Emblématique du paysage éditorial français, « Têtu » risque de disparaître

Alors qu’il s’apprête à fêter ses 20 ans, « Têtu » annonce avoir obtenu son placement en redressement judiciaire pour cessation de paiement, malgré une restructuration drastique entamée il y a deux ans. Le mensuel dispose de quatre mois pour trouver un repreneur, comme l’a indiqué Jean-Jacques Augier, propriétaire du magazine.

Créé en juillet 1995 par des militants de la lutte anti-sida, le mensuel généraliste emblématique de la communauté gay, dont les ventes sont tombées à 28 275 exemplaires en moyenne, n’a jamais gagné d’argent depuis sa naissance.

“Le tribunal de commerce nous a donné, lundi, quatre mois pour trouver une solution qui assure la sauvegarde des emplois et la pérennité du titre”.

“Têtu a déjà fait de gros efforts de restructuration mais ne peut pas trouver son équilibre seul, il est fondamental qu’il soit adossé à un groupe de presse. Si au bout de quatre mois nous n’avons pas trouvé de repreneur, le tribunal prononcera sa liquidation”, a-t-il ajouté.”Il est à peine imaginable que Têtu puisse disparaître et pourtant, jamais le risque n’a été aussi grand”, indique la direction sur son site internet. Actionnaire unique pendant dix-huit ans, Pierre Bergé a cédé Têtu à l’homme d’affaires et éditeur Jean-Jacques Augier en 2013, pour un euro symbolique. Le mensuel a depuis supprimé une vingtaine de postes, soit plus de la moitié de ses effectifs. Il emploie aujourd’hui 10 salariés, dont 5 journalistes. Après une perte de plus de 2 millions en 2013, il a ramené son déficit à 1,1 million en 2014, pour un chiffre d’affaires de 2,8 millions d’euros. Pour 2015, la perte devrait être de 600 000 euros environ, a précisé M. Augier.

“J’ai approché un certain nombre de groupes de presse mais je ne suis pas tombé au bon moment”, a-t-il dit, expliquant que le journal est victime à la fois de l’érosion de ses ventes en kiosque et de la baisse des recettes publicitaires. Vendu 5 euros, Têtu a vu sa diffusion reculer de 12,5% depuis 2010.

“Il n’y a plus rien à restructurer, mais l’équilibre n’est plus très loin”, a commenté l’homme d’affaires, qui a réinvesti un million d’euros dans le titre depuis 2013. Pierre Bergé avait aussi laissé des fonds pour financer la restructuration. Interrogé sur un passage 100% numérique, M. Augier a jugé que “Têtu ne peut jouer son rôle dans la communauté que s’il a une visibilité, avec un magazine papier”.

“Pour les jeunes gens, il est très important de voir ce magazine présent dans l’espace public”. Têtu a aussi lancé récemment une appli de rencontres, SoTêtu. Il organise samedi une fête pour ses 20 ans, qui sera transformée en “fête de soutien”.

AFP