Paris inaugure un mémorial pour les victimes homosexuelles de la déportation

Ce samedi 17 mai 2025, à l’occasion de la Journée internationale contre la LGBT+phobie, Paris inaugurera le premier mémorial national en hommage aux victimes homosexuelles de la déportation. Situé dans les jardins du port de l’Arsenal, près de Bastille, ce monument a été conçu par l’artiste Jean-Luc Verna, en collaboration avec l’association Les Oublié·es de la Mémoire. La cérémonie se déroulera en présence de la maire de Paris, Anne Hidalgo, et de Jean-Luc Romero-Michel, adjoint chargé de la lutte contre les discriminations.

Une reconnaissance tardive, mais essentielle

Longtemps passées sous silence, les persécutions visant les homosexuels pendant l’Occupation n’ont commencé à émerger dans l’espace public qu’au tournant des années 1980, grâce à des travaux de recherche, des œuvres artistiques et des témoignages comme celui de Pierre Seel, déporté en 1941 et devenu l’un des premiers Français à briser le silence.

Selon les historiens, entre 5 000 et 15 000 personnes ont été déportées à l’échelle européenne en raison de leur orientation sexuelle. En France, les estimations varient de 60 à 200 déportés identifiés. Les documents officiels sont rares, et les mentions d’homosexualité dans les actes d’arrestation souvent codées ou dissimulées.

Contrairement à d’autres villes comme Amsterdam, Berlin ou Sydney, Paris n’a pas opté pour le triangle rose, symbole imposé aux homosexuels dans les camps nazis. L’objectif était ici de concevoir une œuvre inclusive, inscrivant l’hommage dans une perspective plus large et contemporaine.

Éduquer, transmettre, alerter

Pour Jean-Baptiste Trieu, président de l’association Les Oublié·es de la Mémoire, à l’initiative du projet, ce mémorial s’adresse autant aux consciences qu’aux générations futures : « Il ne s’agit pas seulement de réparer un oubli, mais de donner aux jeunes les outils pour comprendre ce que l’histoire a effacé. »

Il appelle à l’introduction de modules pédagogiques dédiés dans les établissements scolaires, pour faire connaître ces persécutions trop longtemps tues. « On ne peut pas construire une société juste sans parler de ces réalités », ajoute-t-il.

Ce moment de reconnaissance intervient dans un contexte mondial incertain. Alors que des pays continuent de pénaliser l’homosexualité, les droits des personnes LGBTQIA+ reculent, même dans des États démocratiques. En France, le rejet récent par le Sénat d’un dispositif d’indemnisation des personnes condamnées pour homosexualité avant 1982 a suscité une vive émotion dans les milieux associatifs.

« Ce monument, c’est une pierre contre l’oubli, mais aussi un avertissement », souligne Jean-Luc Romero-Michel. À proximité de la Bastille, haut lieu de luttes et de liberté, ce mémorial rappelle que les droits conquis peuvent toujours vaciller.