Entre fantasmes et réalités : Christine Boutin, la passionaria anti-mariage gay

Christine Boutin, ancienne ministre de François Fillon et présidente d’honneur du Parti chrétien-démocrate, tire à boulets rouges sur les deux ministres. Entretien.

Elle a été l’une des premières à juger, sur Twitter, la nomination de Najat Vallaud-Belkacem comme une “provocation”. Pour Christine Boutin, la nouvelle ministre de l’Éducation nationale – qu’elle appelle “Madame Belkacem” – ne serait qu’une “idéologue” au service de la politique “libérale-libertaire” du président François Hollande. Avec ses amis de la Manif pour tous (qui se rassembleront le 5 octobre contre la gestation pour autrui), la passionaria anti-mariage gay est devenue le symbole d’une certaine droite qui, entre fantasmes et réalités, craint pour ses valeurs traditionnelles.

Le Point.fr : Pourquoi faudrait-il être “horrifié” – terme que vous avez emprunté à Ludovine de la Rochère, présidente de la Manif pour tous – par la nomination de Najat Vallaud-Belkacem à l’Éducation nationale ?

Entre-fantasmes-et-réalités---Christine-Boutin,-la-passionaria-anti-mariage-gayChristine Boutin : Mme Belkacem, qui fait la promotion de l’identité du genre, est porteuse d’une idéologie que je combats, et je ne suis pas la seule… Maintenir Mme Taubira à la Justice qui, à travers le mariage pour tous, a clivé la France était déjà une provocation, mais mettre à l’Éducation nationale, qui est tout sauf un ministère neutre, une femme aussi idéologue et qui porte des idées aussi ahurissantes que le “gender” (genre, NDLR) me semble être la confirmation de cette provocation. Avec ces femmes, qui sont devenues des icônes, c’est la confirmation du choix sociétal du président de la République. Au lieu de pacifier le pays, il a choisi de diviser les Français dans un moment de crise. Sur le mariage pour tous, il y a quand même 44 % de Français qui n’y sont pas favorables. L’urgence dans notre pays, ce n’était pas ça !

Najat Vallaud-Belkacem n’a pas vraiment fait la promotion de la théorie du genre, elle est même revenue sur ses déclarations en parlant d’études de genre…

Elle a donné tous les gages ! En 2011, elle a donné une interview dans 20 Minutes (l’interview circule sur les comptes Twitter de ses détracteurs, NDLR) où elle disait “la théorie du genre explique l’identité sexuelle des individus autant par le contexte socioculturel que par la biologie”. Elle a aussi souhaité que les “crèches neutres” (où on ne différencie pas filles et garçons, NDLR) se généralisent…. En 2012 (dans le mensuel Têtu, NDLR), elle s’est prononcée pour que les manuels scolaires précisent l’orientation sexuelle des personnages historiques… Non, mais enfin, franchement ! Puis, elle a mis en place les ABCD de l’égalité, sur lesquels Benoît Hamon est revenu compte tenu de la réaction du peuple de France, du moins d’une grande partie, y compris des familles musulmanes. Bien sûr que c’est un chiffon rouge !

La nouvelle ministre de l’Éducation a dit vouloir “poursuivre” son combat pour l’égalité filles-garçons, cela vous fait peur ?

L’égalité des sexes, tout le monde peut être d’accord, ce n’est pas le problème. Mais derrière ça, il y a la négation de la différence sexuelle. Et Mme Belkacem utilise l’égalité des sexes comme instrument pour aller vers la théorie du genre. Elle louvoie en disant que cette théorie n’existe pas. C’est faux, il y a même un module à Sciences Po qui porte ce nom !

“SOS Racisme” vient de lancer une pétition pour défendre Najat Vallaud-Belkacem, qui selon l’association, serait victime de sexisme et de racisme, comme le montrent cette semaine les unes de Valeurs actuelles, où elle figure sous le titre “L’ayatollah”, et de Minute, qui va encore plus loin avec “Une Marocaine musulmane à l’Éducation nationale”. Depuis sa nomination, en 2012, Christiane Taubira a aussi été fortement attaquée par une partie de la droite et de l’extrême droite. N’y a-t-il pas un fond de racisme derrière tout cela ?

Cela n’a rien à voir ! Mme Belkacem est une femme, une jolie femme, une femme intelligente… Elle est française, elle est ministre, elle est parfaitement intégrée… Il y a d’autres personnes dans ce gouvernement qui sont d’origine étrangère et sur lesquelles il n’y a aucun cri ni aucune révolte. Par exemple, on ne dit rien sur le ministre des Anciens Combattants (Kader Arif, NDLR). Dire que c’est un problème raciste est un alibi. Ce n’est pas l’origine ni la religion de ces dames qui est en cause ; c’est bien plus profond que cela. C’est ce qu’elles portent toutes les deux qui pose problème. Et leur point commun, c’est le mensonge ! Mme Taubira nous dit qu’elle est contre la GPA, et elle laisse une circulaire allant dans le sens inverse… Pour Mme Belkacem, idem, elle fait ce qu’elle ne dit pas.

Le 5 octobre, la Manif pour tous appelle à un nouveau rassemblement contre la GPA pour exiger le retrait de la circulaire Taubira (visant à faciliter l’obtention de la nationalité française pour les enfants nés de mères porteuses à l’étranger), pensez-vous que les Français seront au rendez-vous ?

L’idée avait été lancée avant le remaniement. Mais avec le gouvernement Valls II, cela ne peut que mobiliser. Il y aura peut-être d’autres Français qui viendront sur d’autres sujets de mécontentement. Il peut y avoir une cristallisation sur cette manifestation.

La garde des Sceaux avait été caricaturée en singe et insultée lors de manifestations où même des enfants brandissaient des peaux de banane, ne craignez-vous pas de nouveaux débordements ?

Écoutez, chère madame, je ne veux pas faire de la personnalisation, mais les caricatures dont j’ai été l’objet n’ont jamais fait hurler personne ! Il y a aussi des caricatures de M. Hollande qui sont ignobles et scandaleuses et dont personne ne parle. On ne peut pas faire l’amalgame entre une poignée d’imbéciles et ces problèmes de fond, l’enjeu n’est pas là.

Mais avec vos tweets, ou ceux de Ludovine de la Rochère, vous ne craignez pas d’attiser les haines et de diviser un peu plus les Français ?

Personne ne se pose la question à l’envers : personne ne s’intéresse à la haine que nous, nous ressentons par rapport à toutes ces postures.

Propos recueillis par ÉMILIE TREVERT/lepoint.fr