Barjot, FN, mariage homo : pourquoi l’UMP de Copé est en train de mourir

L’UMP va mal. Encore plus mal qu’en décembre dernier quand elle avait offert le spectacle lamentable de sa division lors de l’élection interne contestée de son président Jean-François Copé. Encore plus mal que lorsque son rival François Fillon menaçait de créer un parti dissident, le RUMP, avec quelques 75 autres parlementaires de la droite modérée.

L’UMP va si mal qu’elle se trouve entraînée désormais sur sa droite non seulement par le FN et ses satellites, mais aussi par le mouvement incontrôlé des anti-mariage gay de Frigide Barjot.

Le parti de Jean-François Copé vit-il ses derniers mois d’existence ? Est-il condamné à disparaître après les municipales de 2014 et à renaître sous une autre forme (une sorte de « Tea Party » à la française d’un côté et de l’autre un centre droit recomposé) ?

Il suffit, pour s’en convaincre, de recenser les huit symptômes de la maladie mortelle qui guette l’UMP.

1. L’UMP débordée par le collectif de Barjot

Les anti-mariage gay, combien de divisions ? Le collectif de Frigide Barjot est un mouvement composé de groupes hétéroclites, catholiques traditionalistes, réacs et conservateurs sociaux de tous poils, tous foncièrement de droite et opposés de manière radicale à un pouvoir de gauche, même de la gauche sociale-libérale incarnée aujourd’hui François Hollande.

S’ils ne représentent pas la majorité du pays (celle qui, de manière démocratique, a élu son président en mai 2012), ils sont assez nombreux pour réunir une pétition importante contre le mariage pour tous et des foules considérables de manifs en manifs. Les organisateurs ont évoqué 700.000 signatures et 1.400.000 manifestants le 24 mars et, même si ces chiffres sont exagérés, ils montrent une mobilisation sans précédent des conservateurs depuis 1984 et les grandes manifs contre le CPE.

L’UMP et ses dirigeants ont été les premiers surpris par l’ampleur du phénomène Barjot, surtout à la faveur d’un projet de loi qui ne mobilisait pas le parti a priori, notamment parce que Sarkozy avait failli inscrire le mariage gay dans son programme présidentiel de 2012.

Dès lors, pour ne pas paraître débordé par le mouvement, ses leaders ont pris le train en marche, faisant assaut de provocations dans les manifestations. Il n’empêche que personne n’a été dupe, l’UMP était bel et bien hors du coup de cette contestation.

2. Barjot veut présenter des candidats aux municipales

Le phénomène devient si important que, Frigide Barjot l’a annoncé dimanche pendant la manifestation anti-mariage des Invalides, le collectif va présenter des candidats aux prochaines élections municipales. Dans un entretien au quotidien « Corse-Matin », elle déclare : « Sous une forme et une appellation qui restent à définir, nous allons présenter des candidats dans les villes dont les élus n’ont pas joué le jeu. »

Déjà, on voit Mariton et Boutin, inquiets, tenter de récupérer le mouvement en proposant d’inclure les candidats anti-mariage dans leurs propres listes.

3. Le collectif des anti-mariage : un « Tea Party » à la française

Depuis dimanche, pour la première fois, Frigide Barjot se déclare clairement dans l’opposition. Elle souhaite élargir les thèmes de sa contestation à toute la politique de François Hollande qui concerne la famille. Non seulement la GPA et la PMA, mais aussi l’euthanasie, et sans doute des sujets aussi sensibles que les allocations familiales.

Jusqu’à présent, l’égérie des « manifs pour tous » se disait totalement apolitique. Dans « Corse-Matin », elle affirme que le mouvement de la Manif pour tous est comme elle : « Il peut paraître aberrant, et je suis une personnalité aberrante ; il est hors-norme, et je suis hors-norme. Il est un patchwork, ce que je suis. »

En attendant, chacun verra dans la politisation du mouvement la naissance d’un « Tea Party » à la française, à l’image du mouvement des conservateurs sociaux américains qui ont débordé le Parti républicain lors des dernières présidentielles.

