LGBTphobies en Afrique : la trop grande médiatisation de l’effort américain n’a pas toujours eu les effets escomptés

En 2011, le département d’État américain a lancé une campagne internationale pour lutter contre les discriminations envers les personnes LGBT à travers le monde, et sur les 700 millions de dollars dépensés, la moitié de l’argent a été utilisé en Afrique subsaharienne.

Or, selon un article du New York Times, cette stratégie bien intentionnée n’a pas toujours eu les effets escomptés. Au Nigeria, aussi bien les opposants que les défenseurs des droits des homosexuels considèrent que le passage en 2014 d’une loi particulièrement homophobe a été une réaction à la pression diplomatique américaine, comme une volonté du gouvernement Nigérian de montrer qu’il ne se pliait pas aux injonctions occidentales. Promulgée par le président Goodluck Jonathan, cette loi criminalise la participation à des événements LGBT, et punit les relations homosexuelles de quatorze ans de prison.

De nombreux autres gouvernements africains ont accusé le département d’État américain d’impérialisme culturel, et de tenter d’imposer des valeurs occidentales sur le continent. En 2013, le président du Sénégal, Macky Sall, avait déclaré après une entrevue avec le président Obama que tout comme les Africains ne vont pas imposer la polygamie en occident, les Occidentaux ne devraient pas leur imposer la défense des droits des homosexuels.

Le mythe de l’homosexualité importée

En Afrique, beaucoup considèrent que l’homosexualité est un «mode de vie» importé d’occident et étranger aux traditions africaines. Le soutien du gouvernement américain contribue à renforcer ce mythe. Après le passage d’une loi homophobe en Ouganda en 2014, l’administration Obama a annoncé que certains financements seraient coupés, et ce genre de réaction tend à durcir la réaction des opposants.

Au Nigeria par exemple, un centre d’aide aux homosexuels financé par l’agence américaine USAID a demandé à pouvoir enlever les autocollants de l’agence afin de ne pas attirer l’attention sur leur dépendance vis-à-vis de l’étranger.

«En privé, j’ai dit aux diplomates américains qu’il y avait un risque qu’ils fassent plus de mal que de bien, explique Chidi Odinkalu, le directeur d’une organisation de défense des droits de l’homme au Nigeria. Il serait regrettable que cette bonne volonté nuise à la communauté qu’ils sont censés protéger.»

Contre-productif?

Un autre problème est que les efforts américains ont parfois rendues les personnes gays et lesbiennes plus visibles et donc plus vulnérables au harcèlement, résume le journaliste Norimitsu Onishi.

Des militants expliquent qu’une culture LGBT est lentement en train d’émerger au Nigeria, et que tenter de pousser trop vite au changement peut s’avérer contre-productif. Certains disent que les efforts devraient aussi se concentrer sur l’éducation du public afin de changer les attitudes à l’encontre de l’homosexualité. D’autres militants essayent d’obtenir des financements venant d’Afrique, afin de réduire leur dépendance vis-à-vis de l’étranger.

En janvier dernier, la police islamique nigérienne avait arrêté 12 hommes, pour la plupart des adolescents, accusés de préparer un «mariage gay», alors qu’ils fêtaient un anniversaire. L’année précédente, c’était deux autres personnes qui étaient battues à mort en raison de leur homosexualité.

Claire Levenson

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