Loi Mariage pour tous : Le TGI de Nancy ne sait pas comment rédiger les jugements d’adoption

Géraldine et Hélène s’aiment depuis 10 ans. Sont parents d’Elioth, né en septembre 2007 et de Yaelle, née en juillet 2010. Un projet familial construit à deux. La vie pourrait être parfaite pour cette petite tribu domiciliée à Saint-Nicolas-de-Port… Une ombre pèse cependant sur leur bonheur : seule Géraldine, la mère biologique des deux enfants en a l’autorité parentale.

Hélène, elle, n’a que son amour à leur offrir… En dépit des démarches faites dans le cadre de la loi issue du mariage pour tous.

« Au cas où il m’arrive quelque chose, elle n’a plus aucun droit légal sur eux », s’inquiète Géraldine. « Un conseil de famille déciderait de leur avenir ». L’entente est au beau fixe entre leurs proches, elles n’ont aucune raison objective de douter de cette harmonie mais aimeraient cependant clarifier la situation. D’autant qu’au quotidien, c’est parfois un peu compliqué administrativement.

Chef de famille pour l’administration fiscale

« Confier les enfants aux parents d’Hélène nécessite à chaque fois que je laisse des attestations d’autorisation d’hospitalisation par exemple ». D’autant plus agaçant que fiscalement, le couple pacsé avant d’être marié en mai 2014, est considéré comme tel depuis des années. Les impôts ont même bombardé Hélène, chef de famille. Au prétexte que les revenus de l’orthophoniste sont supérieurs à ceux de Géraldine, fonctionnaire de police. « Mais je suis chef de famille de rien », ironise Hélène.

Au lendemain de leur union, en mairie de Saint-Nicolas-de-Port, Géraldine a établi un consentement d’adoption chez le notaire. Puis elles ont saisi Me Tonti-Bernard pour déposer une demande en adoption plénière au TGI de Nancy…

Une requête qui sommeille tranquillement depuis septembre 2014 quelque part dans les dédales de la cité judiciaire… « Nous n’avons jamais obtenu de date d’audience. Alors que conformément à la procédure, cette date doit être fixée lors du dépôt de la requête », détaille Hélène. Le 14 avril, elle interpellait le président du TGI Roland Esch, pour lui faire part de son, étonnement et de sa lassitude. Par retour du courrier, celui-ci lui expliquait que ce statu quo était de son fait.

« En cours de règlement »

« Tous les dossiers relatifs à une adoption dans le cadre de la nouvelle législation dite mariage pour tous sont en attente à ma demande. En effet, le premier dossier traité et envoyé à l’officier d’état civil compétent pour transcription a été rejeté au motif d’un visa erroné des articles du code civil. Nous avons dû réécrire une trame et nous attendons l’accord de l’état civil […] Je vous remercie de patienter encore un peu », répondait le « patron » du tribunal. En clair, le TGI de Nancy ne sait pas comment rédiger le jugement d’adoption. Un argument irrecevable pour les jeunes femmes concernées. La situation de couples dépendant d’autres juridictions est régularisée depuis belle lurette, elle. « Pourquoi n’est-ce pas possible ici ? Il n’existe donc pas de texte unique ? Chaque TGI doit se débrouiller pour établir un modèle de transcription à sa sauce ? », s’agacent-elles.

« C’est ubuesque », opine leur conseil Me Nicolette Tonti-Bernard. D’autant incompréhensible que des modèles de décision, valides pour l’état civil, existent sur les sites des juridictions, tel celui de la cour d’appel de Paris par exemple. « Je leur en ai fourni », précise encore Me Tonti. Nancy pourrait facilement s’en inspirer.

Le président Esch n’a pas souhaité faire de commentaire sur le sujet. Il s’est borné à nous faire répondre que « l’affaire est en cours de règlement ». « Etonnant : je n’ai toujours aucune date d’audiencement. Pour aucun des dossiers que je représente », rétorque Me Tonti-Bernard.

Parmi ceux-là, le cas d’un autre couple dont le jugement d’adoption prononcé le 8 avril 2014 a été retoqué par l’état civil. Et qui attend donc depuis plus d’un an que le tribunal veuille bien rectifier son erreur pour enfin être reconnu dans son droit !

Valérie RICHARD