L’Indonésie préconise des « techniques de guerre moderne » pour lutter contre la « menace LGBT »

>> Muslim-majority Indonesia’s gay community under attack

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Prise à partie par diverses instances, la « petite communauté homosexuelle de l’Indonésie conservatrice » est confrontée à une campagne de répression « aussi soudaine qu’inattendue », rapporte l’AFP.

Ces dernières semaines, les agressions, descentes et autres rhétoriques religieuses et gouvernementales contre les « gays » se sont en effet multipliées.

Le KPI, le Conseil supérieur de l’audiovisuel indonésien, a annoncé l’arrivée d’une nouvelle règlementation qui interdit toute forme de communication visant à promouvoir les « pratiques LGBT ». Les autorités ont censuré des sites, banni des émissions télévisées dédiées et exigé des opérateurs proposant des applications de messagerie instantanée, la suppression de tous les émoticônes et pictogrammes représentant des couples de même sexe, drapeau arc-en-ciel et autres stickers trop « friendly ».

Des responsables religieux ont également publié le 18 février une déclaration conjointe pour dénoncer « le lobbying visant à légitimer et promouvoir l’homosexualité : des comportements inquiétants et contraires aux enseignements religieux et à la Constitution », selon le Jakarta Post.

Tout en insistant sur la nécessité de « d’assurer la protection des personnes », le groupe de signataires exhorte le gouvernement à limiter le financement des programmes et campagnes en faveur des mouvements LGBT, et plus particulièrement lorsqu’ils sont portées par des organismes internationaux ou entreprises étrangères, « qui prétendent agir dans l’intérêt des droits de l’homme ».

Une solution « curative » pour décourager les « déviances LGBT » qui se propagent à travers les relations sociales, a précisé jeudi en conférence de presse Yusnar Yusuf, le président du Conseil indonésien des oulémas (le MUI), la plus haute instance de l’Islam.
Il invite toutefois les Indonésiens à une « réflexion positive » pour reconsidérer la question avec compassion : « les LGBT étant des personnes en souffrance qui ont besoin d’être soignés. Ne pas encourager leurs valeurs est une étape fondamentale pour les aider à retrouver le droit chemin ».
La veille, le MUI et d’autres organisations musulmanes proclamaient « illicites », les relations sexuelles entre personnes du même sexe, arguant qu’il était urgent de poursuivre juridiquement les personnes s’adonnant à ce type de pratiques. D’après les médias, les parlementaires y réfléchissent.

Il est tout aussi essentiel de ne pas « les isoler », précise le Père Paulus Christian Siswantoko, membre de la Conférence des évêques catholiques d’Indonésie (KWI), qui dans sa « bienveillance », a souligné l’importance de soutenir les LGBT dans leur démarche de « guérison », en leur proposant « une vie sociale saine ».

L’homosexualité est un sujet tabou en Indonésie, à forte majorité musulmane, mais elle est légale, à l’exception notable de la province ultraconservatrice d’Aceh, où la charia est en vigueur.

Selon Ryan Korbarri, militant pour Arus Pelangi, un collectif local de sensibilisation aux droits des LGBT, les propos du ministre de l’Enseignement supérieur Mohammad Nasir, condamnant la mise en place d’une cellule de soutien psychologique proposée par une université aux étudiants homosexuels, ont initié un débat houleux et déclenché le mois dernier « le coup d’envoi des pressions et hostilités ». « La préoccupation des personnalités politiques ne tournent plus depuis que sur ces questions », poursuit Ryan. Et puis, « avec les progrès accomplis à l’étranger, la légalisation notamment du mariage pour les couples de même sexe dans de nombreux pays, les plus conservateurs craignent que la communauté, accusée d’avoir une influence croissante, ne cherche à obtenir des avancées similaires, considérées comme immorales et contraires à la culture indonésienne. Les gays sont devenus la menace. »
Le personnel de l’organisation ne se déplace plus d’ailleurs que par deux, en évitant d’emprunter les mêmes chemins pour rentrer. Et, Teguh Iman, responsable d’un autre groupe LGBT, basé à Jakarta, le Suara Kita, a préféré fermer son portail, en espérant que les tensions se tassent.

Mais, le ministre de la Défense est allé encore plus loin, décrivant cette semaine les revendications des homosexuels comme « les prémices d’un soulèvement dangereux pour l’Indonésie ». L’ennemi n’étant pas directement visible ou identifiable, Ryamizard Ryacudu préconise des « techniques de guerre moderne » pour renforcer la moralité publique et lutter contre « la menace LGBT ». « C’est un véritable lavage de cerveau. Nous n’avons pas affaire spécifiquement à un pays », mais à un agresseur qui se profile partout dans le monde, a t-il expliqué au site d’informations Tempo, qui choisit d’élever le débat en le déplaçant dans le champ de la sémantique. Il consacre une page entière au mot « banci », qui signifie « folle » et qui a longtemps été employé pour se moquer des hommes efféminés, cité par le Courrierinternational.

Le quotidien Kompas s’est fait pour sa part l’écho d’un prêtre jésuite indonésien, Franz Magnis-Suseno, « vieux philosophe et militant des droits de l’homme », qui a rappelé que « l’Organisation mondiale de la santé avait rayé l’homosexualité de la liste des maladies mentales depuis 1990 ». Qu’il s’agissait d’une tendance naturelle, également observée entre les animaux. Et que si l’on croit que la nature était l’œuvre d’un Créateur, l’homosexualité ne saurait en être exclue. « Insulter une personne en raison de son orientation sexuelle, reviendrait à insulter Celui [Dieu] qui a créé cette orientation ». Prophétie Messianique : qui attente à l’enfant, provoque la fureur des parents.

