiquement (respectivement 27 % et 26 %). Ces stratégies d’évitement vont même pour 34 % de l’échantillon jusqu’à une restriction volontaire de la fréquentation de certains quartiers ou certaines rues.
Extension du domaine public, les réseaux sociaux voient un tiers des personnes LGBT (34 %) y renoncer à afficher leur orientation sexuelle. Près d’une personne LGBT sur quatre (24 %) a même déjà revu son code vestimentaire pour ne pas risquer de révéler ses préférences sexuelles.

Dans un cadre pourtant plus privé, environ trois personnes LGBT sur dix ont déjà évité de se montrer avec un partenaire du même sexe devant leurs voisins (33 %), voire devant leurs proches (28 %). De même, les personnes homosexuelles vivent un certain effacement : six d’entre eux sur dix (60 %) déclarent éviter d’embrasser ou de tenir la main de leur partenaire en public. La pression ressentie ou subie allant même pour un tiers d’entre eux jusqu’à ne pas ou plus fréquenter certains proches (34 %).

L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 994 personnes homosexuelles, bisexuelles et transgenres, extrait d’un échantillon global de 12 137 personnes représentatif de la population âgée de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 23 mai au 6 juin 2018. Source : fondation Jean-Jaurès – l’homophobie dans la société française.

Aucune surprise pour notre association, qui a enregistré plus de 3000 sollicitations pour LGBTphobie depuis le début de l’année 2018. STOP homophobie accompagne actuellement 47 victimes. Et les plaintes continuent. Espérons que ce nouveau sondage éveille l’attention des politiques qui s’indignent beaucoup sans toutefois nous soutenir concrètement dans ce combat de tous les jours et nuits, pour 62% des agressions physiques.