SOS homophobie : les accablants chiffres du rapport 2014. “Mon voisin est homophobe”

“T’es dans mon secteur, dégage la tarlouze” ou bien encore “Tu ferais mieux d’aimer les femmes !” : des témoignages faisant état de ce genre de remarques, les membres de SOS homophobie en ont reçu des milliers en 2013.

Plus de 3500 récits ou signalements faisant état d’injures, de menaces, d’agressions ou de signes de rejet à caractère homophobe, soit une explosion de 78% en un an, comme le révèle le rapport 2014 de l’association sur le sujet que Le HuffPost s’est procuré en exclusivité. Et sur Internet, ils ont carrément triplé en 1 an (lire encadré ci-desssous).

Parmi ces manifestations d’hostilité, il en est des moins connues: l’homophobie de voisinage, pour laquelle l’association a reçu quelques 141 témoignages, correspondant à 130 cas (contre 132 cas en 2012).

Pas de progression spectaculaire dans ce domaine depuis l’an dernier, mais un phénomène bien ancré, relativement stable et persistant depuis des années, qui empoisonne la vie des victimes: inscriptions “PD” gravées ou coups de couteaux sur la boîte aux lettres , voitures vandalisées, préservatifs remplis de lait glissés dans le courrier ou même excréments, animaux de compagnie empoisonnés, etc.
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Discrimination

Souvent, la violence psychologique se transforme en attaque verbale, voire en attaque frontale : dans 42% des cas, il y a eu tentative d’intimidation et une fois sur sept, violence physique. Tel cet homme de 37 ans, auquel on lance un tesson de bouteille dans son immeuble HLM, en l’avisant de “mieux aimer les femmes” ou cet étudiant en sixième année de médecine, roué de coups par un locataire de sa résidence universitaire, entraînant sept jours d’incapacité totale de travail.

Des coups ou des insultes (dans 75% des cas rapportés) qui se doublent parfois d’une injustice de la part des autorités, qui plutôt que d’expulser les homophobes proposent aux agressés de déménager. Dans près de 1 cas sur 5 le témoin affirme ainsi avoir fait l’objet d’une discrimination dans son différend avec ses voisins, que ce soit de la part du bailleur, propriétaire ou des forces de l’ordre.

Une hausse sans précédent du nombre de témoignages reçus faisant état d’actes ou paroles homophobes

L’année 2013 a été marquée par une hausse sans précédent du nombre de témoignages reçus par l’association. Près de 3500 récits recueillis via la ligne d’écoute, par courriel, courrier ou lors d’évènements organisés par les bénévoles, soit une hausse de 78% par rapport à l’année précédente (1977 témoignages). C’est notamment très clair sur Internet, et notamment sur Twitter, où ont fleuri différents mot-clés (hashtags) tels que #LesGaysDoiventDisparaitreCar, #UnGayMort ou #IlFautTuerLesHomo-sexuels. Les signalements de dérapages homophobes sur la Toile se sont ainsi multipliés par trois en un an (près de 1700 cas en 2013, contre environ 650 en 2012).

Sans surprise, l’association a été particulièrement sollicitée pendant les mois de janvier, avril et mai, mois de grandes “Manif pour tous”, et encore plus les jours et lendemains de ces évènements largement couverts par la presse. Des moments vécus comme difficiles par les homosexuels, qui ont attisé les tensions dans les deux camps et ont certainement ouvert la voie à un plus grand nombre d’agressions, d’insultes etc. mais ont aussi délié les langues : “La libération de la parole homophobe s’est aussi accompagnée d’une libération de la parole des victimes, qui hésitent de moins en moins à réagir face à leur agression et osent davantage témoigner“, explique le président de l’association, Yohann Roszéwitch. 2014 devrait néanmoins être une année de relative “normalisation”, selon les premiers chiffres récoltés par SOS homophobie et qui font état d’un retour au niveau de 2012.

Qui sont les victimes ? Des hommes (76%) âgés surtout de 35 à 50 ans (34%), des personnes fragiles cumulant parfois aux yeux des agresseurs le “tort”d’être handicapé et gay, ou affaibli et homosexuel et beaucoup de couples (45%), la vie à deux constituant un “fort signe de visibilité LGBT, en particulier aux yeux des homophobes et transphobes”. Si l’on peut, face à ce qui peut être ressenti comme une menace, cacher son orientation sexuelle sur son lieu de travail, il est plus difficile de le faire sur son lieu de résidence lorsque l’on vit avec son conjoint. “Vivre sous le même toit représente encore aujourd’hui une prise de risque pour les personnes LGBT”, déplore l’association.

“Tête de lesbienne, on n’aime pas ta gueule”

Pourquoi autant de victimes de sexe masculin ? Parce que “l’homosexualité masculine dérange” et paraît menacer la cité, contrairement à l’homosexualité féminine, explique le psychiatre et psychanalyste Serge Hefez. “L’homme pénétré est dans une position de soumission, et par là il perd sa position de défense de la cité, c’est comme s’il mettait en danger l’ensemble de la société en abandonnant sa place active de défenseur”, détaille le psychiatre. Tandis que les valeurs dominantes sont des valeurs masculines, il peut être “valorisant pour une femme de vouloir ressembler à un homme”, mais l’inverse est bien moins admis.

La violence envers les lesbiennes est plus souvent symbolique que physique, et passe par le déni, comme l’explique le psychologue et docteur en psychologie Jean Michel Pugnière, auteur d’une thèse sur l’homophobie. Ce qui n’empêche pas les femmes de subir parfois des brimades répétées, telle Romane, 28 ans, qui a reçu des menaces de sa voisine du dessous, ainsi que des jets de détritus et de détergent sur son paillasson. “Tête de lesbienne, on n’aime pas ta gueule”, s’est-elle entendue dire. Charmants voisins !

Des victimes d’agressions physiques en majorité masculines, plus nombreuses et plus jeunes

2013 a été un bon “cru” pour les agressions physiques liées à l’homophobie, qui ont augmenté de quelque 54%. Yeux bleuis et tuméfiés, dent cassée, le visage encore tout rouge de sang et déformé : les images de l’agression de Wilfred, qui s’est vu prescrire 10 jours d’interruption de travail après avoir été pris à partie avec son compagnon Olivier alors qu’ils marchaient “bras dessus, bras dessous”, ont fait le tour des médias. Ils ne furent pas les seuls. Sans être exhaustifs, les chiffres de l’association font état d’environ 190 cas en 2013 (contre 122 en 2012).

Il est à noter que, comme pour le voisinage et comme pour beaucoup d’autres formes d’homophobie, les victimes sont là aussi en majorité des hommes (70%) et sont par ailleurs de plus en plus jeunes (26% ont entre 18 et 24 ans, contre 18% l’année précédente). Pourquoi ? Parce que l’adolescence et les années qui suivent sont une période de construction pendant laquelle les groupes de garçons “exacerbent leurs caractéristiques viriles” pour affirmer leur identité masculine, explique le psychiatre et psychanalyste Serge Hefez.

Le HuffPost | Par Aude Lorriaux