Vidéo. VIH/Sida : des objectifs fixés pour en finir avec l’épidémie en 2030

« Le monde a une chance historique d’en finir avec le sida »

Le monde est à un tournant. « Nous avons infléchi la courbe de l’épidémie. A présent, nous avons cinq années pour la briser, sinon l’épidémie rebondira encore plus fort. » C’est le message que véhicule le nouveau rapport annuel du Programme commun des Nations unies contre le VIH-sida (Onusida), « Fast-Track » (« Programme accéléré : mettre un terme à l’épidémie d’ici à 2030 »), rendu public mardi 18 novembre. Si l’on redouble d’efforts et que les objectifs pour 2020 sont tenus, l’humanité pourrait bien vaincre la plus grande épidémie contemporaine.

Ainsi, avec l’accélération prônée par l’Onusida, 28 millions de nouvelles infections par le VIH et 21 millions de morts liées au sida seraient évitées entre 2015 et 2030. Pour l’institution des Nations unies, il est clair que des progrès importants ont été accomplis de manière accélérée au cours des cinq dernières années. S’il ne fallait en prendre qu’un exemple, celui du nombre de personnes vivant avec le VIH et ayant accès aux traitements antirétroviraux serait emblématique.

13,6 millions de personnes sous traitement

En 2011, lors de l’assemblée générale extraordinaire des Nations unies sur le sida, le directeur exécutif de l’Onusida, Michel Sidibé, pressait les Etats membres de s’engager sur l’objectif de 15 millions de personnes sous antirétroviraux en 2015 dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. A l’époque, seulement 6 millions de personnes en bénéficiaient, et encore, 1,4 million d’entre elles n’y ont accédé qu’en 2010.

Le rapport « Fast-Track » mentionne qu’en juin 2014 13,6 millions de personnes porteuses du VIH étaient sous traitement. « Nous avons de bonnes raisons de penser que nous atteindrons l’objectif fixé pour l’année 2015. Ce n’est pas tous les jours que les institutions internationales tiennent en temps et en heure leur promesse », se réjouit Michel Sidibé.

Pourtant, l’optimisme doit être tempéré, car nombreux sont ceux qui sont laissés pour compte du fait de leur statut social ou de leur orientation sexuelle, reconnaît le directeur exécutif de l’Onusida. Si à la fin de 2013 38 % des adultes vivant avec le VIH avaient accès aux traitements, la proportion tombe à 24 % pour les enfants. Au cours du premier semestre 2014, le nombre d’enfants traités s’est accru de 3 %, quand il augmentait de 6 % pour les adultes.

35 millions de personnes vivant avec le VIH

S’ils sont encore très élevés, les chiffres fournis par l’Onusida confirment la tendance à l’inversion de la courbe de l’épidémie. A la fin de l’année 2013, la planète comptait 35 millions de personnes vivant avec le VIH, 400 000 de plus qu’en 2012. Une augmentation qui résulte principalement d’une diminution des morts liées au sida (1,5 million, contre 1,7 million en 2012) et d’une baisse des nouvelles infections (2,1 millions, contre 2,2 millions l’année précédente). Le nombre de nouvelles infections a diminué de 38 % par rapport à 2001, et le nombre de mort s’est abaissé de 35 % par rapport au pic atteint en 2005.

Cependant, souligne l’Onusida dans son rapport, « des populations-clés à risque plus élevé d’être touchées par le VIH ne bénéficient pas de la même manière de ces gains, ce qui souligne la nécessité de renforcer les efforts de prévention et de traitement du VIH auprès de ces groupes ». Ainsi, seulement environ trois pays sur cinq ont mis en place des programmes de réduction des risques pour des personnes se livrant au commerce sexuel.

De même, « l’accès à des moyens de prévention demeure bas pour les hommes ayant des rapports homosexuels ». Quatre-vingt-huit pays signalent que moins de la moitié de ces hommes ont récemment passé un test pour connaître leur statut sérologique. Les usagers de drogues injectables sont eux aussi mal lotis en ce qui concerne la réduction des risques : la plupart des pays ne fournissent pas de traitement de substitution aux opiacés ou d’accès à des aiguilles et des seringues stériles.

Casser la dynamique de l’épidémie

« Nous devons casser la dynamique chez les jeunes filles en Afrique, qui sont très affectées par le VIH, affirme Michel Sidibé. Pour cela, nous devons travailler en synergie avec d’autres programmes, par exemple avec la Banque mondiale, pour une assistance financière en argent liquide aux jeunes filles qui leur serve de filet de sécurité sociale et leur permette de ne pas être l’otage de leur statut social. Avec une somme de 60 dollars, une jeune fille peut prendre le bus et aller à l’école. Cela contribuerait à diminuer la violence et l’exploitation. »

Le rapport estime indispensable de lutter contre toute discrimination et de déployer toute la panoplie des moyens de dépistage et de prévention afin d’atteindre l’objectif « 90-90-90 » : que, d’ici à 2020, 90 % des personnes connaissent leur statut sérologique, 90 % des personnes séropositives aient accès aux traitements, et 90 % des personnes traitées aient une charge virale indétectable, signe que l’infection est sous contrôle. Cela laisserait tout de même 27 % des personnes séropositives de côté. Ce qui implique de poursuivre l’investissement dans la réponse au VIH, afin d’élever l’objectif pour 2030 à « 95-95-95 ».

Chance historique

Les économistes ayant travaillé pour l’Onusida sont arrivés à la conclusion que chaque dollar investi permettra une économie quinze fois supérieure. Les ressources financières consacrées à la lutte contre le VIH se sont accrues de 200 millions d’euros de 2012 à 2013, pour parvenir à 15 milliards d’euros. Pour 2015, l’objectif de l’Onusida est d’atteindre entre 17,5 et 19 milliards d’euros nécessaires. Mais si les objectifs assignés par le rapport étaient atteints, ce sont 19 milliards d’euros de coûts additionnels pour les traitements contre le VIH qui seraient évités d’ici à 2030. « C’est une chance historique qui s’offre à nous au cours des cinq prochaines années, un rendez-vous que nous n’avons pas le droit de rater », plaide Michel Sidibé.

Dans un communiqué publié dans la foulée du rapport, la Coalition Plus, qui rassemble les associations communautaires de 13 pays, salue la stratégie avancée par le rapport ; cependant elle rappelle par la voix de Bruno Spire que « la France pèse 3,7 % des richesses mondiales, mais seulement 2,4 % de la lutte mondiale contre le sida. Avec la taxe sur les transactions financières (TTF), la France et ses partenaires ont l’opportunité de faire leur part du chemin ». La Coalition Plus souligne que « la TTF européenne pourrait générer 35 milliards d’euros par an, selon la Commission européenne, et au moins 10 milliards d’euros uniquement en France ».

Lemonde.fr


« Le monde a une chance historique d’en finir… par lemondefr