Témoignage : Être homosexuel au secondaire

>> Âgé de 17 ans, Jérémy Gaulin, vice-président du conseil des élèves pour le pavillon Montcalm de l’école Mitchell-Montcalm, a dévoilé son homosexualité dans une lettre qui a été adressée à tous les professeurs de l’école. L’un deux, Raphaël Pépin, a été particulièrement touché puisqu’il avait lui aussi réalisé, alors qu’il fréquentait l’école secondaire, qu’il était homosexuel.

« Je m’appelle Jérémy Gaulin, je suis le vice-président du conseil des élèves pour le pavillon Montcalm de l’école Mitchell-Montcalm à Sherbrooke et je fais partie d’une minorité. Je suis homosexuel. »

Ces mots sont tirés d’une lettre que le jeune de 17 ans a écrite récemment à la demande de la directrice adjointe de son école. Cette lettre a été envoyée à tous les enseignants de l’établissement. Plusieurs en ont fait la lecture à leurs élèves. Pour que cette minorité sociale cesse complètement d’être accompagnée de préjugés, discrimination et d’injustices. Dans le milieu scolaire. Comme ailleurs. Dans le monde de demain.

Raphaël Pépin est un des profs à qui la lettre a été transmise. Elle l’a touché particulièrement puisque lui aussi a réalisé au secondaire qu’il était homosexuel. Mais il a attendu au Cégep pour l’être ouvertement. « À l’époque, quelques élèves étaient soupçonnés d’être gais et étaient vraiment victimes d’injures, de moqueries et d’intimidation. Ça ne donnait pas le goût de lever la main pour affirmer son homosexualité. Pour moi, c’était impensable. Les temps ont beaucoup changé en 15 ans », se réjouit l’enseignant de 31 ans.

« Je lui ai dit à Jérémy. Vous êtes chanceux de pouvoir être vous-même si tôt », ajoute M. Pépin, précisant du même souffle qu’il considère toujours courageux, aujourd’hui, l’acte de sortir du placard. « On s’expose à la majorité », relate-t-il.

« C’est une tâche complexe qui requiert une énorme quantité d’efforts et d’introspection pour enfin réussir à être fier et à avoir confiance en nos différences », écrit dans sa lettre l’élève de 5e secondaire.

Jérémy Gaulin se souvient du moment où « sa normalité », qui facilite tellement la vie d’un adolescent, a pris le bord. Il était en secondaire 3 à l’école Le Triolet. « J’avais eu une blonde et j’étais fou amoureux donc je croyais être hétéro. Mais un jour, j’ai vu deux gars s’embrasser devant moi et j’ai su », raconte Jérémy. Ce constat l’a d’abord figé. « Je suis resté deux semaines à regarder le mur. Et j’ai tenu ça mort. » Mais sa marginalité et cette façon de porter l’uniforme attirent l’attention.

À partir de la mi-année, pas un jour ne passe sans que l’adolescent soit la cible de mesquineries. « Fif! » « Tapette! »

Jérémy Gaulin demande alors à ses parents d’être transféré à son école de quartier pour la prochaine année. À sa nouvelle école, tout change. « Depuis mon arrivée à Montcalm, je dis la vérité. Si on me demande mon orientation sexuelle, je réponds honnêtement. Je suis moi. Je suis libre de m’exprimer et d’aimer », confie l’adolescent qui se sent respecté.

Depuis qu’il fréquente Montcalm, Jerémy Gaulin a eu deux chums. Et comme les autres homosexuels de son école, il a pu se balader main dans la main avec son amoureux ou l’embrasser sans se faire déranger ou intimider.

La vocation artistique de sa nouvelle école y est pour quelque chose dans le climat de tolérance. « À Montcalm, il y a beaucoup de jeunes qui sont différents et pas nécessairement par leur orientation sexuelle. Les artistes, par leur nature, recherchent la différence, tentent de sortir du moule. Ils sont à la recherche d’eux-mêmes, commente le professeur. Les sportifs, par exemple, recherchent davantage l’unité. Les équipes portent un uniforme et cherchent la cohésion entre chacun de ses membres. »

Raphaël Pépin non plus ne ment pas. « Je ne dis pas: bonjour, je suis votre prof de musique et je suis gai. Mais si on parle de notre fin de semaine, je parlerai de ce que j’ai fait avec mon chum par exemple. »

Jamais l’enseignant n’a eu de problème avec les élèves à propos de son homosexualité. Certains sont venus lui poser des questions, demander conseil. « Seulement quelques parents ont démontré une fermeture, mais ce sont souvent des gens très religieux qui ont aussi un problème avec le Big Bang », soutient M. Pépin précisant que ce sont les générations présentes et futures qui sont éduquées en milieu scolaire. Les générations précédentes doivent être sensibilisées autrement.

« On m’a demandé de trouver des méthodes pour contrer l’homophobie dans mon école, note Jérémy dans sa lettre. Honnêtement, je ne sais pas ce que mon école pourrait faire de plus. Adopter une tolérance zéro sur toutes les formes d’intimidation? Check! Démontrer un soutien irréprochable envers ses étudiants? Check! Faire des tournées de classe qui sensibilisent aux différences ? Check ! »

Le conseil de Jérémy à un jeune qui croit être homosexuel? « Vis-le à ta façon. Il n’y a pas de presse pour sortir du placard, il faut que tu sois à l’aise. Mais ne t’inquiète pas trop, ça finit toujours par aller mieux. »

Lorsque la tolérance et le respect des différences seront des valeurs acquises partout dans la société, Raphaël Pépin souhaite voir disparaître la présomption d’hétérosexualité.

En attendant, l’enseignant salue le chemin qu’a parcouru depuis l’époque de son adolescence et se réjouit de voir Jérémy finir son secondaire aussi bien dans sa peau.

Mélanie Noël
La Tribune