Le Conseil d’État a tranché : la SNCF ne peut plus imposer à ses clients de renseigner leur civilité, « Monsieur » ou « Madame », lors de l’achat de billets sur sa plateforme en ligne. Saisie par notre partenaire, Mousse, la plus haute juridiction administrative française a jugé cette exigence contraire au droit européen en matière de protection des données personnelles.
Dans une décision rendue publique le 31 juillet, le Conseil d’État s’aligne sur un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en date du 9 janvier. Cette dernière rappelait que la collecte d’une information liée au genre n’est légitime que si elle est strictement nécessaire à la fourniture d’un service. Or, en l’espèce, la SNCF se contentait de justifier cette demande par un souci de personnalisation de la communication commerciale.
Un usage jugé excessif
Pour les juges, cette finalité est insuffisante au regard du principe de minimisation des données, un pilier du règlement général sur la protection des données (RGPD). « L’obligation faite aux clients d’indiquer leur civilité va au-delà des limites du strict nécessaire », écrit le Conseil d’État, qui condamne l’État à verser 3 000 euros à Mousse.
Si certains services de transport, tels que les compartiments couchettes pour femmes seules, peuvent justifier une prise en compte du sexe, cela ne saurait s’étendre à l’ensemble des services proposés. En clair : pas de généralisation abusive au nom d’un intérêt commercial.
Une avancée pour les droits des personnes trans et non-binaires
Pour Mousse, cette victoire marque un tournant symbolique autant que juridique. « Derrière la civilité imposée se cachent des mécanismes d’exclusion bien réels », souligne Me Étienne Deshoulières, avocat de l’association. « Quand une personne non-binaire ne peut se reconnaître ni dans ‘Monsieur’ ni dans ‘Madame’, la plateforme devient un obstacle, et parfois un stigmate. »
Du côté de SNCF Connect, la plateforme indique avoir mis fin à cette exigence dès mai 2025. « Nous nous conformons aux demandes des opérateurs de transport », précise-t-elle dans une déclaration transmise à l’AFP. Une réponse que les associations jugent insuffisante, appelant l’ensemble des opérateurs à revoir leurs pratiques et à intégrer dès la conception de leurs outils les principes d’inclusivité et de respect des identités de genre.
Le rôle des associations dans l’édification du droit
Cette affaire souligne une fois de plus le rôle structurant que jouent les associations LGBT+ dans la défense des libertés fondamentales. Face aux inerties institutionnelles, c’est souvent par la voie des tribunaux que les droits des personnes LGBT+ progressent.
Cette décision s’ajoute aux victoires obtenues ces dernières années contre la surcollecte d’informations genrées dans l’administration, la santé ou encore l’éducation. Elle rappelle qu’en matière de libertés individuelles, le détail n’est jamais anodin, et que derrière une simple case à cocher, se jouent parfois la reconnaissance et la dignité.

















