Autodétermination, santé, droits pour les personnes trans et/ou intersexes : « 20 ans que la France piétine ! »

L’Existrans, « la marche des personnes trans et intersexes et des personnes qui les soutiennent », partira ce samedi 15 octobre 2016 à 14h de Belleville en direction du Châtelet (Paris).

« 20 ans déjà que des associations trans luttent pour faire lever cette exigence d’attestations et d’expertises médicales ou psychiatriques dans les procédures en France de changement de mention du sexe et de prénom à l’état civil (CEC) », nous explique Giovana Rincon, fondatrice et directrice d’Acceptess-T.

Ce 12 octobre, après une ultime lecture, les députés ont voté, dans la loi de modernisation de la « Justice du 21e siècle », un amendement visant à faciliter le CEC. Le texte stipule que toute personne majeure ou mineure émancipée « qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe à l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification » devant un tribunal de grande instance. La jurisprudence le conditionnait jusque-là à « des critères psychiatriques et médicaux », exigeant « des preuves de la stérilisation ».

« Maintenant il faut lutter pour la déjudiciarisation et veiller à ce que la loi soit appliquée. Même si encore une fois, elle ne résoudra pas tout », insiste toutefois Giovana, qui rappelle que le collectif Existrans milite pour une procédure « libre, gratuite, en mairie et sans condition médicale. Ce n’est pas à un tiers de déterminer ou juger. L’autodétermination n’est pas un principe négociable ! »

D’autres pays tels que l’Argentine, Malte, le Danemark, la Colombie, l’Irlande et dernièrement la Norvège l’ont déjà instaurée : « alors que fait la France ? »

Les associations l’affirment depuis des années, rejointes aujourd’hui par des experts juridiques, chercheurs et le Défenseur des Droits : « un CEC dépsychiatrisé et déjudiciarisé est non seulement possible, mais nécessaire. C’est une base minimale indispensable pour œuvrer efficacement contre les discriminations, permettre aux personnes trans de sortir de la précarité, en améliorant leur accès aux soins, à l’éducation, au marché du travail, tout en luttant contre l’épidémie de VIH, qui les touche de manière disproportionnée », précise également le collectif, qui souligne dans son communiqué le devoir d’exemplarité de l’Etat dans ses lois « pour faire reculer la transphobie dans la société ! »

Suivant la même « vision normative et réductrice du rapport entre les sexes qui nourrit la transphobie », le législateur continue par ailleurs d’ignorer et violenter les réalités intersexes. Aujourd’hui encore, la médecine occidentale moderne persiste à faire de « ces variations morphologiques, hormonales et/ou génétiques, des caractères sexués, un état pathologique nommé “trouble du développement sexuel” ». Or, ce diagnostic entraîne la mise en place d’un protocole qui ne répond à aucune nécessité médicale si ce n’est transformer ces corps jugés « anormaux » en corps « normaux », suivant les catégories de sexes « homme » et « femme ». De nombreuses mutilations sexuelles et traitements hormonaux sont ainsi imposés, sans le consentement des personnes concernées, le plus souvent très jeunes. Des atteintes particulièrement violentes à l’intégrité physique, qui sont « pratiquement toujours irréversibles, entraînant parfois la stérilisation, d’autres effets secondaires, ainsi que de graves répercussions psychiques », s’indigne le collectif.

Dans ses « Observations concernant le septième rapport périodique sur la France », le « Comité contre la torture de l’ONU » a en outre recommandé « des mesures législatives, administratives ou autres, pour garantir le respect de l’intégrité physique des personnes intersexuées : L’état doit mettre fin à ces pratiques ! »

Alors, ce samedi 15 octobre, veille du retour de La Manif pour tous sur les pavés parisiens, « nous marcherons pour ne plus subir, rester visibles et que soient entendues nos revendications » :

