Amers après l’agression homophobe à Amiens

On ne peut plus sortir sans avoir peur que ça recommence  ». À 18 et 20 ans, François et David (ND LR : prénoms modifiés) se rejouent le mauvais film de ce 1er mai. Débuté ce jour-là pour un achat de cigarette Chez Froc, un établissement connu du centre-ville d’Amiens, le banal déplacement s’est achevé aux urgences. Leur tort ? Alors que la file d’attente s’allongeait en ce jour férié, ce couple d’Amiénois a osé sermonner deux autres jeunes qui n’entendaient pas faire la queue. Comme tout le monde. Déjà désagréable en soi, la scène deviendra carrément violente.

Les insultes et les coups vont alors pleuvoir sur le couple homosexuel, attendu à la sortie. «  Sales pédés. On va niquer vos mères. On va vous brûler  », ont crié les resquilleurs, que les victimes ne connaissaient pas. Voulant protéger son ami, François recevra une charge derrière la tête. Bilan : «  L’urgentiste a diagnostiqué un traumatisme crânien. J’ai eu une bosse de 5 centimètres, douloureuse pendant 10 jours  ». Mais a priori sans incapacité de travail (ITT). L’agression ne prendra fin que par l’intervention du barman, provoquant la fuite des assaillants.

Presque trois semaines ont passé depuis. François et David, qui ont accepté de témoigner sous couvert d’anonymat, restent choqués. Et surtout très amers. Hormis le personnel du bar-tabac, qui dispose d’ailleurs d’un système de vidéosurveillance, «  personne d’autre n’est vraiment venu à notre secours  », affirme le couple. Par sidération ? Par peur de prendre aussi des coups ? «  Ils ont attendu 2h30 au commissariat avant de pouvoir déposer plainte. La police n’est pas entrée en contact avec le bar pour récupérer les images  », s’insurge pour sa part l’association Stop homophobie, qui assiste les deux victimes. Pour ne rien arranger, depuis ce fameux 1er mai, les victimes… ont recroisé le chemin de l’un des assaillants. À deux reprises. La deuxième fois, c’était devant le cinéma. En dépit d’un appel au numéro d’urgence « 17 », les forces de l’ordre ne se sont pas déplacées. «  Nous, on demande que nos agresseurs soient interpellés. Est-ce qu’il faut finir dans le coma pour que ça bouge enfin ?  », s’interrogent François et David. Qui ont le sentiment d’une certaine inertie autour de leur plainte. Au commissariat, on assure pourtant que l’affaire est suivie, dans des délais qui pour l’instant se justifient par le volume de plaintes en instance. D’ores et déjà, un examen devant médecin légiste a eu lieu. Quant au procureur de la République, mardi, il n’avait pas eu vent du dossier.

« Montrer aux autres

qu’on peut obtenir justice »

Dans l’attente que l’enquête progresse, François et David assurent ne «  rien vouloir lâcher. Des propos homophobes, des regards appuyés, on connaissait déjà. Mais là, ça va plus loin. On ira jusqu’au bout. Si on veut se défendre, ce n’est pas que pour nous, mais pour montrer à d’autres que l’on peut obtenir justice  », soutient le jeune couple, pour qui l’homophobie en pleine recrudescence. L’association SOS homophobie l’a affirmé en tout cas la semaine dernière, en livrant son bilan de l’année 2013. Celle de l’avènement du « Mariage pour tous ». Selon ses comptages, les témoignages (d’actes et paroles) qu’elle a reçus au niveau national ont augmenté de 78 % par rapport à 2012. Ce qui représente, pour les plus graves, une agression physique tous les deux jours. En Picardie aussi cette montée s’est vérifiée, avec 38 témoignages enregistrés par téléphone et internet. Soit 18 de plus que l’année précédente.

Gaël Rivallain

http://www.courrier-picard.fr/region/amers-apres-l-agression-homophobe-a-amiens-ia0b0n369239