Témoignage : Jean-Paul Lacaze, quinquagénaire bordelais séropositif depuis 30 ans, évoque sa maladie

A l’occasion du Sidaction, qui se déroule du 27 au 29 mars en France, Jean-Paul Lacaze, quinquagénaire bordelais séropositif depuis 30 ans, évoque sa maladie et présente le défi sportif qu’il compte relever pour faire passer un message d’espoir autour du VIH. Rencontre

Vous êtes séropositif depuis 30 ans et avez décidé de révéler votre maladie cette année. Qu’est-ce qui vous a décidé ? 
J’ai 52 ans et je suis séropositif depuis 1985, avec des hauts et des bas… Avoir 30 ans de recul peut peut-être rassurer des jeunes séropositifs aujourd’hui. Je me dis que partager mon expérience peut servir à d’autres. Je n’en ai jamais parlé avant car je sentais une sorte de peur de m’autostigmatiser, d’être classé dans quelque chose de misérabiliste. Aujourd’hui, en parler me donne l’impression de me sentir plus léger, davantage moi-même. Si l’on parle de cette maladie et qu’elle est à plus forte raison acceptée, on le vit beaucoup mieux.

Vous accompagnez votre révélation d’un défi cycliste. Pouvez-vous nous en parler ?
Après une période de fatigue intense entre 2010 et 2013 qui m’a cloué au lit, j’ai été mieux, j’ai arrêté de fumer, j’ai grossi et je me suis inscrit dans une salle de fitness pour retrouver une santé, une motivation. Au début, c’était l’horreur ! Puis, je me suis dit qu’il fallait se fixer un objectif pour tenir dans le sport. J’ai donc repris le vélo en grimpant des cols dans les Pyrénées pour évaluer mon niveau. Et le 19 juillet prochain, je prévois de participer à l’Etape du Tour. C’est une étape du Tour de France très médiatisée et ouverte à tous les cyclistes amateurs entraînés, qui propose un parcours dans les Alpes de 142 km entre Saint-Jean de Maurienne et La Toussuire et compte 13000 participants. Pour la préparer, je suis pris en main par une équipe de coaching qui m’offre des programmes sportifs et me planifie des entraînements spéciaux. Je fais aussi 15 heures de sport par semaine et j’ai signé au club Sport Athlétique Mérignacais via lequel je fais des courses de vélo.

Vous avez lancé une campagne de crowdfunding pour financer ce défi…
Avec mes 800€ de revenus mensuels, je ne peux pas financer mon projet seul. Pour faire cette épreuve, j’ai besoin de 3000€ pour acheter un vélo performant et financer les frais de déplacement. J’ai donc lancé le projet « 30 ans de VIH » sur la plateforme Ulule ainsi qu’une page Facebook dédiée. Ce nouveau vélo me servira sur le long terme car je prévois de participer ensuite à d’autres courses pour continuer à témoigner de mon expérience et engager des actions de santé publique.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le VIH, les évolutions des traitements ?
Il faut se faire dépister le plus tôt possible car plus les traitements sont précoces, plus ils sont efficaces. Aujourd’hui, les traitements proposent un panel de molécules plus large, si bien qu’on arrive à trouver une réponse thérapeutique pour beaucoup de gens. Les prises médicamenteuses sont aussi simplifiées ; je ne prends qu’une pilule par jour. De plus, faire parler de ma maladie en associant le sport casse l’image de déclin que renvoient parfois les personnes séropositives. Derrière mon action, je veux donner un message d’espoir autour du VIH, montrer qu’on peut avoir une qualité de vie satisfaisante avec la maladie. Mon action peut aussi permettre de lutter contre l’exclusion et l’isolement qu’on s’applique souvent à soi-même lorsqu’on est malade. •

Propos recueillis par Emeline Marceau
http://fr.ulule.com/30ansdevih