Réserve parlementaire : détail des subventions accordées à des associations et collectivités locales

L’Assemblée publie, pour la deuxième année, le détail des subventions accordées par ses membres à des associations et collectivités locales. Une enveloppe de 80 millions d’euros.

L’Assemblée a publié ce jeudi le détail de sa réserve parlementaire. Et l’exercice a déjà ses charmes. Quelque 132 pages de lignes et de tableaux, où l’on découvre des associations aux intitulés improbables («la fraternelle Boule», «les dingos de Xéraco», «I love my hood», «4L Trophy»). Où l’on devine un petit coup de main à une association politiquement proche. Où l’on remarque que tel député s’est montré particulièrement généreux avec la ville dont il est maire…

C’est la deuxième fois que l’Assemblée se plie à cet effort de transparence en ouvrant les enveloppes distribuées en 2014 par les députés à des projets locaux conduits par des associations ou des collectivités. En tout, ce sont près de 80 millions d’euros de subventions qui ont été accordées.

Outre l’opération transparence menée à grand bruit par le président de l’Assemblée, Claude Bartolone a décidé que cette réserve parlementaire serait désormais répartie équitablement entre les députés: 130 000 euros en moyenne pour chacun, une mise doublée à 260 000 euros pour les vice-présidents, questeurs, présidents de groupe, présidents de commission et 520 000 euros pour le président. Le socialiste n’est pas peu fier de ses réformes, qui s’autocongratulait de cette «avancée démocratique incontestable» peu avant la publication du cru 2014 de la réserve. Un progrès qui n’empêche pas quelques dérives partisanes ou clientélistes. Florilège des subsides accordés.

Ceux qui «gâtent» leur commune

Parmi les députés-maires, certains n’hésitent pas à utiliser leur réserve parlementaire comme un confortable complément de budget municipal. Le Perreux-sur-Marne doit ainsi adorer cette coutume parlementaire. Son maire, Gilles Carrez, président (UMP) de la commission des finances, avait déjà largement pioché dans sa réserve en 2013 pour sa commune (à hauteur de 500 000 euros). Rebelote en 2014 avec 350 000 euros octroyés notamment pour des travaux de voirie. Jackpot également pour Antibes, la ville de Jean Leonetti (UMP) à laquelle il verse l’intégralité de sa réserve (150 000 euros). Le député-maire de Provins, le patron du groupe UMP, Christian Jacob, a, lui, attribué 100 000 euros à sa commune pour des travaux divers, tout comme Hervé Mariton qui a octroyé 200 000 euros à Crest (8 000 habitants). Le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan a lui réservé 90 000 euros, 60% des sommes qu’il a attribuées à Yerres, dont il est maire. L’écologiste Noël Mamère a pour sa part dédié 53 000 euros à sa ville de Bègles.

Enfin, Claude Bartolone a accordé 90 000 euros au Pré-Saint-Gervais dont il a été maire. Sans oublier les autres communes de sa circonscription de Seine-Saint-Denis (dont il a dirigé le conseil général): 190 000 euros à Romainville, 90 000 aux Lilas et 30 000 à Bondy.

Ceux qui cajolent leur clan

La députée FN du Vaucluse, Marion Maréchal Le Pen, a versé 22 000 euros à la municipalité frontiste du Pontet (qui n’est pas dans sa circonscription) pour l’équipement de sa police, mais aussi 40 000 euros à Camaret, autre commune dirigée par l’extrême droite, pour l’extension des locaux du club de foot. Le maire de cette commune (également dans une autre circonscription) est un proche de Jacques Bompard, le député-maire d’Orange.

Plusieurs députés pensent aussi à des organisations ou des syndicats proches de leurs idées et de leurs partis. Frédéric Lefebvre a versé 5 000 euros à la fondation Concorde, classée à droite et 3 000 au think-tank ultralibéral, Ifrap, (lequel a refusé la subvention, fait savoir sa présidente). Gilles Carrez (UMP) a accordé 10 000 euros à l’UNI, syndicat étudiant de droite. L’Unef, elle, a reçu la même somme du socialiste Pouria Amirshah… ancien président de l’Unef-ID.

La ferme parlementaire

Le socialiste Jean-Jacques Vlody attribue 50 000 euros à Poney câlins. La Fête du cochon a reçu une petite enveloppe de 500 euros de Sophie Dessus (PS) et l’écologiste Laurence Abeille a distribué 3 000 euros à l’association Abeille Machine. Dans le Gard, Gilbert Collard (Rassemblement bleu marine) a attribué 1 500 euros à l’Association des chats libres de Saint-Gilles, qui se fait fort de stériliser les chats errants, sans omettre les chasseurs de Saint Gillois qui ont droit, eux aussi, à 1 500 euros. Gilles Bourdouleix a versé 7 000 euros pour la fête des cucurbitacées d’Angers.

La réserve pour tous

L’association Le Refuge, qui accompagne de jeunes homosexuels victimes d’homophobie, a été particulièrement choyée. Pas moins de 15 députés lui ont attribué une partie de leur enveloppe, dont les UMP David Douillet, Bruno Le Maire et Axel Poniatowski et le groupe EELV (45 000 euros). La crèche Baby Loup a, elle, reçu diverses subventions de six députés (dont 5 UMP comme Eric Ciotti ou Sébastien Huyghe).

La réserve institutionnelle, surprise du chef

Outre les enveloppes que les députés distribuent dans leur circonscription, l’Assemblée nationale dispose d’une «réserve institutionnelle», un petit magot de 5,5 millions d’euros, que la présidence se charge de répartir. Celle-ci a accordé 200 000 euros au Conseil d’Etat et 50 000 au Conseil économique et social, idem pour le Défenseur des droits. Contrairement à la cuvée 2013, la Cour des comptes n’a pas perçu de subventions. Seule collectivité gratifiée : Ouessant. La présidence choie aussi plusieurs think-tank étiquetés à gauche (Fondation Jean Jaurès, Terra Nova, etc) mais aussi la Fondation pour l’innovation politique et la fondation Concorde, classées à droite. SOS Racisme, association proche du PS, a, elle, reçu 100 000 euros.

Quelques absents

Les réserves de plusieurs députés n’ont curieusement pas été publiées. C’est vrai notamment de Patrick Balkany. Selon le site de LCP, le député-maire UMP de Levallois comptait utiliser 110 000 euros pour rénover le système de vidéosurveillance de sa ville. Une demande rejetée et requalifiée par le ministère de l’Intérieur qui examine les demandes de subventions.

Laure EQUY, Rachid LAÏRECHE et Jonathan BOUCHET-PETERSEN