Peines clémentes pour six anti-mariage gay

«Pourquoi venir à une manifestation avec un pull à capuche et des lunettes de piscine ?»

A la barre Huit jeunes arrêtés en marge de la manifestation du 26 mai aux Invalides ont comparu mercredi soir. Malgré un réquisitoire sévère, six écopent d’une simple amende et deux ont été relaxés.

C’est une audience de plus de onze heures qui s’est déroulée, mercredi jusqu’à tard dans la nuit, à la 23e chambre correctionnelle de Paris. Huit manifestants opposés au mariage gay étaient jugés pour non-dispersion après sommation, violences avec armes sur personnes dépositaires de l’autorité publique et injures. Les prévenus sont âgés d’une vingtaine d’années, certains au «prénom à rallonge», comme le fait remarquer un des avocats. Tous sont jugés pour des faits qui se sont déroulés en marge de la manifestation des opposants au mariage pour tous, le 26 mai dernier, aux alentours de l’esplanade des Invalides.

Au lendemain du procès en appel de Nicolas Buss, famille et amis ont fait le déplacement pour soutenir les jeunes gens qui comparaissaient tous pour la première fois devant la justice. Pendant près de trois heures, les avocats des prévenus vont défendre, un par un leurs requêtes d’exception en nullité pour des raisons de procédure.

 «Des circonstances exceptionnelles liées à un événement exceptionnel»

La défense met en avant la notification tardive des droits. Ainsi, l’un des prévenus, interpellé à 21h45, ne se les verra notifier qu’une heure et demie plus tard. Car plusieurs prévenus interpellés lors des affrontements ont été placés dans un bus en attendant leur mise en garde à vue au commissariat. «Des circonstances exceptionnelles liées à un événement exceptionnel, fait valoir le procureur de la République, qui a supervisé les arrestations à l’époque. Ce fut une des manifestations les plus importantes sur Paris depuis des année et il y a eu aux Invalides un climat d’extrême tension.»

Très vite, les débats prennent un tour politique. Un des avocats dénonce des «interpellations politiques qui ont eu lieu de manière arbitraire». Un autre va jusqu’à se demander si le procureur «n’invoque pas en fait des lois d’exceptions», allant jusqu’à le décrire comme un «soldat du gouvernement». Pris à partie personnellement à plusieurs reprises, le procureur est obligé de rappeler qu’il ne «s’agit pas là d’une tribune politique mais d’un procès équitable qui doit se dérouler sereinement».

Vidéos peu probantes

La majorité des personnes jugées sont accusées d’avoir jeté des projectiles contre les forces de l’ordre et d’être venues pour en découdre. Vidéos issues des plateformes Youtube et Dailymotion à l’appui, les avocats dénoncent des «violences policières et manquement au droit». Mais la démonstration tourne au ridicule. Lorsqu’un avocat montre une vidéo de ce qui devrait être l’interpellation de son client, la juge lui répond de manière cinglante ne «voir que des postérieurs».

En effet, il est presque impossible de distinguer les visages des prévenus dans les vidéos, dont aucun avocat n’est en mesure de fournir l’heure et la date exactes. «J’aimerais que ce tribunal s’élève au-dessus de discussion de café du commerce, demande la magistrate. Les preuves que vous avancez ne sont pas datées, le tribunal en tirera les conséquences.»

«Je cherchais mon petit frère»

Le premier prévenu entendu est Stanislas, un étudiant de 20 ans membre de l’Action française, accusé de violence contre des personnes dépositaires de l’autorité publique, et d’avoir dissimulé son visage lors de la manifestation. «Pourquoi, alors que les consignes de dispersion de la manifestation ont été données par les organisateurs, vous ne quittez pas les lieux comme 99% des gens ?», l’interroge la juge.

«Je cherchais mon petit frère avec qui j’étais allé à la manifestation, explique le jeune homme d’une faible voix. Lorsque les policiers ont chargé, j’ai été arrêté.»

«Ce que je vois sur les vidéos de la police, c’est que vous êtes en première ligne face aux CRS, et que vous portiez des lunettes de piscine. Pourquoi venir à une manifestation avec un pull à capuche, des lunettes de piscine et de quoi vous couvrir le visage?», lui rétorque la magistrate. Le prévenu explique alors qu’il craignait des tirs de lacrymogènes et qu’il se tenait près des affrontements par curiosité.

Pour Maître Pichon, l’un des avocats de la défense, cela ne fait pas de doute : «Il y a eu des énormes violations de procédures dans ce dossier. On a interpellé des jeunes qui ont un casier vierge et qui n’ont pas le profil de casseurs. Il s’agit pour l’Etat de faire des exemples.» Un avis que partagent les familles des prévenus. Lorsque le procureur de la République demande à l’encontre de Stanislas quatre mois de prison ferme dans son réquisitoire, la mère du prévenu s’effondre en larmes. «Ce sont ceux qui courent le moins vite qui ont été pris», reconnaît un ami venu assister aux plaidoiries.

Le tribunal a finalement fait preuve de clémence en prononçant deux relaxes et six peines d’amende de 300 euros, bien en-deçà des réquisitions du ministère public, qui avait demandé de la prison ferme pour sept des huit prévenus et du sursis pour le dernier.

Par GEOFFREY LIVOLSI avec AFP