PMA, les couples de femmes obtiennent l’adoption dans 95 % des cas

>> Selon une enquête du ministère de la Justice, que La Croix a pu consulter, sur les 721 demandes d’adoption d’enfant né d’une PMA à l’étranger au sein d’un couple de femmes, 281 décisions sur 295 sont positives. Deux juridictions ont saisi pour avis la Cour de cassation qui tiendra une audience le 22 septembre 2014.

Obtenir une « vision d’ensemble de la jurisprudence » sur les adoptions intraconjugales des enfants nés par procréation médicalement assistée à l’étranger : tel est l’objet de l’enquête interne lancée le 5 juin 2014 par la Chancellerie. En effet, depuis quelques mois, des jugements contradictoires ont été rendus. Car si la loi « mariage pour tous » permet bien aux conjoints homosexuels d’adopter, elle n’aborde pas précisément la question litigieuse de la procréation, qui, en France, n’est pas ouverte aux couples de femmes.

Selon ce bilan, daté du 17 juillet 2014, 721 demandes d’adoptions ont été déposées : 684 en la forme plénière (quand l’enfant n’a, sur son état civil, qu’un seul parent, le plus souvent la mère biologique) et 37 en la forme simple (possible quand l’enfant a déjà deux parents). Lors des audiences, 64 parquets, qui représentent le ministère, ont émis des avis favorables à l’adoption (ou une absence d’opposition). Sept parquets s’y sont au contraire opposés. Sept autres ont sollicité la saisine de la Cour de cassation pour avis.

In fine, sur les 295 décisions rendues, 281 jugements ont validé l’adoption sollicitée : 254 adoptions plénières et 27 adoptions simples. Neuf décisions ont au contraire été négatives : ce fut le cas notamment aux tribunaux de grande instance (TGI) de Versailles et d’Aix-en-Provence.

Le cas du tribunal de Versailles

Le 29 avril 2014, le tribunal de Versailles avait ainsi été le premier à refuser une adoption. Il s’était fondé sur le fait qu’« en l’état du droit, la PMA n’est pas ouverte aux couples de femmes en France (…) ». Or, étant donné que les juges sont « tenus de vérifier que la situation juridique qui leur est soumise ne consacre pas une fraude à la loi » et « qu’il y a fraude lorsqu’on cherche à obtenir ce que la loi française prohibe », ce qui est, selon ce juge, le cas pour la PMA, le couple a été débouté de sa demande d’adoption.

Dans sa décision, le tribunal se fondait aussi sur la décision du Conseil constitutionnel qui avait validé, en mai 2013, la loi Taubira tout en précisant qu’il « appartient aux juridictions d’empêcher, de priver d’effet et, le cas échéant, de réprimer des pratiques constitutives d’un détournement » de la loi.

Une jurisprudence à clarifier

Alors que deux procédures en appel à l’initiative du ministère public sont en cours et que trois décisions ont ordonné des enquêtes sociales ou policières, deux juridictions ont préféré saisir la Cour de cassation pour avis avant de statuer. Il s’agit des TGI de Poitiers et d’Avignon. Dans sa demande, le premier interrogeait : « Le recours à la PMA par un couple de femmes est-il de nature à constituer une fraude à la loi empêchant que soit prononcée une adoption ? L’intérêt supérieur de l’enfant et le droit à la vie privée et familiale exigent-ils au contraire de faire droit à la demande ? »

L’audience devant la Cour de cassation doit se tenir le 22 septembre 2014. Celle-ci pourrait alors clarifier la jurisprudence, dans un sens ou dans l’autre, ou rejeter la saisine si elle estimait que la question de droit posée n’est pas « nouvelle », ne présente pas de « difficulté sérieuse » ou ne se pose pas « dans de nombreux litiges ».

Flore Thomasset
la-croix.com