Sénégal : Des élections, du changement et des incertitudes pour la communauté LGBT+

La récente victoire de l’opposant Bassirou Diomaye Faye avec près de 56% des suffrages exprimés peut-être perçu comme le triomphe des valeurs démocratiques et de liberté au Sénégal, dans une région le Sahel, où cela est plutôt l’exception quand l’on songe aux juntes militaires qu’il y a au Mali, en Guinée, au Burkina-Faso ou encore au Niger.

Cependant cette bonne nouvelle n’est pas forcément incompatible avec un agenda illibéral qui sacrifierait un peu plus les libertés des minorités sexuelles et de genre au nom des « valeurs culturelles nationales », comme le prouve l’exemple de la démocratie ghanéenne aux prises avec une proposition de loi visant à durcir un peu plus la criminalisation de l’homosexualité déjà en vigueur sur place.

En effet, à plusieurs reprises, alors candidat, le nouveau président élu avait évoqué « une refonte du cadre législatif du pays selon les « valeurs du Sénegal », laissant planer le « flou » souligne Daouda (pseudonyme), un observateur de l’évolution des droits de l’Homme en Afrique de l’Ouest, vivant à Dakar.

Or précisément, parmi les soutiens les plus actifs de Diomaye Faye, l’on retrouve And Samm Djikko Yi (Ensemble pour la défense des valeurs en wolof), un lobby ultra-conservateur qui n’a cessé de faire avancer son agenda au cours des dernières années, en agitant “un péril LGBT+” qui menacerait d’effondrement moral la société sénégalaise.

Alors que l’homosexualité est passible de 5 ans de prison et de 1,5 million de francs CFA d’amendes (2500 euros), au Sénégal, And Samm Djikko Yi et l’entourage du nouveau président avait activement appuyé une initiative visant à alourdir la répression de l’homosexualité sur place, avec 10 ans de prison à la clé et 5 millions de francs CFA (7600 euros) d’amendes. D’ailleurs de nombreux rassemblements et manifestations s’étaient tenus pour presser les députés d’agir.

Finalement, l’Assemblée Nationale sénégalaise avait refusé d’examiner ce projet de loi en janvier 2022, mettant en avant la cadre législatif déjà existant, ainsi que la sévérité des condamnations en la matière depuis de nombreuses années, permettant un statu quo. Mais à présent, les cartes sont peut-être rebattues, à l’aune de la nouvelle majorité au pouvoir.