La GPA pourrait rapidement revenir dans le débat public

Dans la perspective du projet de loi sur la famille, des réflexions sont menées pour faciliter la transcription, en droit français, des états civils d’enfants nés par gestation pour autrui (GPA) à l’étranger.Certains, à gauche, sont déterminés à légiférer dans ce domaine, tout en redoutant d’ouvrir un nouveau front de contestation.Concernant la gestation pour autrui (GPA), « le débat est clos », selon Dominique Bertinotti.

Mi-janvier, la ministre déléguée à la famille l’a encore affirmé devant l’Assemblée, en soulignant que le chef de l’État avait indiqué « très clairement que la GPA ne fer(ait) pas partie des questions abordées pendant le quinquennat ». Dans le contexte actuel de tensions autour des questions sociétales – l’avortement, l’euthanasie, le genre, etc. –, le gouvernement veut se montrer très prudent sur les mères porteuses, un sujet à hauts risques.Et pourtant, le débat pourrait être relancé plus vite qu’il n’y paraît. Non que le gouvernement ait l’intention de lever l’interdiction de la gestation pour autrui en France. Mais des réflexions approfondies sont actuellement menées pour faciliter la transcription en droit français des états civils des enfants nés par GPA à l’étranger.

Projet de loi sur la famille

« Il faut trouver la meilleure manière de reconnaître l’identité de ces enfants, estime le député Erwann Binet (PS, Isère), qui fut rapporteur de la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. On ne peut faire peser sur eux la responsabilité de leurs parents qui ont contourné la loi. Il en va de leur intérêt supérieur. » Le projet de loi sur la famille, attendu en avril 2014, pourrait être l’occasion de légiférer sur cette question complexe. Or, pour nombre de juristes de la famille, cela fragiliserait le principe d’interdiction de la GPA.

Quels sont les enjeux ? En septembre 2013, deux arrêts de la Cour de cassation ont marqué un tournant. Ils confirment le refus d’inscrire la filiation d’un enfant né par GPA sur les registres français de l’état civil, en invoquant la « fraude à la loi ».

Ce faisant, les juges sont allés plus loin que dans leurs précédents arrêts en rendant très difficile la reconnaissance en droit français de la filiation établie à l’étranger à l’égard de la mère d’intention, mais aussi du père biologique. Pour autant, les enfants ne sont ni « orphelins », ni « fantômes de la République » : ils disposent d’un état civil étranger et les parents d’intention sont les parents officiels aux yeux du droit étranger.

Dignité de l’enfant

Les tracasseries administratives sont néanmoins légion, d’autant que la circulaire Taubira, qui visait à leur faciliter la vie (lire ci-dessous), vient désormais buter sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Dominique Boren, dont le fils est né par GPA en Russie, en témoigne : « Quand on doit inscrire l’enfant à l’école ou à une activité, à chaque fois qu’on doit exercer son autorité parentale, il faut prouver qu’on est bien le père », déplore le coprésident de l’APLG (Association des parents et futurs parents gays et lesbiens).

Il n’ose pas sortir du territoire avec son garçon « de peur de ne pas pouvoir rentrer en France ». Pour Hugues Fulchiron, professeur de droit à l’université Lyon 3, la situation juridique de ces enfants est devenue « extrêmement ambiguë ».

Autant dire que ces associations attendent beaucoup du gouvernement. Lequel se retrouve face à un véritable dilemme : prouver qu’il reste intraitable sur le principe de la GPA au nom de la dignité de l’enfant qui ne saurait faire l’objet d’un « contrat » et de la non-marchandisation du corps, tout en se montrant sensible à la situation concrète des enfants.

Mère porteuse à l’étranger

« C’est vrai que l’équilibre est difficile à trouver », concède Erwann Binet. Selon nos informations, le groupe de travail présidé par Irène Théry sur « la filiation, les origines et la parentalité » s’est penché sur le problème et pourrait faire des propositions concrètes au gouvernement. Ses membres restent toutefois muets à ce stade, tant le sujet est brûlant.

Car il est difficile d’imaginer que la France pourra rester ferme sur ses principes, une fois la transcription d’état civil facilitée. Le recours à la GPA à l’étranger – pratique frauduleuse, jugée contraire aux valeurs fondamentales du droit français – n’aurait plus alors aucune conséquence pour les fraudeurs. « L’engrenage serait alors inévitable », redoute le député Philippe Gosselin (UMP, Manche), qui dénonce une forme « d’hypocrisie » du gouvernement.

On pourra notamment invoquer l’injustice sociale entre les couples fortunés pouvant avoir recours à une mère porteuse à l’étranger sans être inquiétés et les autres, condamnés à renoncer à leur désir d’enfant. En outre, Muriel Fabre-Magnan, professeur de droit à la Sorbonne (1), rappelle que la question de l’intérêt de l’enfant devrait aussi se poser en amont : « Est-il conforme à l’intérêt de l’enfant d’être traité comme un produit que l’on commande et que l’on cède ? » Le débat sur la GPA semble loin d’être clos.

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La « circulaire Taubira »

– Le 25 janvier 2013, Christiane Taubira, la ministre de la justice, a envoyé aux tribunaux une circulaire relative à la délivrance des certificats de nationalité aux enfants nés par mère porteuse à l’étranger, destinée à éviter les difficultés administratives des familles.

– On peut y lire : « L’attention de la chancellerie a été appelée sur les conditions de délivrance des certificats de nationalité française aux enfants nés à l’étranger de Français, lorsqu’il apparaît (…) qu’il a été fait recours à une convention portant sur (…) la gestation pour le compte d’autrui. » « Vous veillerez, dans l’hypothèse où de telles demandes seraient formées (…) à ce qu’il soit fait droit à celles-ci dès lors que le lien de filiation avec un Français résulte d’un acte d’état civil étranger probant. »

MARINE LAMOUREUX avec FLORE THOMASSET

(1) Auteur de La Gestation pour autrui, Fayard, 2013

http://www.la-croix.com/Ethique/Actualite/La-GPA-pourrait-rapidement-revenir-dans-le-debat-public-2014-01-27-1096895