L’Australie reconnaît le “sexe neutre”, ni homme ni femme : la France est en retard !

LE PLUS. Le 31 mai, une décision de la justice australienne a permis à Norrie May-Welby de faire disparaître toute mention de sexe sur son état civil. Officiellement, Norrie n’est ni un homme, ni une femme. Une première mondiale qui va dans le sens d’une progression des droits des personnes trans explique Arnaud Alessandrin, Karine Espineira et Maud Yeuse Thomas [1]

Il aura fallu trois ans de procédures à l’Australien-ne Norrie May Welby (qui préfère qu’on l’appelle Norrie) pour pouvoir neutraliser son genre à l’état civil.

En dé-corrélant sexe anatomique et sexe juridique, l’Australie fait un pas significatif vers la reconnaissance des personnes trans et intersexes. Ce faisant, elle répond par l’affirmative à deux questions : le sexe n’est-il pas une affaire plus sociale que médicale ? Puis : peut-on avoir autre chose qu’un sexe, un seul, un définitif et un par personne ?

“Dégénitaliser” le sexe civil

Par une décision de justice rendue le 31 mai 2013, la cours d’appel de la Nouvelle-Galles du sud a permis à Norrie May Welby d’obtenir un état civil a-genré. Après une première décision en 2010 et trois ans de procédures, l’Australien-ne parvient à créer une jurisprudence permettant de ne pas spécifier une mention de sexe sur l’état civil.

Dans une interview de 2012, Norrie revient sur sa démarche. À la question “Comment t’identifies-tu dans le spectre des identités ‘queer’ ?”, Norrie répond : “Je suis une composition de sexes et diversité de genre. […] Je ne m’identifie pas comme homme OU comme femme. Je suis un humain, je suis féminin-e et masculin-e”.

Ainsi, “dégénitaliser” la mention de sexe sur l’état civil permet de rendre vivables des vies qui ne se situent pas dans la binarité “homme / femme”. C’est aussi reconnaître à l’individu la possibilité de se nommer, de se qualifier, sans la tutelle des avis psychiatriques, médicaux ou théologiques.

Des précédents juridiques

Sous des formes différentes, d’autres pays ont tenté d’assouplir les assignations de sexe et leurs mentions sur l’état civil.

En 2011, l’Argentine a par exemple autorisé les individus à changer leur état civil sans avoir à apporter la preuve d’une opération de réassignation sexuelle. En 2011 toujours, le Népal proposait une case “troisième sexe” dans ses recensements.

Autant de décisions importantes qui soulignent que la binarité des sexes ne suffit pas et que les problématiques trans ou intersexes ne sont plus des problématiques psychiatriques ou médicales mais aussi, et surtout, des questions de droits !

Les principes de Jogjakarta définissent l’identité de genre comme “faisant référence à l’expérience intime et personnelle de son genre” qu’elle “corresponde ou non au sexe assigné à la naissance”. C’est-à-dire qu’on se construit tou(te)(s) une identité en fonction du sexe auquel on s’identifie mais aussi en fonction du genre qui nous correspond le mieux. Cette “identité de genre” ne peut donc pas se résumer sous la forme “il existe des garçons masculins et des filles féminines” mais plutôt “il existe autant de formes et d’expressions singulières de son genre qu’il y a d’individus”.

Si l’on admet que tout le monde a une identité de genre mais que certaines sont encouragées tandis que d’autres sont empêchées, cela revient à dire que des individus n’ont pas tous droit au respect de leur vie privée et à la libre disposition de leur corps.

Et en France ?

Pendant ce temps la France se remet péniblement du débat autour du “mariage pour tous” en passant sous silence les revendications trans ou intersexes.

Le remboursement des opérations est toujours conditionné à une psychiatrisation des individus et le changement d’état civil est toujours, à de rares exceptions jurisprudentielles près, soumis à l’attestation d’un “changement irréversible” (entendez par là : une stérilisation).

Quant aux enfants intersexuels, les hôpitaux français continuent de les mutiler en les assignant, sans leur consentement, à un sexe et en appliquant implacablement l’idée selon laquelle à un individu correspond, un sexe, un seul, un définitif.

Il est alors temps que la France revienne sur les assignations faites aux enfants intersexuels et sur la psychiatrisation des parcours trans (à la fois chirurgicaux et juridiques) afin de reconnaître à l’individu la libre disposition de son sexe.

[1] “La transidentité : histoire d’une dépathologisation » et de « Identités Intersexes / Identités en débats” (Cahiers de la transidentité vol. 1&2, Harmattan, 2013)

Par 
Sociologue
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