Nigéria : un nouveau pas de plus vers l’homophobie

Les parlementaires nigérians ont adopté, jeudi 30 mai, un projet de loi interdisant les mariages homosexuels et les organisations qui soutiennent leurs droits. Cette loi prévoit une peine de 14 ans de prison en cas de mariage et de 10 ans d’emprisonnement contre les couples homosexuels qui s’affichent en public.

Alors que la France se déchire autour de la loi sur « le mariage pour tous », les pays africains continuent de durcir leurs positions sur l’homosexualité. Sur les 78 pays qui pénalisent encore les relations entre personnes de même sexe, 38 sont africains. Et la donne n’est pas prête de changer, puisque les députés nigérians viennent de voter à l’unanimité un projet de loi homophobe. Désormais, tout couple homosexuel qui essaye de se marier peut encourir une peine de 14 ans d’emprisonnement. Une sanction de 10 ans de prison est aussi prévue pour toutes les personnes qui affichent leur homosexualité publiquement. Ce projet de loi ne s’arrête pas là. Il menace également d’interdire la formation de groupes de défense des homosexuels et veut punir, par la même occasion, toutes les personnes qui sont témoins ou qui encouragent ces relations. Finalement, cette loi entraîne l’interdiction pure et simple de l’homosexualité.

Un pays guidé par la religion

Toutefois, ce projet n’est pas une nouveauté mais bien l’aboutissement d’un long processus commencé il y a 50 ans. Les discriminations contre les gays et les lesbiennes ne sont pas nouvelles au Nigéria. Depuis la colonisation britannique, les relations avec des personnes de même sexe sont interdites. Plus grand pays d’Afrique avec 160 millions d’habitants, le Nigéria est un pays très religieux. Et pour justifier ce projet de loi, les parlementaires mettent en avant les valeurs culturelles, traditionnelles et religieuses de la population nigériane, qui assimile l’homosexualité comme une déviance venue d’Europe. Cela va contre la nature et la culture africaine qui conçoit que le destin d’un homme est de se marier avec une ou plusieurs femmes et d’avoir de nombreux enfants. Seul motif d’espoir : le texte n’a pas encore été promulgué par le président Goodluck Jonathan.

Tolérance zéro en Ouganda

Le Nigéria n’est pas le seul pays africain à durcir le ton sur ce sujet. Depuis plusieurs années, l’Ouganda mène une véritable chasse contre les homosexuels. En novembre dernier, les députés ougandais ont présenté un projet de loi prévoyant la peine de mort en cas « d’homosexualité aggravée », c’est-à-dire avoir des relations homosexuelles avec un mineur ou avec quelqu’un de séropositif. Pourtant, la législation punissait déjà à la prison à perpétuité les relations entre personnes du même sexe. « On se sert de l’homosexualité comme bouc émissaire pour réorienter la population vers des données plus émotives », a déclaré Charles Gueboguo, sociologue camerounais, auteur de plusieurs ouvrages sur la question de l’homosexualité en Afrique à Libération. Les politiciens veulent détourner l’attention des populations des problèmes majeurs qui minent le pays.

Une Afrique répressive
Le Sénégal se montre aussi virulent envers la communauté gay. La loi prévoit un à cinq ans de prison ferme et une forte amende. Même son de cloche en Gambie, où le président Yahya Jammeh a affirmé dans une déclaration officielle, que les gays et les lesbiennes n’étaient pas les bienvenus dans son pays. Des déclarations qui s’ajoutent à de nombreuses autres. En mai dernier, le ministre zambien des affaires intérieures, Edgar Lundu, avait déclaré : « Ceux qui défendent les droits des gays devraient aller en enfer, ce n’est pas une question que nous tolérerons. Il n’y aura pas de discussions sur les droits des gays. Ce problème est étranger à notre pays. »

L’Afrique du Sud, un pays à part

L’Afrique du Sud reste un cas à part. Il est, en effet, le premier pays du continent africain à avoir interdit toute forme de discrimination. Les couples homosexuels ont obtenu le droit de se marier, d’adopter ou encore d’hériter de leur partenaire. Malgré cela, les violences verbales et physiques sont fréquentes, surtout en dehors des grandes villes. « Il y a beaucoup de gens qui pensent que l’homosexualité est la même chose que le viol, ils pensent que l’homosexualité c’est l’exploitation des jeunes hommes », explique Neela Ghoshal, chercheuse à Human Right Watch.

L’Occident veut sévir

Face à cette situation délicate, les Nations unies ont déjà menacé de suspendre toute aide aux pays qui pratiquent la discrimination contre les communautés inverties ; notamment, les Etats-Unis et l’Angleterre qui ont réclamé un changement à de nombreuses reprises. En vain. Pourtant, ces deux pays majeurs soutiennent depuis de nombreuses années ces pays. En 2011, Barack Obama a appelé à mettre fin aux discriminations contre les gays et les lesbiennes et avait « assuré que la diplomatie américaine et l’aide étrangère promeuvent et protégent les droits de l’homme des gays, lesbiennes et transgenres.» Ce mois-ci, le président américain doit se rendre dans plusieurs pays africains et plaider pour le respect des droits des Hommes.

Des difficultés pour les ONG

Cette nouvelle législation nigériane pourrait également, à terme, fragiliser les programmes de lutte contre le sida. Déjà en difficulté dans certains pays, les différentes ONG risquent d’avoir davantage des problèmes pour lutter contre le VIH. « Cette loi ne fait que favoriser la diffusion du VIH au Nigéria », nous a déclarés Eric Fleutelot, directeur général adjoint international et porte-parole de Sidaction. Actuellement, on compte 3,4 millions de personnes séropositives au Nigéria. Avec ce projet de loi, la communauté homosexuelle n’osera plus venir se faire dépister. « Soutenir sur place va devenir encore plus difficile. Il nous faudra aller vers les gens, silencieusement, sans passer par les médias. De plus, la religion est très présente, surtout les églises évangéliques qui rejettent totalement l’homosexualité », nous a-t-il confié.

source:lejournalinternational.fr/