Le monde à part et dangereux des homosexuel-le-s au Yémen

>> On pensait les avancées mentales et juridiques définitives sur ce sujet. Las, c’est un retour du balancier qui frappe les homosexuels partout dans le monde, en ce début de XXIème siècle. Quelques exemples : actes d’homophobie en recrudescence en France, maltraitance en Inde, meurtres au Yémen…

L’homosexualité est un sujet très sensible au Yémen, un pays où les homosexuels peuvent être tués, comme ce fut le cas encore récemment lorsque quatre personnes accusées d’être « homosexuels » furent tuées par des activistes d’Al Qaïda au Sud Yemen .

La Constitution en cours au Yémen repose sur la Sharia, source essentielle de la législation concernant les homosexuels. L’article 264 stipule que « la sodomie est avérée lorsqu’on est engagé dans une relation sexuelle anale. Le sodomiseur et le sodomisé, les deux ensemble, qu’ils soient hommes ou femmes, recevront alors 100 coups de fouet en guise de punition s’ils ne sont pas mariés. Cette sentence pourra être renforcée de prison d’un an maximum. L’infraction est passible de la peine de mort par lapidation si la personne concernée est mariée. »

Si une personne en accuse une autre d’être homosexuelle, il/elle doit prouver le cas en amenant quatre témoins qui peuvent attester avoir vu l’accusé « accomplissant l’acte criminel » à une date et heure précise dans un lieu et des circonstances spécifiques. Si il/elle y parvient, l’accusé-e est condamné-e à être fouettée si il/elle n’est pas marié-e, à la mort si il/elle est marié-e. L’accusa-teur-trice qui échouerait à prouver ses accusations, serait condamné-e à 80 coups de fouet.

Deux jeunes hommes, gay, ont été interrogés sur les souffrances qu’ils endurent au Yémen. Ahmed dit qu’il a découvert son orientation sexuelle quand il a remarqué qu’il était attiré par les hommes, mais qu’il craignait de confronter cette révélation à ses parents. Alors, de peur d’être désavoué, il garda le silence. Et cela ne changea rien dans sa vie en apparence – il continue à combiner travail et études.

Khaled dit qu’il a découvert son orientation sexuelle, lorsque encore adolescent, il nota qu’il était plus attiré par les hommes artistes que par les femmes. Il raconte que les homosexuels ont leur propre monde où les amis sont au courant les uns les autres de leurs orientations sexuelles. Mais comme il ne se sent pas d’appartenir à cette communauté, il a décidé de quitter le Yémen.

La société yéménite a été choquée récemment par le coming-out de Alaa Jarban. Alaa est un activiste très connu de la révolution de 2011 au Yémen qui a renversé le président Abdallah Saleh. Alaa a écrit sur son blog en anglais – qu’il a ensuite supprimé -, qu’il a décidé de révéler son homosexualité parce qu’il « est dur de vivre une vie qui n’est pas la vôtre ». Dans un entretien à la BBC, il a expliqué qu’il avait pris part à la révolution et que cette « révolution » devrait renoncer à s’appeler ainsi si « nous ne nous rebellons pas contre notre société et contre nous-mêmes. »

Après la publication de sa note sur son blog, Alaa est devenu la cible d’attaques soutenues, en particulier de la part des journaux restés fidèles à Saleh, qui voulaient ainsi montré que son orientation sexuelle était bien la preuve que la révolution était menée par des « non hétérosexuels ». Les attaques contre Alaa se sont répandues sur les réseaux sociaux et l’ont obligé, après la suppression de son blog, à fermer ses comptes Facebook et Twitter.

La ministre des Droits humains Hooria Mashour a elle aussi été attaquée par une campagne calomnieuse en raison de son soutien aux droits des homosexuels. Ce fut la conséquence de sa signature au bas d’un document des Nations Unies, disposant, entre autres, de garanties pour les libertés sexuelles.

Amnesty International a appelé au respect des engagements antérieurs d’abroger les articles 263, 2640267 et 268 du Code pénal et du Code criminel yéménites, qui criminalisent les relations homosexuelles. La ministre Mashour a assuré que toutes les institutions du gouvernement, de façon consensuelle, avaient signé les documents et traités internationaux, y compris, les conventions sur les droits humains. Mashour a aussi indiqué que le gouvernement yéménite s’est engagé à intégrer ces textes tout en gardant les spécificités du Yémen, tant au regard de sa culture qu’à celui de l’Islam.

Le simple « soupçon » d’encourager l’homosexualité est suffisant pour remettre en question toute action politique ou judiciaire au Yémen.

Dans un message intitulé « Appel au peuple musulman du Yémen », Sheikh Abdel Majeed al-Zindani a mis en garde les Yéménites contre les répercussions de la Conférence autour du Dialogue national, qu’il accuse de vouloir exclure le clergé et d’appeler de ses vœux une législation favorables aux droits des femmes et des homosexuels. « Les apologues du genre sont allés aussi loin qu’ils vantent l’autorisation de déviance (…). Que c’est décadent tout cela ! », a-t-il lancé lorsqu’il en est venu à évoquer les « résultats destructeurs des déviances sexuelles » et a exhorté les Yéménites à rejeter ces lois.

Sa fille, Aysha Abdel Majeed al-Zindani, a utilisé des mêmes attaques contre les féministes et contre les femmes membres de la Conférence autour du dialogue national, qu’elle accuse de contrevenir aux enseignements de l’Islam.

Les homosexuels au Yémen sont toujours traités avec mépris, quand ils ne sont pas battus ou, même, tués. L’un des commentaires postés sur le blog d’Alaa Jarban dévoile une société violente dans son rapport aux homosexuels : « Je ne peux pas croire que j’ai serré votre main un jour, et que nous nous sommes tenus côte à côte sur Change Square (la place de Sanaa devenue symbole de la révolution, ndlr). Vous êtes la raison même de l’échec de la révolution. Des gens comme vous méritent d’être tués ».

En photo : L’activiste blogueur yéménite Alaa Jarban. Depuis l’affichage de son orientation sexuelle, il a été ostracisé par les “révolutionnaires” aux côtés desquels il a pourtant combattu en 2011.

par Hind Aleryani (traduit de l’anglais par Sylvie Braibant pour tv5.org)