Réflexion : Comment conjuguer avec ses « amitiés LGBT » lorsque l’on est amoureuse d’un homophobe ?

Samuel Larochelle est un Journaliste-chroniqueur et auteur du roman, À cause des garçons, une fiction librement inspirée de sa propre histoire. Homosexuel et militant, le jeune homme, a adressé une lettre, à sa meilleure amie, qui lui a demandé de freiner ses histoires, pour éviter les commentaires déplacés de l’homme dont elle est désormais amoureuse.

« Toi, qui as trouvé tant d’excuses afin de repousser la première rencontre entre ton amoureux et moi. Toi, qui m’as confié à mots couverts que celui qui faisait battre ton cœur avait un “léger” malaise avec les homosexuels. Toi, qui as un jour assisté à cette poignée de main polie, entendu ces paroles forcées et senti cette gêne impossible à dissiper. Comment fais-tu pour être mon amie depuis tant d’années et imaginer passer ta vie à ses côtés? »

Une réaction peut-être disproportionnée, souligne l’auteur, perplexe quant à la revendication de droiture, de présence rassurante et d’affection inconditionnelle de son amie : Mais, « comment demeurer tempéré face à une situation qui me trouble à tant de niveaux? À commencer par celui de l’amitié. Depuis le temps qu’on se connait, tu as certainement constaté que j’agis comme un « papa lion » avec les miens. Évidemment, mon clin d’œil au roi de la jungle va bien au-delà de ma tignasse bouclée aux allures de crinière et du plaisir que je prends à chanter l’un des thèmes du Lion King en pleine rue, à deux heures du matin, sans retenue… », explique t-il.

« À toi, mon amie, qui est amoureuse d’un homophobe ! »

« Ma référence concerne plutôt les réflexes de protection qui s’enclenchent à la seconde où les êtres qui me sont chers se retrouvent dans une situation délicate. S’ils sont eux-mêmes en train de se déprécier et d’étouffer la personne merveilleuse qui palpite en eux, je m’empresse de rétablir les faits, usant d’humour, d’ironie ou de la franchise percutante que tu as tant souvent saluée. S’ils se font plutôt attaquer/juger par autrui, je sors les crocs bien acérés – au propre comme au figuré – et j’efface toute la douceur et la gentillesse qui tapissent mon visage pour me porter à leur défense. Même si j’apprivoise, non sans difficulté, l’idée selon laquelle on ne peut attendre des autres ce que l’on fait nous-mêmes, j’accepte mal que tu aies des sentiments pour un homme qui trouve les gays répugnants, qui se complait dans ses préjugés et qui ne semble pas près d’évoluer.

Tu me répondras peut-être que je ne peux pas résumer ton amoureux à son homophobie, comme je refuse qu’on me résume à mon homosexualité. Tu aurais en partie raison. Puisque j’ai ton bonheur à cœur, j’ai bien vu que vous aviez une complicité du tonnerre et qu’il accueillait ta personne, dans ses beaux et ses moins beaux côtés, avec une ouverture qui fait défaut à bien des amoureux. Toutefois, lorsque tu évoques vos projets de couple, une future maison et d’éventuels enfants, je n’arrive pas à taire certaines interrogations. Veux-tu vraiment qu’un tel homme ait une influence sur ta progéniture? Aussi attentionné, généreux et gentil soit-il avec eux, seras-tu en paix avec l’idée que tes petits soient témoins des malaises de leur papa face aux homosexuels qu’il croise sur la rue ou qu’il aperçoit à la télé? Resteras-tu indifférente en voyant que tes rejetons développent des comportements ne serait-ce que légèrement homophobes?

Trouves-tu que je m’emballe? Te dis-tu, en ton for intérieur, que je suis tellement intransigeant que c’est notre amitié qui devrait être remise en question? Si c’est le cas, je te demanderai seulement d’envisager comment tu te sentirais si mon amoureux entretenait une haine des femmes ou qu’il perpétuait des idéaux racistes? Parce que pour moi, tout ce qui ressemble à du rejet et à des préjugés face aux gays, aux minorités visibles et aux représentantes de la gent féminine, c’est du pareil au même. »

Pour conclure, l’auteur espère que la relation de son amie avec cet homme, puisse le sensibiliser et permettre une ouverture, bien plus que de les voir rompre par principe, laissant ensuite mijoter l’individu dans son intolérance.

« Toutefois, si les années passent et que ton amoureux ne change pas d’un iota son rapport à la communauté LGBT, de mon côté, je n’arrêterai pas de te répéter que tu peux trouver mieux. À toi de choisir ce que tu peux accepter… »

Joëlle Berthout
stophomophobie.org

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