L’homophobie en Arménie motivée par un manque d’information et trop de « stéréotypes négatifs »

Si le pays a décriminalisé l’homosexualité depuis 2003, dans la société patriarcale arménienne qui prône les valeurs de la famille traditionnelle, les LGBT demeurent des personnes immorales, malades… constamment victimes d’actes criminels.

En mai 2012, un bar trop « friendly » de la capitale, Erevan, considéré comme un temple de perdition pour la communauté homosexuelle, était ainsi incendié une première fois, puis recouvert quelques jours plus tard de déjections et croix gammées par des inconnus, suscitant des réactions politiques tout à fait inattendues. Tandis que le Vice-président du Parlement Eduard Sharmazanov cautionnait d’une certaine façon les attaques, deux députés arméniens de la FRA-Dachnak (Fédération révolutionnaire arménienne Dachnaktsoutioun), Artsvik Minassian et Hrayr Karapetian, s’acquittaient de la caution de deux jeunes hommes de 19 et 20 ans, membres d’un groupuscule néo-nazi local et soupçonnés des attentats, pour les faire relâcher. Les parlementaires arguaient dans la presse qu’ils étaient convaincus que les accusés étaient « des gens ordinaires qui avaient agi, dans l’intérêt de nos idéaux sociaux et nationaux » et que la responsabilité incombait essentiellement à la propriétaire de l’établissement, Tsomak Oganesova, militante LGBT, qui avait annoncé sa participation aux festivités de la « Pride » en Turquie, l’ennemi historique.

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Certains membres de la communauté n’hésitent pourtant pas à s’affranchir.

Diana, une étudiante universitaire de 19 ans originaire d’Erevan, raconte ainsi à ArmeniaNow que beaucoup de gens dans son entourage sont au courant de son orientation sexuelle, d’où les « maltraitances à la fois dans son école et dans sa famille ».

« A 15 ans, j’ai commencé à éprouver un désir sexuel envers les femmes. Mais, si ma mère l’a plutôt mal pris », elle ne s’est pas non plus épanchée sur le propos, de façon à ce que l’information ne s’ébruite pas. La jeune femme, qui souhaite que son vrai nom ne soit pas mentionné, a pourtant été contrainte de vivre quelques semaines dans une résidence temporaire. « Ils m’ont expulsé de la maison mais quand ils ont réalisé que j’étais capable de survivre seule, ils m’ont rappelé pour me proposer un compromis ». Diana est persuadé que c’est le regard des autres qui influe sur les familles. « Ils m’acceptent, mais ont du mal avec ma sexualité. Je souhaite simplement qu’un jour, ils finissent par me comprendre. J’ai d’ailleurs remarqué quelques progrès récemment… »

Selon Erna Balasanyan, membre de l’association PINK Arménie, qui aborde les questions psychologiques, sociales et juridiques des personnes LGBT en Arménie depuis 2007, la majorité des personnes accompagnées sont victimes de conflits au sein même de leur famille, ainsi que dans les établissements d’enseignement et environnements professionnels. Des situations qui entraînent une perte d’estime et mènent inéluctablement au suicide, dans les cas plus extrêmes, comme le rapelle la psychologue Lilit Avetisyan, qui souligne que « la famille est un lieu où une personne doit se sentir en sécurité ». Mais par manque d’information et trop de préjugés véhiculés par la société, « les réactions sont plus souvent négatives… et la tendance serait de pencher dans la violence physique et psychologique. » Il n’y a aucune campagne de sensibilisation ou de prévention, notamment dans le système d’éducation actuel, pour contredire les stéréotypes.

Rappelons qu’en 2013, dans  l’ombre de la Russie, la police arménienne avait proposé un projet de loi controversé visant à interdire toute promotion publique des « relations sexuelles non traditionnelles ». Mais, considéré comme une tentative pour détourner l’attention du public de divers enjeux sociopolitiques dans le pays, face à la polémique et les préoccupations des groupes de défense des droits de l’homme, les autorités retiraient finalement le texte en raison de ses « lacunes », craignant également d’autres réactions de la part des gouvernements occidentaux. Les modifications au Code des infractions administratives envisageaient de lourdes amendes pour les personnes physiques et morales « propageant l’homosexualité ».

Terrence Katchadourian
stophomophobie.org