Agression d’un jeune gay à Saint-Tite (Québec) : la défense conteste la thèse de l’homophobie

En septembre dernier, Mathieu, jeune homosexuel de 21 ans, se faisait tabasser à coup de bouteille de bière au Festival western de Saint-Tite au Québec. Il marchait dans la rue avec sa soeur, lorsque derrière eux, deux hommes éméchés qui les suivaient, ont sifflé à plusieurs reprises la jeune femme. Mathieu s’est retourné une première fois pour exprimer son mécontentement, en avouant qu’il trouvait l’étranger à son goût, avant de continuer le chemin : 

« J’ai dit au gars qu’il était crissement chaud. Je voulais dire que je le trouvais bien beau, mais lui a compris qu’il était saoul. Là, la provocation a monté. Sachant que je le trouvais beau, le gars a trouvé ça dégueu. Je l’ai entendu dire ”ark”, mais avec ma soeur nous avons continué à marcher, pour nous c’était fini. Mais là le gars a vidé sa bouteille de bière et m’a traité de criss de fif. Je me suis retourné et il m’a envoyé un gros coup de bouteille dans la face. Il s’est acharné et trouvait ça bien drôle », avait expliqué le jeune homme au lendemain de son agression. Il s’en était tiré avec un coquard, des ecchymoses et une commotion cérébrale qui ne devrait pas cependant laisser de trace.

Agression homophobe à Saint-TiteQuelques jours plus tard, identifié par les victimes, un premier suspect, un certain Jérémie Roy, boxeur amateur bien connu pour d’autres infractions commises dans la région de Chibougamau, était interpelé par les policiers de la Sûreté du Québec. Mais, rebondissement dans l’affaire, l’homophobie ne serait pas du tout à l’origine de l’agression : Le père du prévenu serait en effet lui-même « homosexuel ». C’est ce qu’a annoncé, mercredi, son avocat Me Alain Blanchard, au palais de justice de Shawinigan : « J’ai eu une bonne discussion avec mon client sur le caractère homophobe qu’on reproche à cet événement. Il m’a assuré clairement que cela n’avait rien à voir et d’ailleurs, il m’a appris que son père était homosexuel depuis 11 ou 12 ans ».

Jérémie Roy lui aurait également confié que l’homosexualité n’avait jamais été un problème pour lui. « Il n’a aucun ressentiment ou rancœur à l’encontre des gens qui ont une orientation sexuelle différente de la sienne ». L’enquête sur détention de Jérémie Roy, qui devait avoir lieu mercredi, a d’ailleurs été reportée à lundi prochain pour permettre à son père de se présenter devant le tribunal pour plaider en sa faveur.

Le jeune homme fait face à des accusations de voies de fait armé et voies de fait causant des lésions. À ce sujet, Me Blanchard a invoqué l’ambiance qui règne au Festival western : « On sait tous comment ça fonctionne… Les gens consomment de la boisson, se promènent sur la voie publique. Quelquefois, les esprits s’échauffent rapidement mais mon client m’a confirmé que cela n’a rien à voir avec l’homophobie », a-t-il répété.  Il entend d’ailleurs procéder à l’enquête sur caution pour tenter de faire libérer son client.

Rappelons que la victime a toujours affirmé que les coups avaient été portés après que le suspect l’eut insulté sur son orientation sexuelle en le traitant de « fif ». Mais si jusque là Mathieu n’avait pas manifesté de colère envers son agresseur, ses sentiments ont changé :

« Je le savais depuis quelques jours que le père de Jérémie Roy était homosexuel à la suite de discussions avec ses proches sur les réseaux sociaux. Quand j’ai appris la nouvelle, je suis d’ailleurs parti à rire. Pour moi, c’est le bout du bout ! Ce gars-là a, selon moi, de la misère à accepter l’homosexualité de son père et c’est moi qui ai mangé la claque pour ça. C’est de la non-acceptation », a-t-il affirmé au site lapresse.ca. « Je suis fâché. Je pense que je lui en veux. La façon dont il m’a regardé dans le box des accusés lundi n’a pas aidé non plus. Je souhaite que justice soit rendue ».

Mathieu avoue également avoir été très bouleversé lorsqu’il a revu le visage du suspect : « C’était important pour moi mais en même temps… J’ai failli péter une crise d’angoisse. J’ai aussi revu les images de l’agression. J’ai de la peine, de la colère et de la peur », a-t-il conclu, tout en invitant les LGBT à dénoncer tous les actes de violence dont ils sont victimes. Soulignant qu’un soutien était utile pour s’en sortir, et qu’il ne fallait pas hésiter « à chercher les ressources nécessaires pour les aider. »

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