4. La photo qui choque : les UMP avec Collard

Durant la manifestation de dimanche, Gilbert Collard, député FN du Gard, se trouvait sous la banderole de l’UMP : « Tous gardiens du code civil ». À ses côtés, on a pu voir notamment le secrétaire général adjoint du FN, Nicolas Bay, la présidente du Parti chrétien-démocrate (PCD, associé à l’UMP), Christine Boutin, mais aussi les députés UMP Patrick Ollier, Hervé Mariton et Jean-Frédéric Poisson.

Ça fait désordre et montre que chacun fait ce qu’il veut dans un parti jusque-là réputé pour être militarisé et bonapartiste.

5. Copé peu crédible en rempart contre l’extrême droite

Le président de l’UMP a beau dire qu’il n’y aura « aucune collusion avec l’extrême droite », il n’est pas crédible. Lui qui a repris les thèmes diviseurs de Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle de 2012 pour arracher le leadership de l’UMP, lui qui est l’auteur de l’inoubliable scandale du pain au chocolat ne peut être pris au sérieux quand il fait semblant de se pincer le nez face au FN.

Aussi, on ne peut que s’inquiéter, comme le premier secrétaire du PS Harlem Désir, qui voit dans cette photo d’un Collard et d’un Mariton côte à côte ce qui pourrait être un « acte fondateur » entre l’UMP et le FN.

6. L’UMP est inaudible depuis des mois

En fait, si le parti ne s’accroche pas à l’extrême droite et aux troupes de Barjot, il est totalement inaudible. Il faut dire que, sur le sujet du mariage pour tous, les députés de l’UMP sont divisés : ils ne sont pas tous contre le projet de loi, même si beaucoup, pour des raisons purement politiques, se refusent à le reconnaître.

Ensuite, le parti semble avoir bien du mal à s’opposer clairement aux violences homophobes de ces dernières semaines, au point qu’on a entendu Harlem Désir (enfin plus engagé ces derniers temps) s’offusquer du silence des chefs de l’opposition républicaine.

Mais cette incapacité de la droite à se faire entendre n’est pas seulement de circonstance. Elle est plus globale et remonte à la fin de l’année dernière. Comment expliquer, sinon par les plaies mal refermées, que ni Jean-François Copé ni François Fillon ne tirent profit de l’effondrement de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault pour jouer à plein leur rôle d’opposants ?

L’absence de leadership est tellement flagrante à droite qu’on entend même Jean-Louis Borloo s’autoproclamer « leader de l’opposition » au détour d’une récente interview sur Europe 1.

7. Guaino en franc-tireur de l’UMP

L’ancienne plume de Nicolas Sarkozy semble avoir trouvé un rôle à la mesure du gaulliste qu’il prétend être. Voilà qu’il snobe l’UMP depuis des mois, s’engage avec violence contre le projet de mariage pour tous, défile avec les partisans de Frigide Barjot dimanche (alors que Wauquiez et Copé, cette fois, n’étaient pas présents). Et il en rajoute avec une incroyable violence verbale, dimanche soir sur BFMTV.

Dans une anaphore à la fois lyrique et colérique, il accuse la préfecture de Paris et le ministre de l’Intérieur Manuel Valls de mentir sur le nombre des manifestants de dimanche (45.000 pour la police, 270.000 pour les organisateurs). Un dérapage de plus qui montre combien l’UMP, aujourd’hui, n’est plus dirigée, chacun faisant désormais ses déclarations au gré de ses colères en franc-tireur.

8. L’éclatement programmé de l’UMP

On se souvient qu’en pleine crise interne François Fillon avait menacé de créer son RUMP avec les plus modérés de l’UMP, pour se démarquer d’un parti qui non seulement avait une fâcheuse tendance à se droitiser, mais qui lui avait aussi volé sa victoire.

L’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy a-t-il eu la bonne intuition ? Peut-il décider d’aller au bout de cette partition ? L’éclatement de l’UMP, de l’intérieur, mais aussi à la faveur des poussées extrêmes du FN et du collectif de Frigide Barjot, n’est-il pas d’ores et déjà programmé ?

Au bout du compte, Jean-François Copé risque de se retrouver à la tête d’une UMP transformée en une coquille vide.

Par 
Chroniqueur politique