Victime de harcèlement homophobe, il vit un enfer depuis plus de deux années

Voilà deux ans et demi qu’il ne vit plus. Thomas*, 26 ans, est un jeune professeur vivant dans les environs de Nancy. Depuis février 2013, il est victime de harcèlement. Le dernier méfait en date remonte à la nuit de vendredi à samedi. Réfugié chez ses parents après que son agresseur a vandalisé les murs de son propre logement, Thomas a pu filmer la scène : un homme, pantalon blanc et casquette sombre, la démarche chancelante, couvre de tags homophobes et de dessins obscènes la façade de la maison et le capot de la voiture. En lettres noires et capitales, le diminutif du prénom de sa victime. “Je n’en peux plus. Il vient jusque chez mes parents”.

“Il”, c’est le harceleur présumé. Et Thomas assure bien le connaître. D’une traite, de ce ton propre à celui qui tourne et retourne dans sa tête les éléments d’une injustice, il raconte à metronews : “En 2012, j’étais prof dans une colonie musicale. Mon directeur m’appréciait. Il avait des problèmes d’alcool et comme je m’entendais bien avec lui, je me suis proposé de l’aider. Et puis, il en a demandé plus, il voulait que je sois toujours auprès de lui. C’était de pire en pire. Alors, un jour, j’ai coupé les ponts. Il ne l’a pas supporté.” D’après Thomas, c’est à ce moment-là, en février 2013, que le véritable calvaire commence. Courriels d’insultes, appels intempestifs, lettres anonymes à ses anciens petits amis et diffusion de photos personnelles aux jeunes élèves de la chorale dont il a la charge :  le jeune homme ne connaît aucun répit. “C’était à devenir fou. Il sonnait tous les soirs à ma porte.”

Des hommes de main engagés

En octobre 2013, à bout de nerfs, Thomas dépose une première plainte pour appels malveillants, auprès de la police de Nancy. Suivra une longue série de signalements à la police. Un jour, l’auteur présumé est convoqué au commissariat. “Sur le bureau de la policière qui l’interrogeait, il a déchiffré mon nouveau numéro et m’a appelé le jour-même.” Ce soir-là, Thomas, anéanti, tente de mettre fin à ses jours. Et passe ensuite cinq jours en hôpital psychiatrique. A sa sortie, nouvel appel : “Alors, les blouses blanches ont bien pris soin de toi ?” lui demande-t-on au bout du fil.

On pourrait croire que l’histoire s’arrête là, mais la suite ressemble à un mauvais polar. “Mon harceleur avait embauché des jeunes gens pour me découper un doigt et une oreille. Mais ils ne sont jamais passés à l’acte. Alors, il s’est mis à les harceler, eux aussi. Les gamins se sont plaints à la police… qui a fait le rapprochement et m’a averti.” Pour ces faits, l’auteur présumé passe quelques heures en garde à vue. Egalement accusé de harcèlement à l’encontre de la colocataire de Thomas, cette fois, il écope d’un rappel à la loi. En mars 2015, enfin, une nouvelle plainte, images de vidéo surveillance à l’appui, est classée sans suite par le procureur de Nancy qui n’a pas souhaité nous commenter cette décision.

“Je n’ai rien à voir avec cette affaire”

Cet individu que Thomas met en cause, metronews est parvenu à le retrouver. Joint par téléphone, il dit avoir connu le jeune homme “il y a longtemps”, mais se défend et répète: “Je n’ai rien à voir avec cette affaire. C’est un peu facile d’accuser les gens comme ça.”

Reste que Thomas n’a jamais été inquiété pour diffamation. Alors pourquoi cette affaire, en cours depuis deux ans et demi, ne trouve-t-elle aucune issue juridique ? Contactée, l’avocate de Thomas blâme “la lenteur de la justice” et envisage de déposer une plainte entre les mains du juge d’instruction. Pour la victime, cela ne fait pas de doute : “Je suis persuadé que cet homme a des amis parmi les officiers”, avance-t-il. Quant à la police de Nancy, elle décrit “un dossier ambigu”, précisant que l’enquête est bel et bien en cours. En attendant, Thomas ne demande qu’une chose. Que cette “situation abominable”, trouve un terme. Et qu’il puisse, enfin, retrouver une vie un tant soit peu sereine.

* le prénom a été modifié

Anaïs Condomines