Le Malin rôde au Vatican

À quatre jours du départ de Benoît XVI, un nouveau scandale secoue Rome. Le rapport mettant au jour un “lobby gay” au Saint-Siège a-t-il poussé le pape à renoncer?

“Le Malin veut toujours salir la création de Dieu.” Ainsi parlait Benoît XVI. Samedi, le Saint-Père a achevé ses exercices spirituels de carême par une adresse aux cardinaux. Joseph Ratzinger a rappelé aux prélats que “le Malin veut toujours salir la création de Dieu” par “le mal de ce monde, la souffrance et la corruption”. Difficile de ne pas y voir une allusion aux derniers soupçons de scandale qui pèsent sur le Vatican, à J -5 de la renonciation officielle du pape. Depuis l’annonce surprise de sa démission, à chacune de ses apparitions publiques, Benoît XVI dénonce les péchés des serviteurs de Dieu. “Le visage de l’Église est défiguré. Je pense en particulier aux fautes contre l’unité de l’Église, aux divisions dans le corps ecclésial”, a-t-il déclaré au cours de la messe d’entrée en carême.

Comment encore ne pas lire le message subliminal qu’il souhaite adresser au monde? Le message d’un homme qui ne peut plus supporter les querelles intestines de sa curie, les rumeurs, les scandales. Scandales qui le poursuivent jusqu’aux derniers jours de son pontificat. Vendredi, le quotidien La Repubblica a révélé dans une enquête l’existence d’un réseau homosexuel au Vatican. Fait déjà évoqué en début de semaine dans Panorama, un journal de droite cette fois-ci. La journaliste Concita De Gregorio, enquêtrice jugée sérieuse par ses pairs, va jusqu’à avancer la thèse d’un “lobby homosexuel” pour expliquer la démission du pape Benoît XVI. Ce serait l’ultime épisode de l’affaire du “Vatileaks”. Et le début d’un nouveau thriller palpitant au Vatican, avec pour décor un conclave, et tous les ingrédients du genre : sexe, pouvoir et argent.
L’Opus Dei à l’origine des infos aux journaux?

On pensait l’affaire des fuites des documents secrets du Vatican bouclée avec la condamnation le 6 octobre du majordome Paolo Gabriele à un an et demi de prison puis sa grâce par Benoît XVI, le 22 décembre. C’était sans compter sur la remise d’un rapport de 600 pages, le 17 décembre, rédigé par les trois cardinaux que le pape avait missionnés pour découvrir l’origine des fuites du “Vatileaks”, Juan Herranz, Josef Tomko et Salvatore De Giorgi. Selon la presse italienne, au cours de cette audience de décembre, les enquêteurs font un résumé oral au pape. Et ils évoquent l’existence dans les rangs de la curie de factions, dont un très influent lobby gay. Des lieux de rencontres homosexuelles fréquentés par des ecclésiastiques sont signalés. Une villa en dehors de Rome, un sauna dans le Quarto Miglio de la capitale, un centre esthétique, une résidence universitaire où un archevêque italien l’habitude de venir en villégiature romaine. Devant ce déballage, Benoît XVI aurait pris conscience de son impuissance face à une curie en pleine déliquescence.

Le Vatican a démenti samedi ces allégations y voyant des “pressions inacceptables” sur les cardinaux appelés bientôt à élire le successeur de Benoît XVI. Pour le père Lombardi, porte-parole du Vatican, “certains cherchent à profiter du mouvement de surprise et de désorientation” après la démission historique annoncée par le pape, “pour semer la confusion et jeter le discrédit sur l’Église et son gouvernement”. Pour étayer sa thèse, la journaliste évoque plusieurs scandales homosexuels au Saint-Siège. En 2007, Mgr Tommaso Stenico avait été pris au piège par des journalistes télé de La 7 en racontant avoir eu des relations sexuelles avec des hommes. Elle fait aussi allusion au scandale de prostitution gay dans lequel était impliqué en 2010 un choriste de la basilique Saint-Pierre soupçonné d’avoir fourni des partenaires sexuels masculins à Angelo Balducci, laïc, membre de la confrérie pontificale des Gentilshommes de Sa Sainteté.
“Certains monsignori vont le soir dans des parcs romains…”

“Nous savons que certains monsignori vont le soir dans des parcs romains connus pour être des lieux de rencontres pour homosexuels”, confie du bout des lèvres un vaticaniste. Pour Gianluigi Nuzzi, journaliste à qui Paolo Gabriele avait remis les documents secrets du Vatican, il existe bel et bien un groupe influent de prélats homosexuels dans la curie romaine. “Dans les lettres que j’avais eues signées de Mgr Vigano, chargé de la gestion du patrimoine du Vatican avant d’avoir été écarté de Rome pour la fonction de nonce apostolique de Washington en 2011, il y était déjà fait mention de lobby gay.” Pour un vaticaniste qui souhaite garder l’anonymat, il est clair que la journaliste de La Repubblica a eu de “très bons tuyaux, certainement de la part de l’Opus Dei, dont le cardinal Herranz est un membre éminent. Cela ressemble bien aux méthodes de l’Opus Dei de refiler des infos à des journaux sérieux.” Ce même vaticaniste s’étonne du fait que Mgr Ettore Balestrero, jusqu’à présent sous-secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les États, ait été nommé vendredi nonce apostolique en Colombie. “Ce numéro 2 de la diplomatie vaticane sait visiblement des choses, fait-il partie du fameux lobby? Fait-il lui-même l’objet d’un chantage?”

source:lejdd.fr