Exclu Gala – Alex Goude : « Avec Romain, on aime­rait un second enfant »

Du centre-ville truffé de casi­nos, il faut quinze minutes pour arri­ver devant la maison du trublion de M6 située dans un coquet lotis­se­ment de Las Vegas. Deux voitures, dont une imma­tri­cu­lée au nom de son chien, une piscine entou­rée de palmiers fichés sous le soleil de plomb de la ville, deux chambres d’amis et un écran de télé­vi­sion géant exté­rieur signent l’abou­tis­se­ment du rêve améri­cain d’Alex Goude.

famille-goudeVoici deux ans qu’il s’est installé à Las Vegas et prend l’avion pour tour­ner ses émis­sions en France. Dans un tran­sat, son fils Elliot, trois mois. Un tableau ordi­naire, sauf qu’El­liot a la parti­cu­la­rité d’avoir deux papas. Alex est marié à Romain, trente ans, et l’en­fant du couple est né par gesta­tion pour autrui. Cette démarche, inter­dite en France, pousse plus loin le débat autour des droits des homo­sexuels. Que penser de ce tableau de famille 2.0, homo­pa­ren­tal, qui oscille entre conte de fées contem­po­rain et étran­geté assu­mée ? Lorsque la nais­sance s’af­fran­chit des lois de la nature, que reste-t-il de nos repères ? L’ani­ma­teur livre ses convic­tions. 

Gala : Pourquoi choi­sir, aujourd’­hui, de parler de votre vie privée ?

Alex Goude : Pour fêter les deux ans du mariage homo­sexuel léga­lisé en avril 2013. Et puis, je suis très heureux, alors ça donne envie de faire bouger les menta­li­tés. Mon mari et moi sommes venus vivre à Las Vegas pour être libres d’avoir l’en­fant que nous n’au­rions pas pu avoir en France. À Paris, on a parfois l’im­pres­sion qu’il ne faut être ni juif ni noir, ni arabe ni homo­sexuel. Je ne supporte plus le refus de l’autre. J’en ai assez qu’on dise à Romain de féli­ci­ter sa femme pour la nais­sance. Moi-même je devrais me taire. Eh bien non. Je le reven­dique : nous sommes deux hommes, nous avons fait un enfant et ça se passe bien.

Gala : S’as­su­mer et s’y tenir, c’est un long chemi­ne­ment ?  

A. G. : On n’ima­gine pas à quel point. Jusqu’à vingt-cinq ans, je pensais que j’étais hété­ro­sexuel,  j’avais du succès avec les filles, je devais me fian­cer, avoir des enfants comme tout le monde. Puis tout a basculé.

Gala : Vous avez réalisé que ce ne serait pas votre destin ?

A. G. : Oui, j’ai pris des cours de théâtre et à force d’en­dos­ser des person­na­li­tés diffé­rentes, je me suis libéré. Un jour, j’ai embrassé un homme. Le lende­main, j’ai pleuré toute la jour­née, sous le choc. L’his­toire d’amour a duré six mois. J’ai à nouveau aimé des femmes et puis fina­le­ment mon choix s’est à nouveau porté sur un homme.

Gala : Vous l’avez annoncé à vos parents ?

A. G. : Mon père était tombé dans l’al­cool. On ne se parlait plus (le père d’Alex est décédé des suites de son alcoo­lisme). Pour ma mère, qui m’avait connu hétéro, c’était dur à imagi­ner. J’étais son fils unique, elle a pensé qu’elle ne serait jamais grand-mère. Aujourd’­hui elle est heureuse, la vraie ‘Lady Gaga‘, c’est elle.

Gala : Le grand public, lui, n’en a jamais rien su…

A. G. : Ma chaine, M6, en tout cas, est au courant et assume. Je n’au­rais jamais parlé de ma vie privée si je ne rece­vais pas sans arrêt, via les réseaux sociaux, des témoi­gnages de jeunes gays déses­pé­rés.

Gala : Vous les écou­tez?

A. G. : Mieux: je leur réponds. L’ho­mo­sexua­lité est encore lour­de­ment stig­ma­ti­sée. En Espagne en 2005 ou au Portu­gal en 2010, la léga­li­sa­tion du mariage est passée en douceur. En France, le débat a été instru­men­ta­lisé. Les gens sont sortis défi­ler en assu­mant leur homo­pho­bie. A ce moment, des adoles­cents me disaient « mes parents me forcent à mili­ter avec eux, ils ne savent pas que je suis homo ». C’était choquant. Qu’est-ce que les parents d’un enfant de six ans qu’on emmène défi­ler savent de la voie qu’il emprun­tera plus tard? Si je peux montrer qu’on réus­sit à fonder une famille malgré tout, alors je le fais.

