Une « commission » face aux soupçons d’abus visant le prêtre-psy Anatrella, réputé proche de La Manif pour tous (VIDEO)

Le Diocèse de Paris a pris la décision de réunir une commission « spéciale » concernant le cas de TONY ANATRELLA, personnalité éminente de l’Eglise de France, suite aux alertes lancées par plusieurs ecclésiastiques et victimes de ses agissements, a annoncé ce 10 octobre La Parole libérée, l’association lyonnaise de victimes à l’origine de la révélation de scandales de pédophilie en cascade ces derniers mois.

Plusieurs médias avaient déjà fait état au printemps de nouvelles révélations, dix ans après des plaintes, à l’encontre de ce prêtre, conseiller au Vatican et psychanalyste sulfureux du diocèse de Paris, accusé de mener des « thérapies déviantes » sur de jeunes hommes dans son cabinet.

L’AFP avait d’ailleurs recueilli le témoignage de Fabien, âgé aujourd’hui d’une quarantaine d’année, qui avait évoqué une « bonne dizaine » de « séances spéciales » gratuites entre 2010 et 2011 : « une demi-heure d’attouchements », suivie d‘« une demi-heure de débriefing sur le ressenti, les émotions… »

Tony Anatrella a toujours farouchement nié avoir eu le moindre geste déplacé, en particulier à l’époque des trois plaintes pour « agressions sexuelles » qui s’étaient soldées par un non-lieu en 2008, notamment parce que les faits étaient prescrits.

Ce « spécialiste en psychiatrie sociale », sans être évêque, bénéficie du titre honorifique de « Monseigneur ». Auréolé d’un certain prestige de Paris à Rome, il est toujours, à 75 ans, « consulteur » auprès de deux conseils pontificaux (famille et santé) au Vatican.

Associé à la préparation du premier guide de l’épiscopat « Lutter contre la pédophilie », il fut l’un des inspirateurs de l’instruction du Vatican visant à écarter de la prêtrise les hommes présentant une « orientation homosexuelle ». Réputé proche de La Manif pour tous, c’est un farouche contempteur de ce qu’il appelle la « théorie du genre ».

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Interpellé en mai à son sujet, l’archevêque de Paris, le cardinal André Vingt-Trois, avait demandé à un prêtre venu relayer de nouvelles accusations de plaignants potentiels « d’encourager ces personnes à prendre contact personnellement et à porter plainte », en faisant valoir qu’il ne pouvait « agir sur la base de déclarations anonymes ou indirectes ».

Depuis, « des personnes nous ont contactés directement. Elles sont entendues par une commission dirigée par Mgr Eric de Moulins-Beaufort », l’un des évêques auxiliaires de Paris, assure à l’AFP la déléguée à la communication du diocèse, Karine Dalle. « On leur garantit la confidentialité des échanges, et on mènera cette démarche à son terme », poursuit-elle, tout en ajoutant : « On n’enterre pas le dossier ».

Interrogé sur d’éventuelles mesures conservatoires immédiates à l’égard du religieux, le diocèse rappelle qu’il n’exerce plus de ministère pastoral. Il devait toutefois donner 18 cours publics en cette année scolaire 2016-2017 au Collège des Bernardins, qui dépend du diocèse, sur les thèmes « psychologie de l’affectivité et théorie du genre », mais aussi « drogue et toxicomanie ». « Ces enseignements sont annulés ! »

La Parole libérée a, elle, lancé un « appel à témoignages » qu’elle se propose de relayer auprès de l’archevêché. « Plus les victimes se manifesteront, plus le diocèse de Paris sera à même de comprendre les pratiques de Tony Anatrella », souligne l’association. Elle cite aussi le témoignage de Fabien, qui a déjà été auditionné par la commission diocésaine, désireux d’« alerter et signaler » une « thérapie dangereuse et abusive » : « J’ai été écouté avec attention et respect. Mon témoignage n’a pas été orienté et c’est un grand pas ». Pour lui, « une porte s’est ouverte ».

Mediapart publie dans la foulée d’autres témoignages accablants mais, l’avocat de Tony Anatrella, Benoît Chabert, estime pour sa part que le dossier judiciaire est vide. « Si des personnes souhaitent porter plainte, qu’elles le fassent en justice de façon claire… Le seul élément nouveau pour moi, ce serait qu’un nom de famille sorte » parmi les accusateurs, « ce qui me permettrait de rédiger une plainte en dénonciation calomnieuse », prévient-il.