Charleville-Mézières : Une boîte de nuit accusée d’homophobie

Deux jeunes femmes certifient avoir été agressées par les portiers de la discothèque La Guinguette, au Mont-Olympe, après s’être embrassées devant l’établissement. Une plainte pour violences à caractère homophobe a été déposée samedi au commissariat par les deux étudiantes âgées de 21 et 23 ans. Une enquête est en cours pour déterminer la véracité des faits.

De son côté, le patron de la Guinguette assure que la plainte n’est pas fondée et que les plaignantes ont été refoulées à l’entrée car elles étaient ivres. Elles s’en seraient prises selon lui aux véhicules des clients en jetant des bouteilles prises dans des poubelles devant témoins. Ce qui aurait conduit les videurs à intervenir. La police confirme avoir reçu des appels d’automobilistes indiquant que deux jeunes filles avaient dégradé leur pare brise.

« Nous étions toutes les deux devant la boîte de nuit, sur le trottoir, et nous attendions une autre amie qui était à l’intérieur avec nos affaires. En attendant, nous nous sommes embrassées et nous avons immédiatement essuyé un flot d’injures de la part des videurs. Nous n’en revenions pas, alors nous nous sommes décalées de l’entrée. Mais ils ont attrapé mon amie. Ils lui ont tiré les cheveux et mis des coups de poing dans le ventre », raconte F. B., la plus jeune des plaignantes.

« Choquées, nous nous sommes dirigées vers la passerelle, où nous avons rencontré deux garçons qui se sont dits choqués de ce que l’on nous avait fait. Là, les videurs sont venus nous rechercher et nous ont traînées devant la boîte pour nous frapper de nouveau. Mon amie a essayé de filmer la scène mais lorsque l’un des deux videurs s’en est aperçu, il lui a porté un coup à la tête et lui a écrasé la main en lui disant qu’elle n’avait pas intérêt à crier ou à bouger… », poursuit la plaignante. « Aujourd’hui, nous n’oserons plus nous tenir par la main dans la rue. Nous allons changer notre comportement car nous avons peur. On se dit que ça n’arrive qu’aux autres. Ce n’est, hélas, pas exact ! » La police reste prudente, les videurs contestent

Du côté de la police, la prudence reste toutefois de mise. « Nous avons effectivement enregistré une plainte pour des violences exercées en raison de l’orientation sexuelle des victimes et nous allons enquêter sérieusement. Cependant, l’une des plaignantes était en état d’ébriété et nous avons reçu plusieurs appels le soir des faits. L’un d’eux émanait d’une des deux jeunes filles, qui ne s’est pas présentée comme la compagne de la seconde mais comme un témoin. Dans la foulée, la mère de la plus jeune des plaignantes nous a sollicités, affolée. Et par ailleurs, un automobiliste s’est plaint de deux jeunes filles qui auraient dégradé son pare-brise. L’enquête dira si ces faits ont une corrélation », a expliqué le commissaire divisionnaire Éric Krust. Patron depuis 2008 d’une boîte de nuit qui jouit plutôt d’une bonne réputation, Christophe Cialotti défend son personnel. « J’étais à l’intérieur quand cela s’est passé. Ces deux personnes ont en réalité été refoulées parce qu’elles étaient ivres. Seule leur troisième amie, qui était clean, est entrée. Mes videurs ont alors été insultés de sales Arabes. L’une des deux jeunes filles a escaladé la cloison de la terrasse pour rentrer, ce qui a déclenché l’intervention des portiers. La terrasse était pleine de clients et donc de témoins. Je n’ai aucun problème pour le prouver. »

La suite, c’est Hakim, l’un des trois portiers accusés et dont l’identité est livrée sur les réseaux sociaux par les proches des victimes (lesquelles ont requis l’anonymat dans nos colonnes), qui la raconte : « Après, elles sont parties du côté de la passerelle avec deux garçons. Dans une poubelle, elles ont pris des bouteilles qu’elles ont jetées sur la chaussée. Moi, tant que c’était dans la rue, je ne suis pas intervenu. Mais après, elles sont montées sur le talus et elles bombardaient les voitures des clients… Là, nous sommes allés les chercher… »

Et Hakim de conclure : « Avant, je bossais à l’X-trem. Des homos, j’en voyais tous les soirs. J’en compte parmi mes ami(e)s et il y en a à La Guinguette. Si je faisais mal mon travail, mon patron ne m’aurait pas gardé ici depuis cinq ans… » Désormais, c’est à la justice de démêler le vrai du faux.

Par Damien Engrand
lunion.presse.fr