Arcangues (64) : la dépouille de Luis Mariano transférée en terre « gay friendly » ?

A Arcangues, le maire du village où est enterré Luis Mariano refusait de célébrer un mariage gay.  En ce 99e anniversaire de sa naissance, une pétition exige le transfert de sa dépouille en terre « gay friendly »

Il est, paraît-il, chose plus dangereuse encore que d’enquêter sur la mafia calabraise. Ainsi, quarante-trois années jour pour jour après la mort du chanteur Luis Mariano (1914-1970), le simple fait d’évoquer sa double vie sentimentale demeure, aux yeux de certains fans, passible de la peine de mort dans d’atroces souffrances. Au cimetière d’Arcangues, ce village où M. le maire refusait de marier un couple homosexuel, le tabou et l’ironie du sort ont pourtant fait long feu.

« Tout le monde sait, et depuis longtemps, que Luis Mariano aimait aussi les hommes », confirme l’écrivain Christophe Mirambeau. Mais, pour avoir osé révéler que le prince de l’opérette, gendre et amant idéal, avait su trouver quelque réconfort auprès d’un soldat vert-de-gris, l’auteur de la biographie « Saint Luis » souffre depuis la rancœur des marianistes. Quoique vieillissant toujours un peu plus, les derniers survivants continuent, neuf ans plus tard, de souiller sa boîte aux lettres, vocale, et mail. « Des menaces ou des lettres d’insultes assez odieuses. Alors, même si ces gardiens du temple hystériques m’écrivent de toute la France, jamais je ne prendrai le risque de croiser leur route à Arcangues. »

>> Guy et Jean-Michel se disent « oui »

Elle refusait de faire appliquer la loi Taubira. Or, la menace de sanctions financières a fait plier la municipalité. Un adjoint au maire a finalement accepté de célébrer l’union du couple gay d’Arcangues. Mais, pour l’heure, cet élu se fait tout petit. « Même nous, nous ignorons son identité », indique Jean-Michel Martin, l’un des futurs mariés. « Je pense que nous la connaîtrons le jour J, pas avant. » Autrement dit, dans un peu plus d’une semaine, au pays de Luis Mariano.

>> Aux éditions Flammarion, on garde sans doute également un souvenir fleuri de François Lacan, dit Patchi, fidèle secrétaire et chauffeur de Mariano. « Notez bien ce que je leur ai dit », insistait alors le vieil homme : « Merci de m’avoir envoyé le bouquin, mais les auteurs ont été fouiller dans les tinettes WC et, quand ils ont eu les mains pleines de merde, ils ont écrit sur du papier à cul. »

Voilà donc pourquoi la fronde très médiatique du maire d’Arcangues résonne ces jours-ci de manière assez particulière. Reprenant à leur tour et à leur compte le coming out posthume du chanteur, les militants des Bascos (une association de défense des intérêts gays et lesbiens au Pays basque) dénoncent un combat d’arrière-garde, « d’autant plus étonnant que dans ce village repose la sépulture de Luis Mariano ». À mi-chemin entre l’humour et la provoc, un collectif pour le rapatriement de Luis Mariano « en terre gay friendly » vient de reprendre le flambeau communautaire avec la mise en ligne d’une pétition destinée à la ministre de la Culture : « Un maire homophobe ne saurait faire prospérer le tourisme de sa bourgade sur le dos de Luis, », s’indignent ces signataires qui rêvent pour lui d’une tombe aux côtés de Dalida à Montmartre.

Mais alors, tandis que les vedettes ne s’embarrassent guère aujourd’hui de travestir la réalité de leurs mœurs devenues banales, pourquoi celles de Luis Mariano sont-elles à ce point sacrées ? « Son succès commercial a été construit sur une image d’homme modèle d’après-guerre, à la fois viril et asexué », rappelle le journaliste Frédéric Vignale, lui aussi voué aux gémonies depuis une tribune olé olé. « Alors, mettre en cause ce symbole est, pour ceux qui y ont cru, comme une profonde vexation. »

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Posée entre La Rhune et l’Océan, la croix de granit rose reste malgré tout destination de pèlerinage. Par habitude, récemment encore, les offices de tourisme de la région assuraient qu’il n’était rien de plus fou que de chercher une chambre d’hôtel un 13 juillet. D’année en année, pourtant, beaucoup se libèrent. Définitivement. Mais ce qu’ils perdent en camarades, les vieux grognards du culte le gagnent en ferveur. En larmes ou en nage, la plupart des mamies marianistes se changent ainsi en veuves sitôt la tombe aperçue. S’il est encore de ce monde, le vieil époux aura alors le bon goût de regagner humblement le parking. Dans les années 70, lorsque ces mêmes dames pratiquaient le bikini, la ferveur faillit tourner au scandale quand, à l’ombre du caveau, quelques belles tombèrent la robe pour bronzer près des restes de leur idole. D’autres menacèrent de s’emparer de la sainte dépouille. On alerta le président de la République.

Au moins celles-ci avaient-elles fait leur deuil. Comme ce sera sept années plus tard le cas avec Elvis, la mort de Mariano fut en effet pour beaucoup une plaie trop vive pour être vraie. Alors l’imagina-t-on longtemps enfermé dans un château en Espagne. Six pieds sous sa terre d’adoption, c’est par la racine qu’il mangeait hélas ses bouquets de violettes.

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