Estonie : des opposants à l’union civile contestent le projet de loi pour « raisons économiques »

Le président estonien Toomas Hendrik Ilves a promulgué en octobre 2014 la Loi sur la cohabitation, instaurant le régime d’union civile pour les couple de même sexe, avec la possibilité d’adopter sous certaines conditions. Mais son entrée en vigueur pour janvier 2016 demeure incertaine.

Si une majorité simple était suffisante pour adopter le texte, l’adoption des décrets d’application nécessite un vote à la majorité absolue du Riigikogu (parlement monocaméral), réuni en séance plénière. Déjà ajournée, certains députés nationalistes du Parti populaire conservateur, l’EKRE, viennent encore de déposer ce lundi un amendement au projet, fermement  décidés à rendre la tâche « aussi désagréable que possible » aux partisans de la mesure, accusés de vouloir faire passer le projet de loi « contre la volonté du peuple ». Ils considèrent que l’union civile est une ouverture de facto du mariage aux couples homosexuels, ce qu’ils refusent de cautionner.

« Si les décrets d’application ne parviennent pas à passer, les contribuables pourraient également avoir à régler la facture, pour un projet de loi qui va irrémédiablement engendrer des procédures judiciaires », a déclaré au quotidien estonien Postimees, Jaanus Karilaid, à l’origine de l’amendement en nullité. L’élu considère que « ce n’est pas aux contribuables de payer pour les erreurs du législateur », estimant dans le quotidien estonien, qu’il était nécessaire de reconsidérer le débat face aux « enjeux économiques ». Il souhaite que les électeurs votent en connaissance de cause.

D68E60A24A6FA38A92DCDF310922BE3CCFE0B3A8654CF5C7040E23191249DB7DLes sondages réalisés avant l’adoption du texte indiquaient qu’une majorité de la population était contre l’union civile mais que les moins de 35 ans se disaient favorables à la loi à 52%. Cette opposition s’explique, selon les sociologues, par une plus grande ouverture chez les jeunes, alors que les personnes plus âgées sont encore marquées par le discours soviétique à l’égard des minorités sexuelles. Les enquêtes font également ressortir une certaine opposition culturelle entre majorité estonienne et minorités russophones. Partisans et opposants se font face autour des définitions de la famille, de la place des homosexuels dans la société et de leurs droits à l’adoption.
Mais, plus largement, l’initiative parlementaire a fait ressortir en Estonie une opposition entre ceux qui promeuvent une Europe de l’égalité et ceux qui défendent une société traditionnelle conservatrice, révélant une homophobie certaine, au-delà des arguments culturels et religieux.

EA2FC46EE2A94119170A13158717AED9ED3B8771C0953ED44122E8E2A615E0BFUne pétition de quelque 6500 signatures a également été remise au Parlement, alors même que des partisans de la « Fondation pour la protection la famille et de la tradition » organisait une manifestation pour exprimer une nouvelle fois leur rejet de la loi. Cette organisation, créée en 2011 sous la coupe du mouvement mondial catholique « Tradition Famille Propriété », avait déjà remis en juin 2014 environ 35.000 lettres de contestation aux représentants des groupes parlementaires. Au cours de l’été, deux membres de sa direction ont parcouru l’Estonie « afin de sensibiliser la population aux dangers de la loi et aux mensonges des lobby LGBT », avec un grand rassemblement « Pour la défense de la famille et de la démocratie », organisée le 5 octobre 2014, à quelques jours justement du vote final du projet de loi, sans toutefois mobiliser massivement. Symboliquement il s’agissait du jour de « la grande manifestation organisée en France par la Manif pour Tous ».

Inspirations profondes, renouvelées donc cette semaine par « une trentaine de radicaux », pour dénoncer « la façon dont les partis de la coalition au pouvoir ignoreraient la voix de dizaines de milliers de gens, qui sont contre l’égalité pour les couples de même sexe ».

Le débat se poursuit donc au-delà du vote parlementaire et rien n’indique que les premières unions civiles seront signées en janvier 2016.

Valentine Monceau
stophomophobie.org