La 2nde Pride des Campagnes au prisme des élu.es

Trois élu.es se sont prêté.es au petit jeu de l’interview pour partager leurs attentes ainsi que les espoirs et les perspectives qu’esquissent les Fiertés Rurales organisées avec le soutien de Stop Homophobie. Parmi eux, Cyril Cibert, maire de Chenevelles (Vienne) affilié au parti radical de gauche (PRG), Marie Cau, maire de Tilloy-lez-Marchiennes (Nord) et première femme transgenre élue maire en France et enfin, Pierre Karleskind, député français au parlement européen affilié au groupe libéral Renew Europe.

Stop Homophobie : «A travers l’organisation des Fiertés Rurales que souhaites-tu impulser pour ta commune, ton département et ta région, en tant qu’élu local du Poitou ?»

Cyril Cibert : «Avant d’être élu local, je suis un mari comblé avec mon conjoint Nicolas et je suis le père d’une fille de 26 ans.

Je suis également le maire de Chenevelles depuis 2020 et j’y vis depuis 4 ans et demi. Je suis également le président des maires ruraux de la Vienne, dans le Poitou, en Nouvelle-Aquitaine, dans le sud-ouest de la France.

A travers les Fiertés Rurales, je veux redonner de l’attractivité à nos territoires ruraux, car j’en ai assez d’entendre dire des gens que les campagnes sont rances et racistes ou homophobes.

En effet, il existe en ruralité un vécu de personnes LGBT+ qui sont très bien accueillies, dans le respect de leur différence, sans agression, à l’heure où nous venons de passer le cap des 10 ans du mariage pour tous en France; tandis que les faits de violence augmentent, notamment dans les zones urbaines.

Pour moi la lutte contre les discriminations LGBTphobes participe à une offre de qualité de vie globale des campagnes françaises, indispensable d’un point de vue économique, si l’on souhaite faire venir plus d’habitants et de familles afin de pouvoir garder nos écoles de village.

Quand je vois l’élan de solidarité et de bienveillance de mes administrés, je pense que le message est passé et que les gens d’ici se sont saisis de ces enjeux de fraternité. C’est d’ailleurs pour cela que l’association Fiertés Rurales crée consécutivement à la pride des campagnes de l’an passé, s’est domiciliée dans le village.

Aujourd’hui, l’on est engagé dans une réflexion quant à un futur label des “villages bienveillants”, afin d’identifier les territoires ruraux où les personnes LGBT+ et leurs familles sont les bienvenues ».

Cyril Cibert (maire de Chenevelles) à gauche avec l’écharpe tricolore, Tati Galaxy au milieu et la coloc drag de Poitiers à droite et en bas qui souhaite que les drag-queens soient considérés comme des travailleurs à part entière par les autorités

Stop Homophobie : « Pourquoi es-tu venue aux Fiertés Rurales ?»

Marie Cau : «Je suis maire de Tilloy-lez-Marchiennes, une commune rurale dans le département du Nord (540 habitants), au milieu du parc naturel régional de Scarpe-Escaut. J’ai 57 ans et je suis maire depuis 3 ans dans un village où je vis depuis 23 ans. C’est mon premier mandat politique et je suis sans étiquette.

Je suis connue comme étant la première femme trans maire élue en France, mais mon élection ne doit pas grand chose à ma transidentité. Je voulais tout simplement vivre une nouvelle expérience et me mettre au service de mon village pour faire bouger les choses et faire avancer mon territoire, après une longue carrière dans le secteur informatique.

J’ai été élue en 2020 avec 62% des suffrages exprimés et les défis à relever dans la ruralité dans le Nord portent sur les infrastructures, davantage que sur des problématiques sociétales en lien avec les communautés LGBT+. Il faut dire qu’il y a un fort dénuement des campagnes dans ma région et les préoccupations de mes administrés au quotidien concernent essentiellement l’entretien des chemins communaux, la réhabilitation de l’habitat dans l’ancien bassin minier ou encore l’installation de la fibre optique qui vient d’avoir lieu.
Dans ce contexte, pour moi, Fiertés Rurales est une belle initiative en faveur des jeunes LGBT+ ruraux qui vivent un sentiment de très fort isolement, car la ruralité est un monde aujourd’hui par trop oublié. Il y a là une intersectionnalité, en même temps qu’une double peine, or heureusement, on voit que les campagnes ne sont pas forcément si conservatrices que ne le pensent certains et mon parcours en est la preuve. Cela casse les clichés quant aux ruraux fermés d’esprit. On voit bien ici à Chenevelles qu’on a eu un accueil extraordinaire. Par conséquent, je suis venu en tant que citoyenne pour défendre ces deux causes qui me tiennent à cœur : la ruralité et les personnes LGBT+.

Aussi, j’aimerais bien que des prides des campagnes essaiment dans d’autres régions, afin d’encourager la dynamique des Fiertés Rurales qui a émergé à Chenevelles».

Pierre Karleskind (député européen) à gauche et Marie Cau (maire de Tilloy-lez-Marchiennes) à droite

Stop Homophobie : « Quel est ton regard en tant que député européen sur Fiertés Rurales ?»

Pierre Karleskind : « Je suis député européen depuis 2019, mais avant de rallier le parti présidentiel Renaissance, j’étais auparavant conseiller municipal socialiste à Brest et ancien conseiller régional de Bretagne également.

Aujourd’hui à travers Chenevelles, je vois un écho et un prolongement inspirant au travail que nous menons parallèlement en Europe, en même temps que j’y vois un exemple qui doit faire florès.

En 2019 par exemple, certaines communes rurales polonaises avaient crée des zones sans idéologie LGBT+ qui exhortaient les défenseurs des droits humains au silence.

A présent, quand je vois la façon dont Chenevelles s’empare de questions d’égalité, je me dis qu’il y a matière à pouvoir travailler à l’échelle européenne à l’échange de bonnes pratiques.

En 2021, ce sont des menaces de rétorsions économiques quant à l’octroi de dotations européennes à destination de régions polonaises ayant besoin de réhabiliter des écoles et d’autres infrastructures qui les avaient fait reculer, puis abandonner des dispositions contraires à la liberté d’opinion.

A l’échelle européenne, avec mes collaborateurs et mes collègues nous travaillons en ce moment à l’élaboration d’un projet de règlement visant à assurer la reconnaissance mutuelle des liens de filiation entre les pays de l’Union, car maintenant l’on observe que dès lors que l’on franchit une frontière, des familles cessent d’en être. Les récentes directives italiennes, visant à rayer de l’acte de naissance des enfants nés de couples lesbiens le nom du parent non-biologique, l’illustrent.

D’ailleurs, ces atteintes au principe de libre circulation au sein de l’Europe seront précisément au cœur des débats des prochaines élections européennes qui se tiendront le 9 juin prochain, car il y a un vrai choix de société à faire.

Plus que jamais, je tiens à rappeler que le combat en faveur de l’égalité des droits n’est ni un combat français, ni même un combat européen, mais davantage un combat international, face à un agenda réactionnaire mondial, où certains pays comme l’Ouganda ou la Russie se distinguent de plus en plus par des dispositions coercitives à l’endroit des personnes LGBT+.

En définitive, en étant à Chenevelles, on se bat en faveur des droits des autres personnes LGBT+ en Europe, et au-delà, de par le monde. Ici, le combat prend une déclinaison rurale, mais le combat est partout le même, celui en faveur des droits humains».