#Grenoble : La #famille, l’#église et les unions #homosexuelles

Alors que les catholiques se sont engagés dans une vaste réflexion sur la famille à partir du questionnaire envoyé par Rome en vue du Synode d’octobre 2014, La Croix a abordé successivement cinq des thèmes les plus sensibles, dont l’homosexualité.

>> Dans le diocèse de Grenoble, un petit groupe de parole entre personnes homosexuelles, parents et responsables ecclésiaux s’est mis en place, depuis septembre, dans le cadre de la pastorale des familles.

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« Il y a encore trois ou quatre ans, un tel groupe aurait été impensable! » Ce constat réjouit la quinzaine de membres d’un groupe récemment créé en partenariat avec la pastorale des familles et Isèreanybody, la pastorale des jeunes du diocèse de Grenoble-Vienne, avec le soutien de l’antenne lyonnaise de l’association Devenir un en Christ (Duec). Ce groupe, baptisé Duec 38, s’est déjà retrouvé trois fois depuis fin septembre, avec un peu plus de participants à chaque réunion. Ce qui confirme l’intuition de plusieurs responsables diocésains qu’« il y a vraiment urgence pastorale » dans ce domaine.

Dès février dernier et en plein débat autour du « mariage pour tous », un prêtre a fait part à l’évêque, Mgr Guy de Kerimel, des « souffrances » des jeunes d’orientation homosexuelle, blessés par ce qu’ils entendaient dans leur paroisse. Avec d’autres, il a participé au lancement de ce groupe de parole. « Nous avons annoncé la première rencontre à la “une” du site diocésain », explique Marie-Jo Verlucco, mère de famille, responsable de la pastorale des familles à Grenoble, qui avait déjà mis en ligne trois « Lettres d’information des familles » sur l’homosexualité, la théorie du genre et le « mariage pour tous ». Le premier objectif de tels groupes est d’aider à ce « que l’homosexualité soit moins taboue dans l’Église ». Ainsi, l’un des trois couples de parents engagés en paroisse et participants à ces partages « n’avait jamais osé parler en Église de (leur) fils homosexuel ». Et les chrétiens qui découvrent leur homosexualité, ou celle d’un enfant ou d’un conjoint, se sentent généralement totalement abandonnés par l’institution ecclésiale.

« LES RÉACTIONS DE REJET ET DE PEUR FACE À CETTE ORIENTATION PSYCHO-AFFECTIVE VIENNENT BIEN SOUVENT D’UNE GRANDE IGNORANCE »
« Avec qui en parler? » fut la question que se posa douloureusement Anne-Marie, 56 ans, lorsqu’elle vécut, il y a quelques années, « une vraie passion pour une femme », alors qu’elle était bénévole en catéchèse depuis treize ans et accompagnée spirituellement. « Pendant trois ans, j’ai continué ma mission d’Église sans que personne se rende compte de rien », poursuit cette mère de trois enfants, aujourd’hui en instance de divorce « après vingt-trois ans d’un mariage difficile » et engagée depuis quelques mois dans la Communion Béthanie. « Je suis convaincu que la vie de beaucoup d’homosexuels serait plus unifiée s’ils entendaient des homélies où l’on parle d’eux de manière positive », estime Frédéric, catholique pratiquant de 33 ans, qui, après avoir vécu deux ans en couple homosexuel durant ses études, assume son célibat actuel… tout en « priant le Seigneur de (lui) donner un compagnon ».

Un autre objectif de ces groupes diocésains est de contribuer à la sensibilisation et la formation du clergé. Car, selon Marie-Jo Verlucco, « les réactions de rejet et de peur face à cette orientation psycho-affective viennent bien souvent d’une grande ignorance ». En ce sens, Jacques et Martine, les parents de Frédéric, souhaitent « que l’Église aide à expliquer ce qu’est l’homosexualité et la distingue clairement de la pédophilie ». « Il faudrait que le Magistère évolue dans son discours, notamment en supprimant l’expression si mal comprise d’“intrinsèquement désordonnés” », ajoute Marie-Christine, qui a appris en 2000 l’homosexualité de son fils, alors âgé de 22 ans, et représente aujourd’hui les familles concernées par l’homosexualité au sein de la pastorale des familles de Grenoble. Selon elle, « l’Église devrait dire que l’épisode de Sodome ne porte pas sur l’homosexualité et rappeler que ces textes bibliques ont 2 000 ans ».

« ON A AUSSI DES CHOSES À PARTAGER SUR L’AMOUR ET LA FIDÉLITÉ »
Ce groupe, en Isère comme d’ailleurs, souhaite surtout que l’Église « multiplie les occasions de se côtoyer, sans préjugés », selon la formule d’Anne-Marie. Frédéric va plus loin: lui qui est parrain de plusieurs enfants d’amis, aimerait que des catholiques homosexuels soient intégrés dans les services diocésains de pastorale des familles. « On a aussi des choses à partager sur l’amour et la fidélité », insiste-t-il. Et pourquoi ne pas envisager, comme le rêve Anne-Marie, des préparations au mariage qui accueilleraient des divorcés et des personnes vivant en couple homosexuel? « Cela permettrait une réflexion plus profonde », dit encore Anne-Marie, regrettant que dans l’Église on en reste trop souvent à « une image de couples et de familles d’élite, pour qui tout baigne ». Or, assure-t-elle, c’est son expérience amoureuse avec une femme qui lui a permis de mieux connaître l’amour du Christ: « Avant, je l’annonçais aux autres, mais sans y croire vraiment pour moi! »

Ce tout jeune groupe grenoblois n’a pas encore été confronté à des demandes sacramentelles de personnes homosexuelles, comme celles évoquées dans le questionnaire en vue du Synode des familles de 2014. Mais Marie-Jo Verlucco participe au groupe de réflexion sur l’homosexualité décidé en mai dernier par les évêques de la province ecclésiastique de Lyon, « afin de lister les questions pastorales qui se posent et d’envisager un langage le plus approprié possible pour donner des repères face à des situations où s’expriment souvent de profondes souffrances », résume le P. Frédéric Pelletier, vicaire général du diocèse et Belley-Ars, chargé de la pastorale familiale dans son diocèse et animateur de ce groupe interdiocésain.

Lors de leur première séance de travail, le 26 novembre, les délégués de la pastorale des familles faisaient tous le même constat: « Comme l’Église leur dit d’être abstinents, poursuit le P. Pelletier, mais que pour beaucoup d’homosexuels ce n’est pas possible, alors ils quittent l’Église! »

CLAIRE LESEGRETAIN, à Grenoble
La Croix