● Le changement d’état-civil libre et gratuit en mairie, sans condition médicale (ni stérilisation ni suivi psychiatrique), sans homologation par un juge.
● La suppression de la mention de sexe à l’état-civil et sur l’ensemble des documents d’identité
● Le libre choix des parcours médicaux , sur la base du consentement éclairé , avec le maintien des remboursements en France et à l’étranger.
● Le démantèlement des équipes et protocoles hospitaliers et la formation des médecins et chirurgiens français pour un suivi médical de qualité, respectueux et dépsychiatrisé .
● La formation et la sensibilisation des personnels en contact avec les personnes Trans et Intersexes (santé, éducation, social, administratif, justice, prisons, etc.), en lien avec les associations Trans et Intersexes.
● La mise en place de mesures pour favoriser l’accès au monde du travail et aux études et pour protéger les salariéEs Trans et Intersexes.
● La suppression des tests d’identification sexuelle pour les compétitions sportives
● Le financement de campagnes de sensibilisation, en collaboration avec les associations Trans et Intersexes, pour lutter contre la Transphobie et les violences médicales et sociales contre les personnes intersexes et pour la visibilité des personnes Trans et Intersexes.
● Le financement de la recherche et de la communication sur la santé des personnes Trans et Intersexes et de leurs partenaires (VIH/sida, hépatites, IST, effets des traitements à long terme, interactions médicamenteuses, etc).
● L’abandon des lois pénalisant le travail du sexe précarisant et mettant en danger les personnes Trans et Intersexes concernées, y compris la pénalisation des clients.
● Le respect des droits humains pour les personnes Trans et Intersexes en milieu carcéral.
● La reconnaissance et la prise en compte de l’extrême fragilité sociale des personnes Trans et Intersexes migrantEs sans papiers dans les demandes de régularisation et d’asile.
● L’arrêt immédiat des opérations et des mutilations , des stérilisations, “traitements” chimiques ou hormonaux forcés, des pratiques psychiatriques imposées sur les enfants et adolescent-e-s Intersexes, l’accompagnement psychologique non pathologisant de leurs parents et l’accompagnement à l’auto-détermination des Intersexes, conformément à la résolution 1952 (2013) du Conseil de l’Europe pour le droit des enfants à l’intégrité physique.
● La suppression de la caractérisation de l’intersexuation comme “troubles du développement sexuel” dans la classification internationales des maladies et sa déclinaison dans les textes réglementaires en France.
● Le retrait du « trouble de l’identité sexuelle » des manuels internationaux de diagnostic : DSM IV et CIM 10.
● L’accompagnement des enfants et adolescents dans leur autodétermination, y compris le respect et la protection de toute expression de genre, le respect des prénoms et genre choisis, notamment dans le cadre scolaire, l’accès sur la base du consentement éclairé aux traitements hormonaux et/ou bloquant la puberté, comme aux autres traitements ou opérations, et l’accès au changement d’état-civil.
● L’accès à la PMA et le respect des droits des parents Trans et Intersexes, notamment par la modification des actes officiels des enfants et des partenaires.
● La prise en compte par les médias du kit de l’Association des Journalistes LGBT (AJL) pour le respect des personnes Trans et Intersexes.

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« Le mouvement s’est un peu démobilisé depuis la légalisation du “mariage pour tous”. C’est une évolution incontestable, mais il faut rester vigilant. N’oublions pas que d’autres menacent toujours de réécrire la loi », poursuit Giovana. « Et puis, on ne peut pas prétendre lutter pour une société de l’égalité, si les changements ne bénéficient qu’à certains. C’est un nouveau départ mais l’occasion d’évaluer notre part de responsabilité. Et je pense également aux immigrés homosexuels, plus particulièrement les trans, déjà frappés par une multitude de discriminations, et qui se retrouvent dans des dispositifs complétement saturés et non-adaptés à leurs spécificités. L’Allemagne a ouvert des foyers dédiés. C’est une solution si on ne parvient pas à les protéger dans les structures conventionnelles, où sévissent haine et tensions LGBTphobes. Soyons solidaires et marchons ensemble ! »

Les événements prévus pour cette 20e édition :

>>> TRANS TIME, exposition du 6 au 30 octobre à CONFLUENCES, lieu d’engagement artistique (Paris 20e). Discussions, projections vidéos et vernissage le jeudi 6 octobre à 18h.

>>> Queerfood For Love, dîner en soutien à la marche, le samedi 8 octobre à 20h à la Nouvelle Rotisserie (Paris 10e).

>>> Présentation de la charte « Sport et trans » au Centre LGBT Paris-ÎdF (Paris 3e), le jeudi 13 octobre à 18h (en partenariat avec Acceptess Transgenres, Association OUTrans et la FSGL

>>> Atelier de création de banderoles et pancartes à La Mutinerie, vendredi 14 octobre de 17h à 20h (Paris 3e).

>>> Concert de soutien « Transes w/ NO BRA (live) et les copains » en partenariat avec TRANS TIME, le vendredi 14 octobre à partir de 20h à CONFLUENCES (Paris 20e).

>>> Soirée de soutien post-marche, le samedi 15 octobre à partir de 18h à La Mutinerie (Paris 3e).

>>> Eaux Z’ons le Genre (piscine), le samedi 15 octobre de 20h à 22h30 à la Piscine Rouvet (Paris 19e).

Pour en savoir plus sur le parcours :

Terrence Katchadourian
stophomophobie.org