Ouganda : ces mères qui brisent le silence pour défendre leurs enfants LGBTQ+

Depuis l’adoption en mai 2023 de l’Anti-Homosexuality Act, l’Ouganda possède l’une des législations anti-LGBTQ+ les plus sévères : peine capitale pour « homosexualité aggravée » et jusqu’à vingt ans de prison pour toute « promotion » supposée de l’homosexualité. Raids policiers, expulsions locatives, passages à tabac… la vague répressive vise les personnes LGBTQ+ et celles qui les soutiennent.

Des « Mamas » en première ligne

Dans ce climat délétère, un cercle restreint de mères, baptisées entre elles « Mamas », oppose un front discret mais déterminé. Profondément croyantes, elles se retrouvent pour prier, partager des conseils de sécurité, témoigner lors de forums communautaires, et démonter l’idée, largement diffusée par les autorités, que l’homosexualité serait une « importation occidentale ». Ces femmes bravent l’hostilité des voisins, les menaces familiales et, en théorie, des poursuites pour « promotion » de l’homosexualité.

« Mon fils est né ici et y a grandi ; dire que son identité ou orientation vient d’ailleurs, serait nier qui nous sommes », déclare Mama Joseph*, citée par DW.com.
« Nous ne sacrifierons pas nos enfants sur l’autel d’une morale politique », ajoute Mama Arthur*, qui déplace sans cesse les réunions pour déjouer la surveillance.

Leur initiative rejoint un réseau de résistance plus large : avocats pro bono, pasteurs prônant l’inclusion et refuges clandestins pour jeunes bannis de leur famille.

Chiffres alarmants

Les ONG de défense des droits humains recensent depuis deux ans une explosion des signalements : arrestations arbitraires, extorsions, agressions. Le Human Rights Awareness and Promotion Forum (HRAPF) a documenté plus de 600 incidents anti-LGBTQ+ en 2024, soit plus du double de l’année précédente. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a appelé à plusieurs reprises Kampala à abroger la loi, mais en vain.

Pour Mama Joshua*, la manœuvre est limpide : « Quand l’économie chancelle, le pouvoir transforme nos enfants en boucs émissaires. » La flambée des prix et le chômage alimentent, selon elle, un discours de diversion dont les minorités sexuelles font les frais.

Faire front

Les « Mamas » s’apprêtent à diffuser un témoignage vidéo anonymisé sur les réseaux sociaux et dans les radios locales, rappelant que la famille peut encore offrir un refuge quand l’État devient persécuteur.

« Nos enfants ne sont pas un “problème” à éradiquer, mais des citoyens à protéger », martèle Mama Joseph, enveloppée d’un châle violet devenu leur signe de ralliement. « Tant que nous respirerons, ils ne seront pas seuls. »

* Les prénoms ont été modifiés pour préserver l’anonymat des personnes interrogées.