En Inde, portrait du prince militant Manvendra Singh Gohil à l’avant-garde du combat contre le sida

Lorsqu’il a fait son coming-out public en 2006, ce descendant d’un clan royal guerrier dans le très conservateur Etat du Gujarat (ouest) s’est heurté à l’hostilité de sa famille, qui l’a répudié.

Désormais âgé de 51 ans, Manvendra Singh Gohil porte son identité sexuelle comme une marque de fierté et se sert de son statut royal comme de sa célébrité pour éduquer et sensibiliser la communauté LGBT en Inde, notamment concernant leurs droits dans ce pays de 1,2 milliard d’habitants où l’homosexualité reste pénalisée, en théorie même passible de la prison à vie.

« Les gens disent que l’homosexualité fait partie de la culture occidentale. C’est complètement faux. C’est l’hypocrisie de notre société que de refuser de voir la vérité», déclare le prince à l’AFP, prenant en exemple le Kamasutra ou les sculptures homo-érotiques qui ornent certains anciens temples hindous. « Cela m’a motivé à me dévoiler et à lancer au monde : Je suis gay et alors ? J’en suis fier ! »

Depuis, M. Gohil participe à la campagne contre une loi datant de l’ère coloniale qui pénalise les actes homosexuels en Inde et contribue selon lui à la propagation du sida.

Avec une densité de population très forte, un faible niveau d’alphabétisation et, par conséquent, un faible niveau de sensibilisation, le VIH/SIDA est l’un des problèmes les plus difficiles de santé publique jamais connue par le pays ultraconservateur.

« Les gens ont des rapports sexuels dans la peur et ne prennent pas les mesures pour se protéger », dit-il, affirmant que le travail de sa fondation Lakshya en faveur de rapports sexuels protégés se heurte à l’obstruction constante des forces de police.

A l’époque où les militants de cette fondation ont commencé leur action, au début des années 2000, « nous placions des paquets de préservatifs dans les toilettes publiques, et en pendions même aux arbres dans les parcs publics car nous ne voulions pas que (les gays) arrêtent d’avoir des relations dans les toilettes ou dans les parcs ».

Les rapports homosexuels ont été décriminalisés dans les faits lorsque la Haute Cour de Delhi a estimé en 2009 que leur interdiction constituait une atteinte aux libertés fondamentales.

Mais ce jugement a été annulé en 2013 par la Cour suprême : la plus haute instance judiciaire du pays a considéré qu’il revenait aux élus, et non aux juges, d’amender cette loi de 1861.

Les poursuites judiciaires pour homosexualité sont de toute façon rares. Mais la communauté gay se plaint d’être l’objet de discriminations et de harcèlement de la part de la police.

Les employés de la fondation sont eux aussi pris pour cibles. Même un contrat avec le gouvernement pour distribuer des préservatifs ne suffit pas à les protéger, selon M. Gohil.

« Ils ont dit que nous propagions l’homosexualité », relate-t-il. « Certains de nos employés ont été arrêtés et emmenés au poste, où les policiers eux-mêmes les ont forcés à des rapports sexuels avec eux sans préservatifs ». Ces employés ont porté plainte et un magistrat a été saisi du dossier.

L’Inde est le troisième pays au monde en nombre de personnes contaminées par le virus du sida, selon les Nations unies. Le pays comptait 2,1 millions de séropositifs en 2015, même si la propagation du virus ralentissait.

Signe positif : deux projets de loi destinés à mettre fin aux discriminations envers les personnes trans et les séropositifs sont actuellement discutés au Parlement indien.

Mais certains des partisans du texte concernant les transgenres en dénoncent une clause qui forcerait les gens à déterminer leur sexe. Une disposition contraire selon eux à une décision de la Cour suprême qui autorise chacun à « s’auto-identifier » comme transgenre.

« C’est une situation compliquée, concède Manvendra Singh Gohil. Je n’en veux pas à un parti en particulier. Ce n’est pas le parti mais ses membres qui sont soit homophobes soit favorables aux homosexuels ».

« Notre devoir est de les éduquer car ils sont ignorants », ajoute-t-il.