Six associations LGBT+ attaquent Éric Zemmour pour « négationnisme »

Les associations STOP homophobie, Inter-LGBT, SOS Homophobie, Mousse, Adheos et Quazar s’unissent pour porter plainte ce mercredi 23 mars contre Éric Zemmour pour « contestation de crime contre l’humanité », après qu’il a nié dans son livre, « La France n’a pas dit son dernier mot » (Ed. Rubempré), la déportation, pendant la Seconde Guerre mondiale, d’homosexuels français en raison de leur orientation sexuelle, qualifiée de « légende ».

Cette affirmation est fausse. En France, au moins 500 hommes accusés d’homosexualité ont été arrêtés. Parmi eux, au moins 200 furent déportés pendant l’occupation allemande.

La déportation des homosexuels français, une réalité historique établie

Les connaissances scientifiques actuelles sont issues de recherches historiques approfondies réalisées par Arnaud Boulligny, Jean-Luc Schwab et Frédéric Stroh . Ces recherches ont démontré que, entre 1940 et 1945, la France était divisée en trois zones, où la répression et la déportation ont pris des formes différentes.

Dans la zone annexée, la répression a commencé immédiatement après la défaite militaire de la France en dehors de tout contrôle des tribunaux. L’introduction progressive du droit allemand a ensuite rendu applicable le § 175 du code pénal allemand, qui sanctionnait les relations homosexuelles masculines. Au moins 413 hommes, accusés ou suspectés d’homosexualité y ont été arrêtés et au moins 153 d’entre eux ont été déportés entre 1941 et 1945.

Dans la zone occupée, le droit français demeurait en vigueur. Cependant, en vertu des ordonnances du Commandement militaire allemand en France, les tribunaux militaires allemands de campagne ont jugé des Français au titre des § 175 et 175a du code pénal allemand. Dans ce cadre, 44 arrestations d’homosexuels, dont 12 déportations, ont été documentées pour la zone occupée. Après 1942, la Gestapo a en outre procédé à des arrestations et déportations en dehors de tout cadre légal, portant à 21 le nombre total de déportations avérées depuis la zone occupée.

Dans la zone libre, les préfets avaient le pouvoir d’envoyer en centres de rétention administrative, sans jugement ni condamnation, les individus considérés comme dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique. Les recherches historiques dans six départements de l’ancienne zone sud ont permis de recenser à ce jour une cinquantaine d’ordonnances d’internement administratif visant des « invertis », majoritairement dans les Alpes-Maritimes, avec 7 déportations effectuées en conséquence de ces procédures administratives .

Reconnaissance officielle de la déportation des homosexuels français

En 1995, les militants homosexuels furent autorisés pour la première fois à participer à la cérémonie officielle de commémorations de la déportation. C’est le début d’une lente normalisation qui demeure émaillée localement d’oppositions, voire de heurts entre militants et autorités, jusque dans les années 2010. Cette première reconnaissance étatique est suivie par une déclaration officielle de Lionel Jospin, alors Premier ministre , en 2001, puis de Jacques Chirac, alors Président de la République, en 2005 , tous deux évoquant explicitement dans leur discours la déportation des homosexuels français.

Sur le plan individuel, Pierre Seel (1923-2005), seul Français revendiquant son homosexualité comme motif de déportation, a obtenu en 1994 le titre de déporté politique. En 2011, Rudolf Brazda (1913-2011), dernier survivant des « triangles roses », a été fait chevalier de la Légion d’honneur.

Première affaire de négationnisme en lien avec la déportation des homosexuels

En 2012, Christian Vanneste, député du Nord, avait qualifié de « légende » la déportation des homosexuels français. Mais à l’époque, aucune association LGBT n’avait engagé d’action pour négationnisme contre Christian Vanneste. Eva Joly avait toutefois qualifié publiquement Christian Vanneste de « négationniste », ce qui lui avait valu des poursuites en diffamation. Statuant dans cette affaire, la Cour d’appel de Paris avait alors reconnu en 2015 la « réalité des persécutions subies par les homosexuels » pendant la Seconde Guerre mondiale.

C’est aujourd’hui la première fois que des poursuites sont engagées pour négationnisme contre les propos niant la réalité de la déportation des homosexuels en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce procès est donc l’occasion, pour les associations LGBT+ et pour les historiens, de faire front commun contre la négation des violences commises contre les homosexuels.

Comme le rappelle Étienne Deshoulières, avocat des associations, « Eric Zemmour a falsifié l’histoire pour justifier ses positions homophobes. Il devra en répondre devant la justice française ».

Pour la mémoire et le respect des victimes #trianglesroses