LGBT, une réalité et des webs fictions jouissives qui échappent à la dictature de l’audimat

Le nombre toujours croissant de webséries qui se présente sous le «label» LGBT nous rappelle que l’internet est encore un espace pratiquement sans censure, en tout cas où les fictions échappent à la dictature de l’audimat, se libèrent du poids des conventions et sortent donc allègrement des sentiers de la mode. C’est un poncif et un cliché de dire encore que les auteurs sont libres de raconter ce qu’ils veulent comme ils veulent sur le web, mais c’est vrai. Le web est donc devenu cet espace où l’on peut voir des fictions que les «médias traditionnels» ne peuvent ou ne veulent pas montrer.

Dans certains festivals ou manifestations, les webséries LGBT sont «rangées» dans une catégorie distincte. C’est à mon avis discriminatoire car ces programmes méritent simplement d’être traités comme des œuvres audiovisuelles. Ce ne sont pas des pamphlets ou des documentaires d’investigations, mais des histoires simples ou compliquées, drôles ou sentimentales, décalées ou violemment réalistes. Ou même tout ça à la fois. C’est pour cela que, jusqu’à présent, j’ai présenté des programmes «LGBT» sans distinction ou précision. Mais comme ma liste de titres qui méritent d’être présentés s’allonge trop, je n’ai pas d’autre choix que de céder moi-même à la ségrégation. Mais je suis persuadé que vous saurez les traiter comme ils le méritent.

Commençons par du «facile». Vous connaissez peut-être la récente série télé The New Normal dans laquelle un couple gay embauchait une mère porteuse pour fonder une famille. La websérie anglaise The Vessel (Chloe Seddon, Phillip Whiteman et Giovanni Bienne) reprend exactement ce pitch de départ (le premier épisode s’intitule d’ailleurs «The New Normal»). L’originalité réside dans le point de vue, la caméra nous met à la place de cette maman par procuration et chaque épisode (bien dialogués et bien joués) nous fait passer une étape du processus. C’est assez amusant et c’est sous-titré (en anglais).

Easy Abby est une comédie romantique de 2013 très réussie. L’héroïne est une trentenaire qui explore sa capacité à être un jour amoureuse, mais qui joue contre elle-même, ses obsessions et ses préjugés. On dirait un peu une comédie d’Agnès Jaoui, mais c’est en fait écrit et réalisé par une cinéaste de Chicago, Wendy Jo Carlton. C’est joliment fait et surtout très bien joué, justifiant tout à fait les centaines de milliers de vues de la première saison (disponible avec des sous-titres). Une deuxième saison est en cours de tournage.

Hustling, une websérie qui plonge dans le milieu de la prostitution et de la pornographie avec un héros quadragénaire qui tente de refaire sa vie. C’est «graphique», dur par moments et probablement à déconseiller aux plus jeunes, mais c’est aussi une websérie d’une très grande qualité dont les trois saisons ont été douchées de récompenses et de nominations.

Jouons la arc-en-ciel jusqu’au bout et mêlons-nous les uns aux autres. The Newton Girls est une websérie australienne de Julie Kalceff. C’est un peu bavard, mais très bien fait et surtout il y a des sous-titres en français. Et si votre truc, c’est les «Bears», alors partons pour le Portugal. Barba Rija est une websérie d’André Murraças qui se déroule à Lisbonne et suit un trio d’amis dans leur vie quotidienne ainsi bien sûr que leurs aventures sentimentales ou bien d’un soir. Il y a des sous-titres en anglais et déjà cinq épisodes.

Quelles que soient nos convictions ou nos positions préférées, nous sommes tous unis devant la bonne comédie. Et Husbands en est une excellente. Créée par Brad Bell et Jane Espenson, cette websérie a démarré avec une première saison composée d’épisodes très courts (moins de trois minutes), mais aussi très rapides qui mettent en scène un joueur de baseball célèbre et une drag-queen populaire qui se retrouvent mariés à Las Vegas après une nuit arrosée. Leur mariage improvisé devient aussitôt un sujet d’actualité national qui rend encore plus difficile le démarrage déjà très improvisé de leur couple. Cette saison a mis en place le concept et elle a été naturellement suivie d’une seconde dont les épisodes sont plus longs et les moyens plus conséquents. C’est écrit, joué et réalisé par des professionnels de la sitcom télévisée «traditionnelle» qui s’amusent ici beaucoup à «passer les limites».

Pour ceux et celles qui sont du genre insatiable, j’en rajoute une dernière. Dans Dates Like This, une websérie de Hannah Vaughn & Leigh Poulos qui se déroule sur le mode de la dramedy, l’une est lesbienne et l’autre pas. C’est aussi une série plusieurs fois récompensée, mais il n’y a pas de sous-titres disponibles.

Aimez-vous les uns les autres et bon surf !

Joël Bassaget
webseriesmag.blogs.liberation.fr