En France, 13% des lesbiennes sont victimes d’agressions ou menaces liées à leur orientation sexuelle

Revue de presse : «Vivons heureuses, vivons cachées» toujours d’actualité…

Refréner son envie d’embrasser sa compagne dans la rue. Redouter d’être surprise à la sortie d’un bar lesbien. Contrôler ses gestes, ses mots pour ne pas dévoiler son orientation sexuelle. Deux ans après le vote pour le mariage pour tous et alors que le mot lesbophobie est enfin rentré dans le dictionnaire, pour les lesbiennes, le «vivons heureuses, vivons cachées» semble être toujours de mise. Par peur des «réactions hostiles», des violences qu’elles pourraient susciter, elles se rendent «invisibles» dans la société. C’est le constat – désespérant – dressé par SOS homophobie dans une enquête rendue publique ce jeudi.

Lancée en avril 2013, cette étude souhaite «montrer la réalité et la forme que prend la lesbophobie » en France et faire parler les femmes homosexuelles des violences dont elles sont victimes et qu’elles taisent trop souvent. «Les lesbiennes contactent peu la ligne d’écoute de SOS homophobie», expose Tania Lejbowicz, coréférente de la commission lesbophobie au sein de l’association. « Sur les 3 517 témoignages que nous recevons chaque année, seulement 329 concernent des actes lesbophobes. »

59% des lesbiennes concernées

Questionnaire diffusé sur Internet et dans les médias LGBT, présence de l’association lors d’évènements communautaires comme l’Eurolesbopride… «Il a vraiment fallu aller chercher ces témoignages, explique Tania Lejbowicz. Les lesbiennes ont elles-mêmes du mal à identifier les actes ou comportements lesbophobes.» Résultats ? Sur les 7 126 répondantes, majoritairement âgées de moins de 30 ans, elles sont 59% à avoir subi au moins un acte lesbophobe au cours des deux dernières années. Parmi ces femmes, 13% y ont été confrontées «régulièrement». Insultes, moqueries, refus de promotion, rejet de la part de leur famille, exclusion d’une équipe sportive, menaces jusqu’aux agressions physiques.

«Sortir de l’invisibilité»

Dans ce rapport, l’association a également voulu déterminer si le fait de vivre ouvertement son homosexualité et la lesbophobie vécue étaient liées. «Nous voulions voir si les femmes étaient victimes parce qu’elles étaient visibles ou si elles étaient plus visibles parce qu’elles avaient été victimes», explique Tania Lejbowicz.

Leur apparence, leur engagement au sein d’une association, le fait de parler de leur homosexualité à leur famille, à leurs amis, leur comportement dans la rue, leur visibilité a ainsi été analysée, décortiquée. Et le verdict est sans appel. «Le risque d’être discriminée est plus grand quand on est visible», note l’enquête. «Les lesbiennes adoptent des stratégies pour contrer les réactions hostiles.» Elles sont ainsi 18% à ne jamais manifester de signe d’affection à leur compagne en public. Et 21% à ne jamais se tenir la main dans la rue. « Cela signifie qu’on n’accepte toujours pas la différence. Il faut que les lesbiennes sortent de cette invisibilité, martèle Tania Lejbowicz. Les pouvoirs publics doivent se donner les moyens judiciaires, financiers et humains pour mettre fin à ces inégalités et violences vécues.»

Anne-Claire GENTHIALON