Militants et sympathisants des droits humains rappellent le président Joko Widodo à ses promesses d’homme d’ouverture, pour sortir du silence et « condamner de toute urgence ces agressions et violations de la devise nationale », inscrite sur la bannière de la République : « l’unité dans la diversité », avant que la situation ne s’envenime, insiste encore Human Rights Watch.

Terrence Katchadourian
stophomophobie.org

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>> The small gay community in conservative, Muslim-majority Indonesia is facing a sudden and unexpected backlash, with ministers and religious leaders denouncing homosexuality, LGBT websites blocked and emboldened hardliners launching anti-gay raids.

Religious groups have openly rejected all forms of support for lesbian, gay, bisexual and transgender activities, claiming that such rejection would help cure LGBT people of the tendency.

In a joint statement issued on Thursday, the groups said they rejected all forms of propaganda on and promotion of LGBT legalization and development in the country, stating that LGBT behavior was disturbing and against religious teachings and the Constitution.

The groups consist of the Indonesian Ulema Council (MUI), the Indonesia Catholics Bishops Conference (KWI), the Council of Buddhist Communities (Walubi) and the Confucian Supreme Council of Indonesia (Matakin).

The importance of not encouraging LGBT values and behaviors are key in helping LGBT people get « back on track to normalcy », MUI chief of religious tolerance Yusnar Yusuf said.

LGBT behaviors are spread through social interaction and thus must be prevented, he said.

The groups also argue that putting limitations on the promotion of LGBT activities would act as a form of “treatment” in encouraging the elimination of any tendencies toward deviant sexual behavior.

« It is important now to invite everyone to think positively about them in that they are sick people who need to be healed, » Yusnar said in a press conference on Thursday.

The religious groups called LGBT tendencies a « social disease » and urged the government to ban any form of funding for campaigns of LGBT communities, especially from international organizations and foreign companies.

The government must also monitor all activities and any intervention by parties, including those who claim to act in the interest of human rights and democracy, Yusnar added.

Meanwhile, Catholic Priest PC. Siswantoko of the KWI said it was important not to isolate LGBT people but rather befriend them because a healthy social life would support their rehabilitation.

The groups also urge for the protection of LGBT people against violence as they were still citizens.

Campaigns condemning the LGBT community have grown stronger in the country, which has the biggest Muslim population in the world. The MUI and several Muslim organizations also declared on Wednesday that LGBT activities were haram and urged the prosecution of LGBT people.

Indonesian Broadcasting Commission (KPI) also issue a discriminatory rule against LGBT people by urging broadcasters, television and radio stations from running programs that promote the activities of LGBT.

It is unclear why the recent furore has gained such momentum, but it follows a push by religious leaders and conservative politicians to bolster public morality in Indonesia, with crackdowns on prostitution and the availability of drugs and alcohol.

When a minister criticised counselling services for gay students at a university last month, it triggered a heated media debate and was the start of what activists say has been a sustained assault on gay rights.

Activists also say that gains made abroad for LGBT rights, particularly the legalisation of same-sex marriage across the entire United States in June, have heightened scrutiny of Indonesia’s gay community and fanned homophobia.

Much of the concern from senior political figures has revolved around a sense that the LGBT (lesbian, gay, bisexual and transgender) community is seeking to push for changes viewed as contrary to Indonesian culture, like same-sex marriage.

Hardline Defence Minister Ryamizard Ryacudu this week labelled the influence of the gay community « a threat » and said fighting it was akin to « a kind of modern warfare ».

« It’s dangerous as we can’t see who our foes are, but out of the blue everyone is brainwashed, » he was cited as saying by news website Tempo.

The government has shut down a slew of websites, ordered TV programs depicting gay lives off the air and demanded all instant messaging apps remove same-sex emoticons — like men holding hands and the symbolic rainbow flag — or face a ban.

Indonesia’s top Islamic clerical body has revived a push for gay sex to be criminalised, saying it is not only « deviant » but against the country’s founding principles, and lawmakers are reportedly considering drafting an anti-homosexuality bill.

« It’s become dangerous »

Those working with the gay community say there has been a corresponding spike in harassment, stalking and online abuse, with many fearing radical groups railing against a so-called “LGBT emergency” could become violent.

Hardliners have been putting up signs denouncing homosexuality and scuffles broke out this week as police stopped a rally by supporters of the gay community from going ahead in Yogyakarta, several hundred kilometres east of Jakarta.

« It’s getting worse and worse. It’s become dangerous for us, » Ryan Korbarri, general secretary of gay outreach group Arus Pelangi, told AFP.

Staff at the organisation have started travelling in pairs and taking different routes home, while another Jakarta-based group Suara Kita shut its distinctive rainbow gate for the first time ever, biding time until the heat dies down.

The unusual wave of anti-gay rhetoric — particularly from senior government officials — has shocked rights activists at home and abroad, with President Joko Widodo being urged to uphold Indonesia’s national motto « unity in diversity».

« President Jokowi should urgently condemn anti-LGBT remarks by officials before such rhetoric opens the door to more abuses, » said New York-based Human Rights Watch, referring to the president by his nickname.

Despite his silence so far, many still have faith in Widodo, whose past promises to address human rights abuses and champion minority groups have earned him the strong backing of almost all LGBT people in Indonesia, said Teguh Iman from Suara Kita.

« I hope Jokowi will say something about this, and hold us up as equal citizens, » he said.