“Vivre en étant homosexuel en Tunisie est une vie qu’on arrache…”, confie Ahmed Ben Amor.

Renié, mis à la porte par ses parents… parce qu’il est “homosexuel”, à 19 ans, Ahmed est devenu “une honte” pour sa famille. Brillant élève, il était pourtant encore récemment “leur fierté”, confie le jeune homme sur le huffpostmaghreb. C’est d’ailleurs son assiduité qui va lui permettre d’intégrer un lycée pilote.

“J’étais l’enfant ‘idéal’, discipliné, toujours là pour aider. Dans la famille, on parlait de moi comme un exemple à suivre. Je n’ai pas été violé, ni spécialement été trop proche de ma mère ou du monde féminin contrairement aux clichés”, explique t-il. “J’ai senti dès l’adolescence une attirance pour les hommes. Personne ne l’a découvert, c’était mon jardin secret. J’ai essayé avec les filles mais c’était le blocage total, aucune envie, aucun plaisir. C’était contre ma nature profonde“.

Une réalité parfaitement dissimulée jusqu’au jour où son cousin découvre par hasard des vidéos gays dans son ordinateur.

C’était “la descente en enfer”, souligne Ahmed, qui ne va toutefois rien nier. Un courage et une sincérité que son entourage lui fera “payer cher”. Harcèlements, injures… il a tout assumé, jusqu’au jour où “la violence a pris un tournant nettement plus dangereux.” Son père va tenter de l’assassiner à coups de lame. Il restera d’ailleurs plusieurs jours en réanimation.

“J’ai tout encaissé, j’ai essayé de les comprendre, de justifier, de m’attacher à ce repère familial mais à partir de ce jour-là, je me suis senti en danger… un danger de mort”.

Ahmed va alors en parler à un de ses amis, rencontré sur les réseaux sociaux. Il va faire aussi des recherches et réaliser qu’il n’est tristement pas le seul à souffrir : “on se réconfortait sans jamais se voir parfois. Il y avait des hommes de tout âge, appartenant à toutes classes sociales, des médecins, des avocats etc. L’un d’eux est venu à mon secours et m’a hébergé”.

Mais, après quelques temps, le jeune homme doit finalement revenir chez ses parents. Et, les violences vont recommencer. Son père, “dénué de toute compassion”, va continuer à le tabasser. Et, sa mère ou sa sœur, “plus clémentes”, vont tout simplement choisir de l’ignorer. “Personne ne se souciait de moi, on me parlait à peine”, raconte Ahmed, ému. “Une prison” qu’il était décidé à fuir. Et, ses études vont devenir “son salut, sa délivrance”, l’opportunité de s’affranchir et de ne plus dépendre de personne : “J’ai travaillé l’été pour assurer mes dépenses au cours de l’année car mon père ne me donnait plus d’argent”.

Mais à la violence familiale va bien évidemment s’ajouter celle de la société. Ahmed, qui s’est également engagé au sein d’une association pour la défense des droits des LGBT, sera menacé de mort, jusque dans son lycée, et accusé d’ennemi de l’Islam, de “renégat qui sème le vice”. “J’ai tout perdu, ma famille, mes études… Je n’ai plus rien à perdre désormais, c’est au moins ça“, ironise-t-il, même si sa famille ne prend plus de ses nouvelles et qu’il survit grâce à l’aide de ses amis.

Conduit récemment au poste de la police par des agents, parce qu’il avait pris la défense de deux jeunes filles harcelées par des inconnus, dans une affaire qui va encore dégénérer, il sera violenté, par des policiers. Et, jusqu’à l’hôpital, quand il ira consulter suite à cet “incident”, la psychologue ne lui manifestera que du “mépris”.

“Nos droits de vivre en paix sont bafoués dans l’impunité, on vous tape dessus à la première occasion, sans pitié. Nous sommes traités comme des criminels”, conclut Ahmed. “Vivre en étant homosexuel en Tunisie est une vie qu’on arrache, un combat de tous les jours, un parcours de combattant”.