Le suicide d’un jeune couple gay relance le débat sur l’homophobie en Arménie

Rejetés par leur famille, deux jeunes gens de 16 et 21 ans, Arsen et Tigran, se sont donnés la mort, jeudi 20 octobre, en se jetant du Davtashen Bridge, un pont de Yerevan, la capitale arménienne. Ils avaient posté un dernier message sur Instagram, avec des photos évoquant leur amour désespéré : « Fin heureuse… Nous aurons décidé ensemble de partager ces images et les actions qui suivent ».

Une forme d’épitaphe, en légende de leur publication, qui va déchaîner les foudres sur les réseaux sociaux, mais aussi l’indignation de toutes les communautés arméniennes à travers le monde, jusque dans le pays même, où l’homophobie est particulièrement enracinée.

Car, en effet, si l’Arménie a décriminalisé l’homosexualité en 2003 (c’était l’une des conditions préalables à son accession au Conseil de l’Europe), elle stagne depuis sur les droits des LGBT+, qui demeurent des personnes jugées « immorales, malades… », et régulièrement confrontées à la discrimination, au harcèlement et à la violence.

La majorité de la population (97%) se déclare d’ailleurs contre, selon une enquête conduite de 2015 à 2016 par le Pew Research Center. C’était la plus forte proportion en Europe centrale et de l’Est.

Le pays s’est également classé, cette année encore, 47e sur le baromètre des 49 états européens évalués par l’Association internationale lesbienne et gay, derrière la Russie et devant l’Azerbaïdjan et la Turquie. Que d’éloges…

« Ces deux jeunes avaient toute la vie qui s’ouvrait devant-eux. Mais face à l’intolérance… »

Une nouvelle preuve donc que les personnes LGBT+ en Arménie ne sont pas non plus en sécurité ni protégées par la société ou l’État, a réagi dans un communiqué Pink Armenia.

L’association rappelle que si les jeunes LGBT+ sont plus souvent affectés par des pensées suicidaires, « c’est qu’elles sont accompagnées de sentiments de culpabilité, de peur et de honte suscités par l’hostilité de la société à l’égard de leur orientation sexuelle et identité de genre ». Mais, dans de telles situations, quoi que le sujet reste tabou, surtout dans cette société patriarcale et sous influence russe, « il est essentiel d’assurer un soutien professionnel adéquat ».

Il est important de souligner qu’en 2022, Pink Armenia a documenté 37 cas de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre (SOGI), dont neuf ont été signalés aux forces de l’ordre. Une seule affaire est passée devant le tribunal. Les autres ont été classées ou négligées.

Les deux années précédentes, neuf autres dossiers avaient été dénoncés aux autorités. Des propos haineux anti-LGBT+, normalement sanctionnés par le Code pénal, réformé en 2020. Ils ont été rejetés, au nom de la liberté d’expression. Pink Armenia a fait appel sur huit décisions. Trois ont été reclassées au pénal.

Toutes nos condoléances aux proches et amis.
Solidarité !!