Guerre en Ukraine : le VIH explose dans l’armée russe, entre déni d’État et homophobie

La Russie affronte une crise sanitaire, largement passée sous silence, avec la propagation rapide du VIH, particulièrement dans les rangs de son armée engagée en Ukraine. Selon le Moscow Times, les nouveaux cas ont été multipliés par plus de quarante dès la première année de guerre, tandis que l’institut Carnegie Politika évoque un bond de 2 000 %.

Avant 2022, la Russie enregistrait déjà l’une des progressions les plus rapides au monde. L’Organisation mondiale de la santé considère qu’une épidémie est « généralisée » dès lors que plus de 1 % des femmes enceintes testées sont séropositives. Ce seuil est franchi dans 14 régions russes, selon la plateforme de données ouvertes Tochno.st.

Derrière les chiffres, une réalité crue : transfusions à risque, rapports sexuels non protégés, usage de drogues, matériel médical réutilisé. La guerre crée un terrain idéal pour la propagation du virus, tandis que le système de santé russe s’effondre, privé de médicaments et de médecins partis en exil.

Prisonniers enrôlés en échange de soins

Officiellement, le VIH demeure un motif d’inaptitude au service militaire. Mais la nécessité de maintenir les effectifs semble avoir relégué cette règle au second plan. Selon le New York Times, des détenus séropositifs se sont vu promettre des traitements antirétroviraux vitaux en échange de leur enrôlement sur le front. En avril 2023, le quotidien estimait qu’un prisonnier recruté sur cinq était concerné.

« C’est une forme de chantage sanitaire », analyse Carole Grimaud, spécialiste de la Russie. « Le Kremlin utilise la dépendance aux médicaments pour pousser des hommes à aller combattre. »

Santé publique sacrifiée

La crise s’explique aussi par un effondrement des dispositifs de prévention. Moins de la moitié des personnes vivant avec le VIH en Russie auraient aujourd’hui accès à un traitement. Les sanctions internationales compliquent l’importation d’antiviraux, tandis que des milliers de médecins ont quitté le pays depuis 2022.

Dans le même temps, la répression des ONG s’est intensifiée. L’Elton John AIDS Foundation, active dans la prévention et l’accompagnement des personnes vulnérables, a été déclarée « organisation indésirable » en avril 2025. Comme d’autres structures, elle a dû cesser ses activités en Russie.

Homophobie d’État et silence officiel

Le tabou entourant le VIH se double d’une politique de stigmatisation des minorités. Les lois adoptées depuis 2013 contre la « propagande LGBT » ont annihilé l’éducation sexuelle dans les écoles et criminalisé les campagnes de prévention visant les populations les plus exposées.

« L’épidémie de VIH n’était déjà pas une priorité avant la guerre. Elle l’est encore moins aujourd’hui », déplore le sociologue Iskender Yasaveyev, qui pointe la peur du diagnostic et le retard au traitement par crainte d’être identifié.