Gala : Votre enfant est né d’une mère porteuse. Vous auriez pour­tant pu recou­rir à l’adop­tion…

A.G. : En tant que céli­ba­taire oui, mais pas en tant que couple. Pour être en mesure d’adop­ter, en France, aujourd’­hui, on doit taire son homo­sexua­lité. Je n’avais pas envie de mentir. Et puis c’est vrai que Romain et moi, rêvions d’un lien du sang.

Gala : Vous aviez des exemples autour de vous ?

A.G. : Bien sûr. Au sein du show­biz français, nous ne sommes pas les seuls à avoir eu recours à la gesta­tion pour autrui, mais le sujet est tabou. D’au­tant qu’on doit partir à l’étran­ger pour le faire. Aux États-Unis, où la gesta­tion pour autrui (GPA) est légale, les profes­sion­nels ont plus de vingt-cinq ans de recul sur le sujet. Et les enfants, une fois adultes, vont bien. Nous avons fait appel à une agence sérieuse.

Gala : Pour bien comprendre, quel est le proto­cole à suivre ?

A.G. : On l’a débuté avant même de se marier, en mars 2013. D’abord, il faut répondre à des ques­tions sur son couple avec un psy, une démarche que jamais aucun parent biolo­gique n’a évidem­ment à subir pour mettre au monde un enfant. Puis s’in­for­mer des impli­ca­tions psycho­lo­giques qui sont assez complexes, c’est vrai. Il faut être très clair : deux hommes ne peuvent pas faire un enfant. Le tiers, c’est la mère, et on doit respec­ter son rôle. On choi­sit alors une donneuse d’ovule, et une mère porteuse, qui est une personne diffé­rente de la donneuse d’ovule.

Gala : A ce moment, quels ont été vos critères de choix?

A. G. : Romain et moi avons choisi la donneuse qui parais­sait le mieux dans sa peau. Ensuite, nous avons aussi choisi, par goût, une personne aux yeux bleus (ndlr : Elliot a les yeux clairs) comme plusieurs personnes de nos familles respec­tives. C’est une jeune femme qui travaille dans la mode, une yuppie, qui a déjà donné ses ovules à deux autres couples. Elle est dans une démarche altruiste.

Gala : Mais la mère porteuse, elle fait ça pour l’argent, non? 

A. G. : Le recours à la GPA pour un couple coûte très cher, mais dans tout le proces­sus, celle qui touche le moins d’argent, c’est la mère porteuse. Elle gagne moins que l’avo­cat, le méde­cin ou l’agence. La nôtre est noire – déjà maman parce que c’est la condi­tion pour porter le bébé d’un autre – et suit des études de psy. Elle avait déjà porté un enfant pour un autre couple. Nous sommes deve­nus amis après avoir commu­niqué avec elle par Skype tout le temps de la gros­sesse. D’après les psys, l’enfant, plus tard, est moins atta­ché à la donneuse d’ovule qu’à la mère porteuse. Cette dernière nous a déjà dit qu’elle voudrait porter notre deuxième enfant. Je comprends le débat autour de la marchan­di­sa­tion des corps, mais dans les faits, ça ne se passe pas comme ça.

Gala : Comment vos voisins prennent-ils votre famille atypique?

A. G. : Sans préju­gés. On se reçoit les uns les autres pour des barbe­cues. Et nous veillons à garder des réfé­rents fémi­nins avec ma mère, celle de Romain, ma tante et sa fille, qui habitent près de chez nous à Las Vegas.

Gala : Comment envi­sa­gez-vous la suite ?

A.G. : On n’a pas voulu savoir si Elliot est mon fils ou celui de Romain. Mais on aime­rait avoir un second enfant et qu’il soit de l’autre papa, c’est ce qu’on a demandé au méde­cin.

Gala : Vous n’avez pas l’im­pres­sion de propo­ser une sorte de monde virtuel, de labo­ra­toire expé­ri­men­tal ?

A.G. : Ecou­tez, pour être clair, quand on est là en train de se tripo­ter devant une éprou­vette pour avoir un bébé alors que c’est tout simple pour les hété­ros, bien sûr, on voit bien que ce n’est pas natu­rel. Mais dans 99% des cas, les psys disent que ce que l’en­fant retient, in fine, c’est la volonté farouche qu’ont eue ses parents de l’avoir.

Gala