Témoignage : Moi, Nikki, 13 ans, née Niko

Maman, je suis une fille. » Dès qu’il fut capable de faire des phrases, Niko informa sa mère qu’elle se méprenait sur son identité. Ce petit Californien avait alors 2 ans. Ses parents se disaient que ça lui passerait. A la maternelle, pourtant, Niko se plaignait toujours de ce corps dont il voulait obstinément voir certaines parties « disparaître ». « Dieu t’a fait garçon », admonestait sa grand-mère. « Dieu s’est trompé », répondait-il.

Nikki est née dans un corps de garçonA peine rentré de l’école, il enfilait les robes de fée de sa grande soeur, refusant de s’en défaire jusqu’à l’heure du coucher. Cette éphémère double vie prit fin un matin de février 2012, quand Niko, entouré par une garde rapprochée de copines acquises à sa cause, fut accueilli par sa classe de CM2 comme la fille qu’il disait avoir toujours été : Nikki.

« Ils ont été capables de mettre leur ego de côté pour l’entendre et l’aider. Ils ont su faire le deuil de leur enfant idéal. Il y a là une leçon universelle. »

Quand, l’an dernier, le magazine américain People lui a proposé de rencontrer Nikki pour raconter son histoire en images et en vidéo, la photographe new-yorkaise Gillian Laub venait juste de devenir mère. « Je ne savais pas grand-chose sur les enfants transgenres, mais je me suis immédiatement identifiée aux parents, dit-elle. Faut-il céder aux demandes d’un enfant si jeune, au risque de l’influencer ? C’est une question passionnante. »

Moi, Nikki, 13 ans, née Niko La grand-mère de Nikki (à gauche) a d’abord eu du mal à concevoir que son petit-fils puisse se considérer comme une fille.

Marci et Barry, ses parents, de même que sa soeur Chloe (à droite), acceptent cet enfant transgenre tel qu’il est.
C’est loin d’être toujours le cas : aux Etats-Unis, près d’une personne transgenre sur deux tente de se suicider avant l’âge de 20 ans.

« DYSPHORIE DU GENRE »

Pendant quatre jours, la photographe s’est immergée dans la vie de cette famille californienne pour saisir Nikki dans son quotidien : sur les pointes pendant son cours de danse classique, en robe virevoltante dans le jardin, sur un lit aux draps roses avec ses amies. D’après Gillian Laub, c’est à Marci et Barry, ses parents, que cette préado pas comme les autres doit aujourd’hui d’être si bien dans sa peau. « Ils ont été capables de mettre leur ego de côté pour l’entendre et l’aider. Ils ont su faire le deuil de leur enfant idéal. Il y a là une leçon universelle. Pour moi, ce sont des parents modèles. »

Tous les enfants transgenres n’ont pas cette chance. Les études américaines les plus récentes estiment que 40 à 50 % d’entre eux font au moins une tentative de suicide avant leur vingtième anniversaire, un risque aggravé par l’incompréhension de l’entourage et l’épreuve de la puberté. Comme un nombre croissant d’adolescents souffrant de « dysphorie du genre », pour reprendre la nouvelle terminologie en vigueur aux Etats-Unis, Nikki suit un traitement retardateur de puberté prescrit par un endocrinologue.

« ELLE N’EST PAS OBLIGÉE DE VIVRE UN MENSONGE »

Désormais remboursés par certaines compagnies d’assurance maladie, ces médicaments aux effets réversibles épargnent aux jeunes patients l’apparition désespérante des caractères sexuels secondaires de leur genre biologique (mue de la voix, pomme d’Adam) et permettent aux familles de gagner du temps. A 18 ans, Nikki pourra choisir entre redevenir un garçon ou prendre des hormones pour féminiser son corps prépubère. « En attendant, elle n’est pas obligée de vivre un mensonge », estime Gillian Laub, qui réalise aujourd’hui un documentaire sur les personnes transgenres dans l’armée américaine. « Tous mes interlocuteurs affirment qu’ils auraient aimé pouvoir faire leur transition plus tôt. Comme Nikki. »