Tribune : “Je voudrais dire à Amélie Mauresmo” !

Tribune : Amélie Mauresmo a accouché, a annoncé un Andy Murray ému ce dimanche 16 août. Sa coach a donné naissance à son premier enfant, probablement né d’une PMA, à l’âge de 36 ans. Marine Rome, membre du collectif OuiOuiOui et “middle-field” au sein de “Les Dégommeuses” profite de l’occasion pour la remercier :

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>> Janvier 1999. Je n’ai pas 12 ans. Je suis devant la télévision et Amélie Mauresmo vient d’obtenir sa qualification pour la finale de l’Open d’Australie en battant Lindsay Davenport. Dans la foulée et sans trop se rendre compte du retentissement qu’il aura, la Française fait son coming-out devant les medias du monde entier.

Ce jour là, j’ai compris. En voyant Amélie Mauresmo, j’ai compris que j’étais lesbienne. Cette différence que j’avais toujours ressentie s’expliquait, limpide.

Je voudrais dire à Amélie Mauresmo que son courage a permis à une génération d’adolescentes lesbiennes de trouver un modèle. En entraînant le champion écossais Andy Murray, elle montre aux femmes qu’il est possible de s’imposer dans un monde dominé par les hommes.

Enfin, elle rend visible la procréation médicalement assistée (PMA), combat de lesbiennes, piétiné par des politiciens en mal de courage. Le 16 août, Amélie Mauresmo est devenue maman pour la première fois, l’occasion de revenir en trois points sur un inspirant parcours aux accents de liberté.

1. Athlète populaire, lesbienne assumée

Amélie Mauresmo était donc la première athlète française ouvertement lesbienne et elle a accompagné mon adolescence entre les posters collés au mur et les matches de grand chelem suivis religieusement. Jeune adolescente, j’ai pu m’identifier à elle, j’ai pu mettre un nom sur ce que je ressentais, réaliser que je n’étais pas seule au monde dans cette situation et construire ainsi mon identité.

Malheureusement aucune Française ne lui a emboité le pas et c’est du côté des footballeuses américaines que je vais désormais chercher mes Role Models. Megan Rapinoe ou Abby Wambach, récentes championnes du monde, sont des athlètes emblématiques dans la revendication et l’affirmation de l’identité lesbienne. Lors de la victoire américaine, Abby Wambach s’est précipitée vers la tribune pour embrasser sa femme.

Megan Rapinoe quant a elle, a annoncé sur Instagram son mariage prochain avec la musicienne Sera Cahoone. En normalisant leur histoire d’amour avec des femmes, ces deux athlètes ultra populaires montrent qu’il est possible d’être lesbienne, acceptée et épanouie.  Mais pour les Françaises silence radio, aucune athlète d’envergure ne joue ce rôle désormais. Certains argueront que la sexualité des athlètes n’intéresse personne. Je leur répondrai que les médias abordent pourtant fréquemment l’hétérosexualité des athlètes. Lorsque la presse évoque la femme de Roger Federer ou le nouveau-né de Novak Djokovic, personne ne s’offusque.

Mais pour les homos, il faudrait rester planqués ? Non. C’est justement pour cette raison que l’émergence de role models est cruciale. Ce terme anglo-saxon désigne une personne publique dont le comportement peut inspirer positivement les jeunes, leurs donner des repères et les aider à se construire.

2. Femme et coach de champion

Aujourd’hui Amélie Mauresmo est coach de l’écossais Andy Murray, numéro 3 mondial. S’imposer en tant que femme dans ce monde très machiste du sport de haut niveau mondial n’est pas un combat trivial.

Les médias, les joueurs ont d’ailleurs lourdement interrogé et même moqué Andy Murray pour ce choix. Pour illustrer cette ambiance, il suffit de se souvenir du cri du cœur du Français Gilles Simon s’indignant de voir les filles obtenir des revenus similaires aux garçons en cas de victoire en grand chelem.

Pourtant la collaboration Murray/Mauresmo semble fonctionner puisque le joueur est passé de la 11ème à la 3ème place mondiale. Le champion écossais a par ailleurs pris conscience de la violence des critiques subies par sa coach et s’engage dans le lutte contre le sexisme dans le sport ; il se déclare même féministe !

3. Homoparentalité valorisée

En avril dernier, Mauresmo poste une photo de baskets de nourrisson sur Twitter et annonce sa grossesse, l’air de rien. Sauf que ce n’est pas rien.

L’homoparentalité est un sujet tabou en France. La PMA n’est pas autorisée pour les couples de femmes dans notre pays et elle constituait la principale revendication des lesbiennes lors des débats sur le mariage pour tous en 2012.

Cette promesse du gouvernement socialiste a été lâchement abandonnée pour satisfaire les conservateurs virulents de la Manif pour tous. J’ai milité activement pour ce droit au sein du Collectif Oui Oui Oui et nous avions les pires difficultés à mobiliser des soutiens visibles sur cette question.

La naissance de l’enfant d’Amélie Mauresmo, probablement via une PMA réalisée à l’étranger, est un coup de projecteur important pour les familles homoparentales françaises.

Même si, en tant qu’activiste, je souhaiterais un engagement plus franc de la championne sur les questions LGBTQ, ces trois raisons confèrent à Amélie Mauresmo un véritable statut de “role model”. Et maintenant, qui prendra la relève ?

Par Marine Rome
OuiOuiOui & Les Dégommeuses
leplus.nouvelobs.com