Mariage homo Il y a treize ans, le PaCS remuait déjà la société

Treize ans avant le projet de loi sur le mariage et l’adoption pour les homosexuels, le Pacte civil de solidarité (PaCS), aujourd’hui entré dans les moeurs, avait suscité une guérilla parlementaire et fait descendre des milliers d’opposants dans les rues.

Pourtant, le PaCS, “contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune”, ne touchait pas au droit de la famille.

Aujourd’hui souscrit dans environ 95% des cas par des partenaires de sexes différents, il avait été créé à l’initiative de la gauche dans un climat très polémique parce qu’il était alors destiné essentiellement aux couples de même sexe.

C’est cette image d'”union pour homosexuels” et de “sape de l’institution du mariage” qui avait conduit à une année de bataille acharnée au Parlement avant son adoption définitive en octobre 1999.

Pas moins de 2.161 amendements avaient été déposés par les anti-PaCS, emmenés par Christine Boutin, alors députée apparentée UDF. Elle s’était notamment illustrée par un discours fleuve de cinq heures et demie dans l’hémicyle contre une union que la plupart des députés de droite voyaient comme “une atteinte à la protection de la famille et de l’enfant”.

“Le PaCS est sans incidence au regard du droit du mariage et de la famille”, martelait de son côté la ministre socialiste de la Justice, Elisabeth Guigou, rejetant clairement la possibilité d’adoption d’enfant par un couple homosexuel.

Pour la gauche, le PaCS conjuguait “progrès social, lutte contre les inégalités et protection des libertés individuelles”.

Le texte a initialement été rejeté par l’Assemblée en octobre 1998, victime d’une forte mobilisation des députés de droite et d’une faible présence des députés socialistes.

“Un déluge de stupidités”

Roselyne Bachelot, seule députée d’opposition à soutenir publiquement le PaCS, se souvient de “débats d’une violence inouïe”. “J’ai vécu des moments terribles, j’ai reçu des lettres d’injures, des menaces”, raconte celle qui avait jugé que c’était “l’honneur d’un parlementaire de voter selon sa conscience”.

“On avait tout entendu, que la famille s’effondrerait, un déluge de stupidités”, dit-elle à l’AFP.

Début novembre 1998, plusieurs milliers de personnes défilaient à Paris contre le PaCS: “Guigou, ton Pacs aux égouts”, “Satan l’a rêvé, Jospin l’a fait”, lisait-on sur les banderoles.

Le 9 décembre, le PaCS était adopté en première lecture, stigmatisé par l’opposition qui dénonçait un “mariage-bis”, une “loi pour les homosexuels” ou encore “la porte ouverte à l’immigration clandestine”.

Christine Boutin brandissant une Bible – c’était le règlement de l’Assemblée nationale, a-t-elle dit ensuite – ou fondant en larmes devant les critiques du Premier ministre, Lionel Jospin, sont restées des images marquantes des débats.

Fin janvier 1999, 100.000 personnes manifestaient dans la capitale, à l’appel d’un collectif “générations anti-PaCS”, regroupant trente associations familiales, confessionnelles ou d’élus, parrainé par les formations politiques du centre, de droite et d’extrême droite. Un des slogans scandé alors: “Deux mamans, deux papas, bonjour les dégâts!”

Rejeté par le Sénat, à majorité de droite, le texte était finalement voté en octobre, après un an de guérilla parlementaire.

Aujourd’hui, environ trois PaCS sont conclus pour quatre mariages prononcés, les premiers étant souvent une étape vers les seconds.

“Même la droite qui avait combattu le PaCS l’a totalement accepté”, estime Roselyne Bachelot. “Ce sera la même chose avec la loi sur le mariage”, prédit-elle. “Si elle est votée, dans cinq ou six ans, personne n’imaginera un jour qu’elle n’a jamais existé”.