#Homophobie : La «ligne Azur», destinée aux jeunes homosexuels, hackée

>> Ce site destiné à lutter contre l’homophobie, parrainé par l’Éducation nationale, est accusé de véhiculer des idées proches de la «théorie du genre». Il est indisponible depuis lundi 3 février. Les explications de son dirigeant.

La ligne Azur, une ligne téléphonique doublée d’un site internet hébergés par l’association Sida info service, destinée à l’écoute des jeunes se posant des questions sur leur identité sexuelle, mal vu des milieux proches de la Manif pour tous, est «indisponible».

«C’est un événement extérieur. Nous ne connaissons pas l’identité de ceux qui nous attaquent, probablement des hackers», explique Alain Miguet, rédacteur en chef de l’association. Outre la ligne Azur, l’ensemble du portail attaqué, soit Sida info service et Hépatite info service sont également indisponibles. «Il n’est pas question de changer une ligne de notre site», poursuit-il, répondant à la rumeur grandissante sur les réseaux sociaux, selon laquelle la ligne Azur aurait volontairement fermé son site lundi pour le «nettoyer» de ses «thèses sur la théorie du genre».

Un site honni par les opposants à la «théorie du genre»

Depuis un an, la ligne Azur, parrainée par le ministère de l’Éducation nationale et financée intégralement par l’INPES (l’institut national de prévention et d’éducation pour la santé) est la cible des opposants à la «théorie du genre». Ces derniers l’accusent ainsi de poser des questions sur leur identité sexuelle à des enfants de 11 ans, via un «questionnaire» disponible sur le site.

De fait, sous l’un des onglets du site, «prendre soin de soi», on tombe sur un tableau intitulé «des situations individuelles diverses». Il est composé de huit colonnes: sexe biologique (mâle, femelle, intersexe), état civil (féminin, masculin), identité de genre (homme, femme, transsexuelle), sexe social (masculin, féminin, androgyne), partenaires sexuels (hommes, femmes, les deux, aucun), pratiques sexuelles (masturbation, pénétration buccale, pénétration anale, vaginale, autre, aucune, etc). Puis «je me définis» (homme, femme, homo, bi, hétéro, trans, par des injures, je ne me définis pas). L’idée est de montrer que «même si elle est majoritaire et présentée comme norme, l’hétérosexualité n’est pas la seule voie», indique le site. «Et vous, dans le tableau, où vous situez-vous?» est-il écrit.

Alain Miguet affirme qu’il ne «s’agit pas d’un questionnaire mais d’un schéma sous forme de tableau visant à «lutter contre l’homophobie» et cherchant à expliquer «que l’on peut par exemple naître homme et être néanmoins attiré par des hommes». «En aucun cas, il ne s’agit de demander à des enfants de onze ans de déterminer leur identité sexuelle. Nous ne visons d’ailleurs pas les enfants mais les adolescents et les adultes». Le site reçoit plusieurs milliers d’appels par an émanants de personnes «âgées en moyenne de 16 à 50 ans», affirme-t-il. Pourtant la promotion du site ligne Azur recommandée par le ministère de l’Éducation nationale se fait à partir du collège. «Dans les faits, c’est évoqué à partir de la classe de troisième, classe où l’éducation sexuelle fait partie du programme de biologie», affirme un proviseur contacté par le Figaro.

«De multiples coups de fils et des mails homophobes reçus depuis un an»

L’observatoire sur le genre, dirigé par Olivier Vial dénonçait par ailleurs il y a quelques mois un dictionnaire disponible sur le site de la ligne Azur, «dont certaines des définitions reprennent les thèses les plus radicales de la théorie du genre.». Il visait en particulier la définition «identité de genre»: «Sentiment d’être un homme ou une femme. Pour certains, le sexe biologique coïncide avec ce ressenti. Pour d’autres, sexe génital et identité de genre ne correspondront pas». Depuis la formulation a été modifiée, il est désormais indiqué «très souvent, le sexe biologique coïncide avec le ressenti». «Effectivement nous avons modifié cette formulation il y a quelques jours pour l’améliorer car elle était maladroite et imprécise. Mais nous modifions constamment nos contenus depuis toujours», répond Alain Miguet. Ce dernier précise par ailleurs recevoir depuis un an «énormément de coups de fil et de mails homophobes».

Pourtant le parrainage de la ligne Azur -qui existe depuis 1996- par le ministère de l’Éducation nationale n’est pas neuf. Il date de septembre 2008. A l’époque le ministre UMP Xavier Darcos indiquait lancer «une campagne d’affichage dès la rentrée pour faire connaître la ligne Azur, laquelle permet aux jeunes qui ne sont pas bien, ou qui ont le sentiment d’être embarrassés par autrui, de trouver une écoute d’une manière anonyme auprès de gens qui connaissent ces questions», disait-il a l’époque. «Un chiffre nous est insupportable: le taux de suicide des jeunes homosexuels est près de trois fois supérieur à la moyenne.» poursuivait le ministre. Luc Chatel, le ministre suivant a renouvelé le partenariat en 2012 et Vincent Peillon l’a fait à son tour. Dans une lettre adressée aux recteurs, le 4 janvier 2014, il indique «Je vous invite à relayer avec la plus grande énergie la campagne de communication relative à la ligne Azur».

Marie-Estelle Pech

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